Reconnaître la Palestine, maintenant
En notre qualité de parlementaires, nous avons participé début novembre à une mission en Palestine et en Israël organisée par le CNCD-11.11.11.
Nous avons pu mesurer toute l’étendue des conséquences de l’occupation et de la colonisation des Territoires palestiniens par Israël.
En tant qu’élus et citoyens, cette situation n’a pu que heurter notre conscience, soucieuse du respect des droits de la personne et du droit international.
A travers nos visites sur le terrain ou nos échanges avec des interlocuteurs tant palestiniens qu’israéliens, le constat que nous faisons est catégorique et identique pour chacune et chacun d’entre nous.
Sans une action rapide et forte de la communauté internationale, la perspective d’une paix entre Palestiniens et Israéliens et la coexistence de leur Etat respectif deviendront bientôt une chimère.
Chaque jour qui passe voit le territoire palestinien, appelé à former l’assise d’un Etat viable, se réduire comme peau de chagrin.
Le temps joue en faveur d’un gouvernement israélien en quête d’expansion territoriale et passé maître dans l’art du "fait accompli".
Nous avons notamment pu constater les effets sur le terrain de la poursuite de la construction du Mur, aujourd’hui long de 720 kilomètres, qui s’enfonce profondément en Palestine pour affecter de manière sévère le quotidien de la population palestinienne.
Dès 2004, la Cour internationale de Justice (CIJ) avait jugé ce mur contraire au droit international, au motif qu’il visait à rattacher à Israël les centaines de colonies et risquait dès lors de concrétiser une annexion rampante. La Cour soulignait également l’illégalité de la colonisation menée par Israël.
Mais faute d’engagement ferme de la communauté internationale, la construction du Mur et l’entreprise de colonisation se sont poursuivies, sans relâche.
Une fois ce constat dressé sur place, se pose à nous la question des moyens à mettre en œuvre pour préserver une chance de paix au Moyen-Orient.
Malgré la paralysie du Conseil de sécurité sous l’effet du veto américain, l’Union européenne et ses Etats membres disposent de certaines marges de manœuvre.
Celle qui nous semble aujourd’hui primordiale est la reconnaissance de l’Etat palestinien.
Depuis le Plan de partage des Nations Unies adopté en 1947, il manque un Etat au Moyen-Orient: l’Etat de Palestine. En 1948, Israël n’a demandé aucune autorisation pour proclamer unilatéralement son indépendance et son admission comme Etat membre des Nations Unies s’est faite rapidement, dès 1949.
Pourquoi n’en est-il toujours pas de même pour la Palestine ? L’Etat de Palestine a déjà été reconnu par plus d’une centaine de pays dans le monde, en Asie, en Amérique latine et en Afrique.
Pourquoi les Etats occidentaux refusent-ils pour la plupart de faire de même, alors qu’ils approuvent pourtant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ? L’accomplissement de ce droit ne doit pas dépendre du bon vouloir israélien ou de l’issue d’hypothétiques négociations.
Un Etat de Palestine reconnu doit au contraire constituer le point de départ de toutes négociations, qui n’ont vocation à porter que sur les modalités de la fin de l’occupation et sur les arrangements à établir entre les deux Etats souverains, concernant notamment les frontières, Jérusalem, les réfugiés, le partage des ressources naturelles, la sécurité,…
La reconnaissance de la Palestine ne constitue certainement pas une solution miracle, mais elle permettrait d’adresser un message d’une portée politique et symbolique forte en faveur de la solution de deux Etats.
Federica Mogherini, la nouvelle Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en visite récemment en Israël et Palestine, semble avoir pris toute la mesure de la situation en exprimant à plusieurs reprises la nécessité de la reconnaissance et de l’établissement d’un Etat palestinien effectif.
Au sein de l’UE, la Suède a la première franchi le pas en adoptant un décret de reconnaissance le 30 octobre. Déjà le 13 octobre le Parlement britannique avait adopté une résolution votée à une écrasante majorité pour que son gouvernement prenne une décision identique.
Et la question sera bientôt à l’ordre du jour des parlements espagnol et français.
Nous estimons qu’il est temps que la Belgique emboîte le pas à la Suède.
Une telle décision de reconnaissance bilatérale ne serait que la conséquence logique de la position adoptée par notre pays en faveur de l’accession de la Palestine au statut d’Etat observateur aux Nations Unies en 2012 et de son admission comme Etat membre de l’UNESCO, un an auparavant.
Cette reconnaissance ne saurait toutefois être posée comme une fin en soi mais bien comme une étape et un moyen en vue de favoriser d’indispensables négociations.
La colonisation israélienne constitue aujourd’hui le principal obstacle à la paix entre Palestiniens et Israéliens. Sans l’adoption de mesures effectives cherchant à obtenir son arrêt et son démantèlement, toute solution durable au conflit demeurera illusoire.
En ce sens, nous soutenons et appuyons également les propositions de la campagne " Made in Illegality ", coordonnée par le CNCD-11.11.11, son homologue flamand et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), visant la fin des relations économiques, financières et commerciales entre la Belgique et la colonisation israélienne illégale.
La Belgique se grandirait à jouer un rôle précurseur au sein de l’Union européenne en reconnaissant dès maintenant l’Etat de Palestine et apporter ainsi une pierre à l’édifice de la paix entre Palestiniens et Israéliens.
Signataires et membres de la délégation qui s’est rendue en Palestine et en Israël
Marie Arena, députée européenne, PS
Hervé Doyen, député bruxellois, bourgmestre de Jette, cdH
Zoé Genot, députée bruxelloise, Ecolo
Gwenaëlle Grovonius, députée fédérale, PS
Benoit Hellings, député fédéral, Ecolo
Anne Lambelin, députée wallonne, sénatrice, PS
Hélène Ryckmans, députée wallonne, sénatrice, Ecolo
Tine Soens, député flamande, Sp.a
Güler Turan, députée flamande, sénatrice, Sp.a
Julien Uyttendaele, député bruxellois, PS
Marco Van Hees, député fédéral, PTB
http://www.rtbf.be/info/opinions/detail_reconnaitre-la-palestine-maintenant?id=8401593