Affligeant
Ahmed R. Benchemsi
(ALEX DUPEYRON)
A quoi sert Abbas El Fassi ? à faire tapisserie à linternational et à servir de punching-ball à Fouad Ali El Himma !
Cest le buzz politique du moment : le Parti authenticité et modernité (PAM) appelle le Premier ministre Abbas El Fassi à défendre son bilan à mi-parcours, devant le parlement. Rien de plus normal, direz-vous. Ce nest pas une obligation constitutionnelle, mais une coutume désormais établie. Youssoufi lavait fait, Jettou aussi, pourquoi pas El Fassi ? Les amis de Fouad Ali El Himma disent quappeler à cet exercice consiste à
donner corps à la nouvelle opposition quils sont censés incarner. Comprenez : Maintenant, on va vous dire en quoi on soppose à ce gouvernement.
En soi, le message est très amusant. Cela fait presque un an, en effet, que le PAM est passé à lopposition. Mais cest seulement maintenant quil estime utile dexpliquer pourquoi aux Marocains. Rappelons quà lépoque, en mai 2009, le parti (de lami) du roi avait déclaré que sil retirait son soutien au gouvernement, cétait parce que ce dernier lavait méprisé en lui contestant le droit de débaucher des députés en cours de législature, donc de violer la loi sur les partis (quil avait violée quand même, dailleurs, impunément). Bref, si le PAM était passé à lopposition, cétait pour régler ses comptes, ni plus ni moins. Rien à voir avec le rejet dune politique gouvernementale qui desservirait le peuple la seule raison valable, en démocratie, pour passer à lopposition. Aujourdhui donc, le PAM rectifie le tir et demande au Premier ministre de sexpliquer sur son bilan pour mieux pourfendre son explication, quelle quelle soit, par un communiqué rageur. Voire pour déposer une motion davertissement contre léquipe El Fassi. Nous sommes donc invités à considérer, dès que cette prévisible séquence sera achevée, que le PAM est crédible dans son rôle dopposant. Ce serait comique, si ce nétait affligeant
Pourquoi est-ce affligeant ? Cest Fouad Ali El Himma lui-même qui a donné la réponse. Vous vous souvenez de cette période éphémère pendant laquelle le n°2 officieux du régime postait ses pensées les plus intimes sur Twitter, probablement sans se rendre compte que le monde entier y avait accès* ? Lami du roi déclarait, avec une franchise désarmante : La majorité ne peut sapproprier les avancées, elles sont luvre de Sa Majesté, pas du gouvernement. Donc, si on suit bien, quand il y a des avancées, cest grâce à Sa Majesté, mais dès quil y a des critiques à formuler, on se paye Abbas ! Pratique non ?
Cela dit, El Himma avait raison, même sil nétait pas allé au bout de son raisonnement. Tout ce qui se passe de majeur dans ce pays, les avancées comme les reculs, est en effet imputable au roi plutôt quau gouvernement. Bien sûr, il y a une poignée de ministres technocrates qui, aujourdhui comme hier, réalisent des choses importantes, notamment sur le plan des infrastructures. Mais jusquà quel point le Premier ministre est-il comptable de leur action ? Quand ils étaient étroitement encadrés par Driss Jettou, cétait le cas, pas de doute. Mais aujourdhui, et alors que le chef du gouvernement ne comprend pas un traître mot de la vulgate technocratique de certains de ses ministres, et que le bilan des autres, qui se contentent de gérer les affaires courantes, est quasi-nul passer Abbas à la question a quelque chose de profondément injuste.
Au final, à quoi sert notre Premier ministre ? A faire tapisserie à linternational au grand dam du Maroc, dont limage nen sort pas rehaussée et à servir de punching-ball aux Himma boys qui veulent jouer aux opposants. Cest lamentable, mais cest comme ça. Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce quen nommant Abbas El Fassi Premier ministre en 2007, Mohammed VI a tenu à appliquer la méthodologie démocratique, à savoir : Le chef du premier parti dirige le gouvernement. Et ce, mécaniquement, comme pour dire : Vous vouliez la démocratie ? La voilà. Connaissant les limites de Abbas, le message subliminal nétait-il pas plutôt : Une monarchie exécutive na pas besoin de Premier ministre ? Parce que cest bien à cette conclusion que nous sommes arrivés. Sauf que finalement, Abbas El Fassi a bien une utilité : servir de marchepied (voire dessuie-pieds) à lami du roi, pour préparer son inévitable victoire en 2012. Affligeant, on vous dit !
* Le compte Twitter dEl Himma avait été fermé dès que TelQuel en avait parlé.
http://www.telquel-online.com/420/edito_420.shtml
Ahmed R. Benchemsi
(ALEX DUPEYRON)
A quoi sert Abbas El Fassi ? à faire tapisserie à linternational et à servir de punching-ball à Fouad Ali El Himma !
Cest le buzz politique du moment : le Parti authenticité et modernité (PAM) appelle le Premier ministre Abbas El Fassi à défendre son bilan à mi-parcours, devant le parlement. Rien de plus normal, direz-vous. Ce nest pas une obligation constitutionnelle, mais une coutume désormais établie. Youssoufi lavait fait, Jettou aussi, pourquoi pas El Fassi ? Les amis de Fouad Ali El Himma disent quappeler à cet exercice consiste à
donner corps à la nouvelle opposition quils sont censés incarner. Comprenez : Maintenant, on va vous dire en quoi on soppose à ce gouvernement.
En soi, le message est très amusant. Cela fait presque un an, en effet, que le PAM est passé à lopposition. Mais cest seulement maintenant quil estime utile dexpliquer pourquoi aux Marocains. Rappelons quà lépoque, en mai 2009, le parti (de lami) du roi avait déclaré que sil retirait son soutien au gouvernement, cétait parce que ce dernier lavait méprisé en lui contestant le droit de débaucher des députés en cours de législature, donc de violer la loi sur les partis (quil avait violée quand même, dailleurs, impunément). Bref, si le PAM était passé à lopposition, cétait pour régler ses comptes, ni plus ni moins. Rien à voir avec le rejet dune politique gouvernementale qui desservirait le peuple la seule raison valable, en démocratie, pour passer à lopposition. Aujourdhui donc, le PAM rectifie le tir et demande au Premier ministre de sexpliquer sur son bilan pour mieux pourfendre son explication, quelle quelle soit, par un communiqué rageur. Voire pour déposer une motion davertissement contre léquipe El Fassi. Nous sommes donc invités à considérer, dès que cette prévisible séquence sera achevée, que le PAM est crédible dans son rôle dopposant. Ce serait comique, si ce nétait affligeant
Pourquoi est-ce affligeant ? Cest Fouad Ali El Himma lui-même qui a donné la réponse. Vous vous souvenez de cette période éphémère pendant laquelle le n°2 officieux du régime postait ses pensées les plus intimes sur Twitter, probablement sans se rendre compte que le monde entier y avait accès* ? Lami du roi déclarait, avec une franchise désarmante : La majorité ne peut sapproprier les avancées, elles sont luvre de Sa Majesté, pas du gouvernement. Donc, si on suit bien, quand il y a des avancées, cest grâce à Sa Majesté, mais dès quil y a des critiques à formuler, on se paye Abbas ! Pratique non ?
Cela dit, El Himma avait raison, même sil nétait pas allé au bout de son raisonnement. Tout ce qui se passe de majeur dans ce pays, les avancées comme les reculs, est en effet imputable au roi plutôt quau gouvernement. Bien sûr, il y a une poignée de ministres technocrates qui, aujourdhui comme hier, réalisent des choses importantes, notamment sur le plan des infrastructures. Mais jusquà quel point le Premier ministre est-il comptable de leur action ? Quand ils étaient étroitement encadrés par Driss Jettou, cétait le cas, pas de doute. Mais aujourdhui, et alors que le chef du gouvernement ne comprend pas un traître mot de la vulgate technocratique de certains de ses ministres, et que le bilan des autres, qui se contentent de gérer les affaires courantes, est quasi-nul passer Abbas à la question a quelque chose de profondément injuste.
Au final, à quoi sert notre Premier ministre ? A faire tapisserie à linternational au grand dam du Maroc, dont limage nen sort pas rehaussée et à servir de punching-ball aux Himma boys qui veulent jouer aux opposants. Cest lamentable, mais cest comme ça. Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce quen nommant Abbas El Fassi Premier ministre en 2007, Mohammed VI a tenu à appliquer la méthodologie démocratique, à savoir : Le chef du premier parti dirige le gouvernement. Et ce, mécaniquement, comme pour dire : Vous vouliez la démocratie ? La voilà. Connaissant les limites de Abbas, le message subliminal nétait-il pas plutôt : Une monarchie exécutive na pas besoin de Premier ministre ? Parce que cest bien à cette conclusion que nous sommes arrivés. Sauf que finalement, Abbas El Fassi a bien une utilité : servir de marchepied (voire dessuie-pieds) à lami du roi, pour préparer son inévitable victoire en 2012. Affligeant, on vous dit !
* Le compte Twitter dEl Himma avait été fermé dès que TelQuel en avait parlé.
http://www.telquel-online.com/420/edito_420.shtml