Averroués...Ibn rochd.....à redécouvrir
Bien quil y ait eu, en terre d'Islam, de nombreux philosophes entre les XIIIe et XVIIe siècles, de landalou Ibn Sab'în (XIIIe siècle) jusquau perse Molla Sadra (XVIIe siècle), la plupart des recherches s'accordent à dire que cest Averroès (1126-1198) qui est le dernier philosophe de la civilisation de l'Islam classique. Ce jugement, qui doit être nuancé sur certains points, repose principalement sur lampleur du projet quil a réalisé, et surtout sur la réception de ce même projet dans l'Occident latin pendant le Moyen Âge.
Dans son travail, Averroès cherchait, en effet, à renouer avec laristotélisme et avec la méthode rationnelle, longtemps occultés par lintérêt des philosophes arabes et alexandrins pour les commentaires de luvre du Stagirite plutôt que pour ses textes eux-mêmes. Parallèlement au commentaire systématique des textes dAristote, Averroès a entrepris un autre travail de défense de lacte de philosopher qui sétait trouvé fortement remis en cause par les accusations dimpiété lancées par al-Ghazâlî (1058-1111) contre les philosophes. Ce sont les réponses aux problèmes soulevés par al-Ghazâlî et la discussion de questions comme le rapport entre la philosophie et la religion, la foi et la raison, le philosophe et la cité qui occupent la partie centrale des uvres personnelles dAverroès (le Discours décisif, le Traité du dévoilement, et lIncohérence de lIncohérence) et qui contiennent une part importante de ses idées politiques.
Renouer avec la méthode scientifique dont le modèle est Aristote et lutter contre le projet intellectuel dal-Ghazâlî constituent donc les deux dynamiques sur lesquelles repose un pan entier de la philosophie politique d'Averroès. Celle-ci s'engage dans une réflexion sur des sujets qui sont à lorigine de la Modernité, comme, par exemple, létude du problème théologico-politique qui est directement lié à la définition du processus de sécularisation. Comment ce travail se présente-t-il dans les textes dAverroès et de quelle manière peut-il être interprété dans les limites du contexte culturel de lIslam du XIIe siècle?
En dehors de ce premier aspect, Averroès peut être considéré, du point de vue de la philosophie politique classique, comme le dernier représentant dune tradition qui remonte aux Grecs et qui est, à partir du Xe siècle, solidement ancrée en terre dIslam grâce aux écrits de Fârâbî (870-950). Cette tradition consiste à étudier les conditions de la réalisation dune cité juste et de linstauration dun régime parfait. Consignés dans le principal texte politique dAverroès qui est le Commentaire de la République de Platon, ces développements abordant, entre autres, le statut et le rôle du chef de la cité parfaite, les cités injustes, et la meilleure éducation des citoyens sont loin dêtre une spéculation théorique gratuite et éloignée des soucis du réel.