Agir pour le Vivant : tribune #GraciasLuna, une nécessaire humanité Agir pour le vivantdossier En prenant dans ses bras un migrant à bout de forc

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion NowHereMan
  • Date de début Date de début

NowHereMan

...
Bladinaute averti
Agir pour le Vivant : tribune

#GraciasLuna, une nécessaire humanité​



En prenant dans ses bras un migrant à bout de force, la bénévole de la Croix-Rouge espagnole a fait preuve d’une humanité qui nous fait honneur.
3QEZKDPG2VAIZDAPPW6LGGOQHU.jpg

Luna Reyes, membre de la Crois-Rouge espagnole, réconforte un migrant sénégalais, à Ceuta le 18 mai. (Jon Nazca/REUTERS)

par Julia Montfort, journaliste et autrice
publié le 9 juin 2021 à 21h37
(mis à jour à 23h37)

L’étreinte fraternelle offerte à un exilé sénégalais à bout de forces par Luna Reyes, bénévole de la Croix-Rouge espagnole, a valu à la jeune femme une vague de harcèlement massif sur les réseaux sociaux. Ce déferlement de haine sur une femme qui offre l’humanité, simplement, à un homme désespéré qui vient d’échapper à la mort ne doit pas laisser croire que les discours xénophobes l’emportent, bien au contraire.



L’étreinte comme rappel de notre humanité​

«Il pleurait, j’ai tendu la main et il m’a serrée dans ses bras. Il s’est accroché à moi. Cette étreinte a été sa bouée de sauvetage», a déclaré Luna Reyes aux journalistes présents sur la place de Ceuta, enclave espagnole frontalière du Maroc. Le temps semble s’être arrêté entre ces deux êtres tout juste âgés d’une vingtaine d’années. Par son geste de consolation face à l’infinie détresse de cet inconnu, la bénévole offre une trêve salutaire. L’espace de quelques secondes, elle a permis de replacer l’humain au cœur des considérations politiques comptables.



Un impératif qui n’est plus une évidence tant le droit d’asile ne se conçoit plus aujourd’hui qu’à la lumière d’une politique de contrôle dans le discours des dirigeants européens. Peu de temps après la diffusion de l’image de cette courte étreinte, une vague de harcèlement s’est abattue sur Luna Reyes, au point de la forcer à se retirer des réseaux sociaux. Depuis le déclenchement de la guerre en Syrie et l’inexorable odyssée des réfugiés qui tentent de trouver asile dans l’Union européenne, une petite musique nauséabonde tente de s’imposer, qui charrie des discours sécuritaires et déshumanisants, véhiculant l’idée que l’étranger est un ennemi dont il faut se protéger à tout prix. Notre capacité innée d’empathie pour les malheureux se trouve empêchée par l’image déformée de cet autre menaçant qui vient frapper à notre porte. Il y a urgence à hurler le refus de ces discours décomplexés désormais portés par nos gouvernants au plus haut de l’Etat, avant qu’ils ne deviennent la norme.


«Vous avez d’abord des devoirs avant d’avoir des droits» : voici comment Emmanuel Macron s’adressait il y a quelques jours à peine aux sans-papiers candidats à l’exil en marge d’un déplacement à Nevers. La parole présidentielle propose ainsi une réinterprétation de la Déclaration des droits de l’homme qui repose sur l’égalité des droits, sans distinction aucune d’origine, de naissance, de sexe, de langue. Les exilés ne seraient plus qu’un tout homogène qu’il faudrait sans cesse rappeler à l’ordre, contenir voire punir avant que l’on ne daigne leur accorder l’accès à leurs droits fondamentaux.


À suivre
 

Les «nouveaux Justes»​

«Il y aura de l’espérance tant qu’il y a des témoins qui se lèvent avec courage», me confiait récemment le pasteur Norbert Valley. Poursuivi en Suisse en 2018 pour avoir mis à l’abri un exilé togolais, il est avec Cédric Herrou ou encore Pierre-Alain Mannoni l’une des figures de proue de la vague de solidarité née spontanément lorsque l’Europe s’est muée en forteresse. Ces «nouveaux Justes» sont des gens qui ne portaient pas un discours pro-migrants à la base. Ils se sont simplement retrouvés dans des situations où porter secours était un réflexe. L’impulsion humaniste échappe à toutes considérations statistiques, gomme la peur de l’irréaliste grand remplacement cher à ceux qui se reconnaissent dans les discours du Rassemblement national. Le geste de Luna Reyes est devenu viral parce qu’il est naturel : en voyant un homme épuisé et désespéré s’échouer sur une plage, la seule et unique réaction possible de la plupart d’entre nous, c’est celle de tendre la main. Et cela dérange copieusement les rageux qui veulent promouvoir la haine.


L’empathie de Luna Reyes est l’occasion d’une nouvelle clarté. Propulsée en une des journaux du monde entier, elle offre une représentation rare du caractère impérieux du geste d’hospitalité qui ramène l’étranger à son statut d’être humain, puis d’hôte. Par-delà les discours de haine que laissent imposer des considérations statistiques sur les migrations, nous devons avoir confiance et réaffirmer collectivement notre humanité commune. Cette mobilisation de citoyens ordinaires, leurs actions, la solidité des liens tissés et l’alignement éthique apaisant pour tous qui en découle doivent émerger. Il appartient à chacun de refuser le discours dominant en se levant avec courage, pour étreindre et consoler. D’ailleurs, les réseaux sociaux qui accueillent sans mot dire le lynchage d’une jeune femme ont rapidement vu émerger le hashtag #GraciasLuna en guise de contre-feu salvateur. Merci Luna Reyes de nous avoir rappelé notre humanité.

Julia Montfort est l’autrice de Carnets de solidarité (Payot
 
Retour
Haut