Le mardi 17 septembre à 7:45 du matin, des agents de police ont appréhendé Ali Anouzla, co-fondateur de Lakome et directeur de publication de sa version arabophone Lakome.com. Après avoir perquisitionné son domicile et saisi son ordinateur portable, les agents de police l'ont conduit aux locaux de Lakome où ils ont procédé à la saisie de 8 unités centrales. Dans la matinée du même jour, le procureur du roi auprès de la cour d'appel de Rabat publiait un communiqué dans lequel il informait l'opinion publique de sa décision de demander l'arrestation d'Ali Anouzla suite à la mise en ligne par Lakome d'une vidéo d'Aqmi «incitant au terrorisme».
Au vu des développements de cette affaire, la décision du procureur du roi appelle de notre part les remarques préliminaires suivantes :
La vidéo d'Aqmi
Cette vidéo de 41 minutes a été diffusée le 12 septembre par Al-Andalus, le «média officiel» d'Aqmi chargé de relayer les messages de l'organisation terroriste. Aqmi y reprend une série d'informations publiées par des médias relatives à la corruption du régime Marocain, de la monarchie et de son entourage en particulier, avant d'appeler les jeunes musulmans marocains au jihad contre le régime. Si on peut considérer que la vidéo incite à la violence, elle ne présente pas le caractère de danger imminent qui ferait de sa diffusion par un média un acte criminel. La publication de la vidéo contribue à l'information, les citoyens sont en droit de savoir qu'une organisation terroriste menace leurs dirigeants.
Les Etats démocratiques ne considèrent l'incitation à la violence comme un acte criminel que lorsque le caractère de danger imminent est présent, ou pour certains pays démocratiques aux lois plus restrictives lorsque cette incitation vise expressément un groupe ethnique ou religieux précis.
La diffusion par Lakome
Il convient ici de préciser que le groupe Lakome est composé de deux sites aux adresses internet différentes. Ces deux sites sont le site arabophone lakome.com et le site francophone fr.lakome.com. Si les deux sites collaborent entre eux à travers la traduction de certains de leurs articles, les deux ont chacun leur directeur de publication propre, seul responsable de leur contenu éditorial respectif. Ali Anouzla est le directeur de publication du site arabophone lakome.com tandis qu'Aboubakr Jamai est celui du site francophone fr.lakome.com.
Concernant la vidéo d'Aqmi, le site arabophone n'a publié que le lien internet renvoyant au blog du journaliste d'El Pais Ignacio Cembrero, sur lequel se trouvait la vidéo en question. Le site francophone a lui mis en ligne la vidéo. Il est donc surprenant que le procureur du roi ait entamé une procédure contre Ali Anouzla sans en faire de même a l'encontre d'Aboubakr Jamai, unique responsable du site francophone.
Précisons enfin que les deux sites, Lakome arabophone et Lakome francophone, présentent la vidéo comme étant un acte de «propagande» et n'en font à aucun moment une caractérisation positive.
Timing de la procédure
La vidéo d'Aqmi a été diffusée par Lakome le 14 septembre. La procédure initiée par le procureur du roi n'a elle été lancée que le 17 septembre. Entre-temps, aucune autorité n'a contacté la direction de Lakome pour demander à retirer la vidéo du site. Si le danger - que la diffusion de cette vidéo entraîne la commission d'actes terroristes - est établi, pourquoi avoir attendu 4 jours avant de réagir – non pas en demandant de retirer la vidéo mais en interpellant Ali Anouzla, qui passera mercredi soir une nouvelle nuit en garde à vue ?
Aboubakr Jamaï, seul responsable de la publication de la vidéo sur le site francophone de Lakome, est à la disposition de la justice marocaine et répondra favorablement à toute convocation.
http://fr.lakome.com/index.php/maroc/1365-affaire-ali-anouzla-communique-de-lakome