Me Luc Abratkiewicz a confié à la cour son "émotion" et le sentiment de "vertige" de se retrouver à plaider cette révision, presque quinze ans jour pour jour après s'être retrouvé commis d'office, le 22 avril 1998, pour défendre Abderrahim el-Jabri.
Ce long combat judiciaire lui a enseigné "l'humilité" nécessaire en matière pénale dans une enquête qui a péché "peut-être par manque de rigueur, par idées pré-conçues" et s'est retrouvée "polluée" par le profil délinquant des deux mis en cause.
Tout accusait Azzimani et el-Jabri, qui avaient été identifiés par un témoin comme les auteurs du crime. Eux-mêmes impliqués dans un trafic de stupéfiants, ils avaient reconnu avoir été parmi les derniers à rencontrer la victime pour une livraison de cannabis.
Après avoir écopé de six ans de prison pour trafic de stupéfiants, ils avaient été jugés et condamnés pour le meurtre. Cette peine avait été confirmée en 2004 en appel, malgré une étrange requalification du chef d'accusation en "complicité" d'homicide, sans que l'auteur principal soit identifié. Cette requalification avait permis à la justice et à la police de relancer les investigations pour faire toute la lumière sur le déroulement des faits.
"Je voulais vous raconter le nombre de miracles qu'il a fallu pour arriver jusqu'à vous", a enchaîné face aux magistrats de la Cour Me Jean-Marc Darrigade, avocat d'Abdelkader Azzimani : le revirement du témoin à charge, puis le versement tardif de traces d'ADN figurant dans les scellés au fichier des empreintes génétiques qui a permis de confondre les nouveaux suspects.
Celui dont l'ADN a été formellement identifié en 2009 venait à peine de faire son entrée au fichier des empreintes en raison d'une petite infraction commise quelques mois plus tôt, ont encore relevé les avocats. L'autre mis en cause, directeur de centre de loisirs, avait régulièrement eu en charge les enfants et neveux de M. Azzimani durant son incarcération.
Marqués par les années de détention, sans travail, les deux condamnés ont confié leur espoir d'être enfin "entendus".