Pegasus : une affaire marocaine, vraiment ?
REPORTAGE. Beaucoup, Marocains et non-Marocains, interrogent les preuves, les conditions et les conséquences de la cybersurveillance, au-delà d’un seul pays.
Tout a commencé le 18 juillet dernier à la suite d’une importante enquête menée par un consortium regroupant une centaine de journalistes, une vingtaine de médias, dont
Le Monde,
Radio France, l’ONG Forbidden Stories, en collaboration avec
Amnesty International. Le projet est digne d’un épisode de la série britannique
Black Mirror. Ce consortium de médias indique avoir analysé des centaines de téléphones portables dans plusieurs pays. Objectif : repérer lesquels étaient contaminés par le logiciel d’espionnage Pegasus, un bijou de technologie de surveillance conçu par la société israélienne NSO Group.
Pegasus pour quoi faire ?
À la base, il faut savoir que Pegasus est présumé être mis en vente à destination d’organisations étatiques et non d’entreprises privées, avec comme objectif théorique d’espionner des individus ou des groupes soupçonnés d’être impliqués dans des initiatives à visée terroriste ou criminelle. Dans la réalité, ce logiciel serait aussi utilisé par certains régimes avec des velléités autoritaires pour espionner des journalistes, des avocats, des hommes d’affaires, des militants des droits de l’homme et même des chefs d’État étrangers. La liste des pays accusés de faire usage de Pegasus est longue… Parmi eux, l’
Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le
Maroc, la
Hongrie, le Togo, l’Inde ou encore le Mexique. Des pays donc avec des profils divers tant au niveau géographique que des régimes politiques.
Comment le Maroc a été accusé
Le Maroc, cité plus haut, s’est ainsi retrouvé accusé d’utiliser à grande échelle Pegasus pour espionner non seulement des hautes personnalités du royaume – notamment le roi lui-même ! –, mais aussi des dissidents et des hauts responsables politiques, militaires et sécuritaires de plusieurs États, notamment la France et l’Algérie.
Plus grave : le royaume est accusé d’espionner rien moins que le téléphone portable d’Emmanuel Macron et de quelque 6 000 personnalités du complexe militaro-sécuritaire algérien.
Comment le royaume s’est défendu
Des allégations évidemment repoussées et refusées avec force par les officiels du Maroc, des citoyens du royaume chérifien et aussi par certains membres de la communauté internationale. Concrètement, non seulement le Maroc a rejeté ces accusations et a décidé de poursuivre en diffamation à la fois le consortium de médias Forbidden Stories mais aussi tous les acteurs s’étant impliqués dans ces accusations.
« Au-delà de cet écran de fumée – ce coup de bluff, si je puis me permettre – monté de toutes pièces et sans preuve aucune, il convient de jeter la lumière sur les faits, loin de la polémique et de la calomnie », a tenu à préciser le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita, dans un entretien accordé au magazine panafricain
Jeune Afrique. Le chef de la diplomatie marocaine a poursuivi son propos en expliquant que ces attaques contre le Maroc ne sont fondées que sur de pures supputations. « Certains titres syndiqués au sein de ce consortium servent des agendas bien connus pour leur hostilité primaire envers le Maroc et sont ulcérés par ses succès », a martelé Nasser Bourita. Dans la même interview, ce dernier a mis au défi les colporteurs des accusations d’espionnage à l’endroit du Maroc de fournir des preuves tangibles et matérielles en appui à leur récit.
Au-delà du registre diplomatique, le royaume chérifien s’est adjoint les services d’Olivier Baratelli, un avocat français. Celui-ci a qualifié les accusations contre le Maroc « d’ubuesques ». Et d’affirmer que NSO Group, la société israélienne conceptrice du fameux logiciel d’espionnage Pegasus, « n’a jamais eu de liens contractuels ou commerciaux » avec le Maroc. Et d’indiquer en plus dans ses déclarations qu’« Emmanuel Macron n’a pas et n’a jamais été une cible sélectionnée par des clients NSO ».
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