Savant soufi du XIe siècle, Al Hujwiri est l’auteur du Kashf al-Mahjûb li-Arbâb al-Qulûb (« Le Dévoilement des mystères pour ceux qui possèdent un cœur), somme spirituelle dans laquelle il introduit quelques notions sur les rapports entre connaissance et action. Extraits.
Dieu a dit, décrivant les savants : « Parmi les serviteurs de Dieu, les savants sont seuls à Le redouter » (Qor ân, XXXV, 28). Le Prophète a dit : « Rechercher la connaissance est obligatoire pour tout musulman, homme ou femme » ; et il a dit aussi : « Recherchez la connaissance, fût-ce en Chine. »La connaissance est immense et la vie est courte ; en conséquence, il n’est pas obligatoire d’apprendre toutes les sciences, telles que l’astronomie, la médecine, l’arithmétique, etc., mais seulement ce qui, en chacune d’entre elles, concerne la Loi religieuse (sharia) : assez d’astronomie pour connaître les heures des prières, assez de médecine pour s’abstenir de ce qui est nuisible, assez d’arithmétique pour comprendre le partage des héritages, etc.
Vrai savoir et savoir futile
Le savoir n’est obligatoire que dans la mesure où il est nécessaire pour agir de façon juste. Dieu condamne ceux qui apprennent des sciences inutiles (voir II, 102) et le Prophète a dit : « Protège-moi d’un savoir qui ne sert à rien. »On peut beaucoup entreprendre au moyen de peu de connaissance, et la connaissance ne doit pas être séparée de l’action. Le Prophète a dit : « L’homme dévot sans connaissance des sciences religieuses est pareil à un âne faisant tourner la roue du moulin » ; l’âne tourne toujours sur ses propres pas et n’avance jamais. »
Certains considèrent la connaissance comme supérieure à l’action, tandis que d’autres placent l’action en premier, mais tous se trompent. Si l’action ne se conjoint pas à la connaissance, elle ne mérite pas de récompense.
La prière, par exemple, n’est pas une véritable prière si elle n’est pas accomplie avec le savoir des principes de la purification et ceux qui concernent la qibla (orientation vers La Mecque) et avec la connaissance de la nature de l’intention.
Deux voies complémentaires
De même, la connaissance sans l’action n’est pas la connaissance. Etudier et apprendre par cœur sont des actes pour lesquels un homme est récompensé dans l’autre monde ; s’il obtenait le savoir sans effort de sa part, il ne recevrait pas de récompense.Deux catégories d’hommes tombent dans l’erreur : tout d’abord, ceux qui revendiquent le savoir pour l’amour de la renommée mais sont incapables de la mettre en pratique (en réalité ils n’ont rien acquis); et. secondairement, ceux qui prétendent que la pratique suffit et que la connaissance n’est pas nécessaire.