Abû Hurayra répondait ainsi à ceux qui lui reprochaient de trop parler du Prophète et d'abuser dans la transmission de hadiths. Certes, il est venu très tardivement à l'islam, mais les quatre années qu'il passa en compagnie du Messager de Dieu ( il les consacra à recueillir et à mémoriser les paroles de ce dernier. Il voulait rattraper le retard de son islamisation en étudiant, ne faisant que cela, à longueur de journée, aidé en cela par sa mémoire prodigieuse et par sa totale disponibilité. Il y parvint effectivement, puisqu'en si peu de temps, il devint l'un des principaux transmetteurs de hadiths qui font autorité en islam.
Il reste que cette faculté de notre compagnon à mémoriser et à rapporter des hadiths lui attira à plusieurs reprises des tracasseries et des malentendus de certains compagnons, soucieux de voir les hadiths du Messager se substituer aux versets du Saint Coran dans l'esprit des musulmans. C'est ainsi, dit-on, que 'Umar Ibn Al Khattâb l'interpella un jour en ces termes : « Arrête de raconter sur le Messager de Dieu sinon je te porterai à Da'us. »
Le commandeur des croyants craignait qu'à force de rapporter des hadiths, Abû Hurayra ne détourne les musulmans de l'étude du Coran et de sa mémorisation d'autant plus que la Révélation coranique était encore récente et nécessitait une mémorisation exclusive en dehors de toute autre parabole ou lecture. C'était le cas au tout début de l'islam. Néanmoins, le mérite de notre pieux compagnon apparaîtra plus tard dans toute sa splendeur lorsqu'il s'agira de répertorier et de codifier les hadiths du Prophète. C'est à lui, en effet, que s'adresseront les traditionnistes, les compilateurs de hadiths pour composer leurs Sahih - ouvrages de hadiths authentiques. C'est ainsi que l'imam As Shâfi'i a dit à son sujet : « Abû Hurayra était celui qui a mémorisé le plus de hadiths à son époque. »
La conversion d'Abû Hurayra à l'islam et sa fréquentation assidue du Prophète ne lui ont pas fait oublier sa mère qui n'a pas embrassé I'islam. Il l'aimait beaucoup et souhaitait tant qu'elle ne soit pas privée de la lumière de l'islam. Or, elle refusait de se convertir et ne se privait pas de dénigrer le Messager de Dieu, ce qui chagrinait notre compagnon. Un jour, raconte-t-il, j'allais voir l'Envoyé de Dieu en pleurant, je lui dis : « Ô Messager de Dieu ! J'ai demandé à ma mère de se convertir à l'islam mais elle refuse toujours. En plus aujourd'hui, elle m'a dit du mal de toi. Invoque Dieu pour que la mère d'Abû Hurayra soit guidée vers l'islam. » L'Envoyé de Dieu (*) invoqua alors Dieu en ces termes : Ô Dieu ! Guide la mère d'Abû Hurayra. » Tout heureux de cette invocation, je courus en informer ma mère. A mon arrivée, je trouvai la porte fermée et j'entendis l'eau qui coulait. En voulant entrer, j'entendis ma mère dire : « Reste où tu es, ô Abü Hurayra ! » Quelques instants après, elle sortit, portant son voile, et proclama devant moi : « Je témoigne qu'il n'y a d'autre dieu que Dieu et que Muhammad est le serviteur et l'Envoyé de Dieu. »
Je retournai auprès du Messager de Dieu, pleurant de joie comme je pleurais de tristesse une heure auparavant. Je lui dis : « Ô Messager de Dieu ! Réjouis-toi car Dieu a exaucé ton invocation et a guidé la mère d'Abû Hurayra vers I'islam. »
J'ajoutai à l'adresse de l'Envoyé de Dieu : « O Envoyé de Dieu Invoque Dieu afin qu'il mette de I'amour pour moi et pour ma mère dans le coeur des croyantes et des croyants. » Le Messager de Dieu invoqua alors Dieu en ces termes : « Ô Dieu ! Fais que les croyants et les croyantes aiment ton petit serviteur que voici et sa mère. »
Abû Hurayra aimait de toute son âme le Prophète. II ne pouvait le quitter d'une semelle tant la passion étreignait son âme. II disait à son sujet : « Jamais je n'ai vu d'homme aussi beau et aussi radieux que le Messager de Dieu. On dirait que le soleil se reflétait sur son visage. » II avait l'habitude de dire : « Loué soit Dieu qui a guidé Abû Hurayra vers l'islam ! Loué soit Dieu qui a fait apprendre à Abû Hurayra le Saint Coran ! Loué soit Dieu qui m'a gratifié de la compagnie de Muhammad. »