Mohamed Kourfti est l’une des figures mythiques de la Taktouka Jabaliya. Artiste passionné par l’aïta, il veut que cet art reste authentique et garde ses traditions.
Mohamed Kourfti conserve les habitudes des gens de la montagne. Il est souvent vêtu d’une jellaba de laine marron et son accent demeure jebli bien qu’il vive à Tanger depuis sa tendre enfance. Lorsque son père quitte sa tribu de Krafata pour s’installer dans la cité du détroit, le petit Mohamed n’a que deux ans. Issu d’une famille nombreuse (5 frères et sœurs) et pauvre, le petit Mohamed n’a jamais été à l’école, mais il a fréquenté pendant quelque temps le msid. «A l’époque où la ville de Tanger était sous statut international, seuls les enfants des riches suivaient des cours dans les écoles et missions étrangères», raconte-t-il. Comme tous les enfants habitant le quartier de Sidi Boudnadel, à proximité de la mer, le petit Mohamed passe le plus clair de son temps à jouer au ballon sur la plage. Il lui arrive souvent de se retirer seul sur les falaises pour fredonner quelques airs du répertoire de la Taktouka Jabaliya qu’il avait entendu ses parents fredonner.
Féru de cet art, il ne manque jamais d’assister aux représentations des groupes de la Taktouka Jabaliya à l’occasion des fêtes religieuses ou des moussems de Moulay Abdesslam Ben Mchich à Benaïrouss ou de Sidi Bouarakia à Tanger. Il sent ainsi grandir en lui une grande passion pour cet art.
Il quitte la maison familiale à l’âge de 15 ans pour rejoindre un groupe de Taktouka Jabaliya. Il s’adonne entièrement à son art et passe son temps à se déplacer entre les tribus de Jbel Lahbib et Benaïrouss, entre autres, à l’occasion des mariages, des baptêmes et des circoncisions. Le groupe est aussi invité par les caïdats pour animer les fêtes religieuses et nationales. Avec le temps, Mohamed Kourfti crée son propre groupe de Taktouka Jabaliya dont les membres sont choisis avec la plus grande rigueur. Ils sont invités à participer aux festivals nationaux et internationaux, ce dont il garde de magnifiques souvenirs. Kourfti demeure marqué par ses séjours en Irak et aux USA au début des années 80 : «Nous avons participé à une manifestation culturelle à l’issue de laquelle nous avons remporté le premier prix. Nous avons été décorés par l’ancien président irakien, Saddam Hussein.
Nous avons été aussi invités à participer à un festival folklorique à Chicago et notre prestation a beaucoup plu au point que nous avons a été longtemps ovationnés par le public américain», nous confie Mohamed Kourfti qui ne peut contenir son émotion.
Agé de plus de quatre vingt ans, Si Kourfti proscrit l’utilisation des instruments modernes dans l’art de la Taktouka Jabaliya : «Ces instruments nous font perdre notre tempo et nous donnent à entendre des sons qui sont étrangers à la Taktouka Jabaliya.»
Mohamed Kourfti qui ne vit pas suffisamment de son art. tient, depuis plusieurs années un café dans le fameux quartier Merchane : «J’étais obligé de travailler en parallèle pour élever mes enfants et ce sont eux qui m’aident actuellement à vivre».
Le maestro a beaucoup souffert de l’indifférence des autorités tangéroises. Ces derniers temps, il est, néanmoins, un peu plus souvent sollicité pour participer à des manifestations culturelles organisées par la ville ou à des émissions de radio et de télévision. Ces hommages tardifs, il les a amplement mérités.
Najat Faïssal
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