L'Algérie sur les listes noires des pays à risques terroristes: l'affront de Paris et Washington
Merouane Mokdad
Paris et Washington viennent de prendre des mesures durcissant les contrôles des voyageurs provenant de plusieurs pays, dont lAlgérie. Des décisions intervenues après la tentative dattentat du Nigérian Omar Farouk Abdulmutallab. Ce dernier a tenté, fin décembre, de faire exploser un avion américain assurant la liaison Amesterdam-Détroit en utilisant un explosif que les appareils de surveillance nont pas pu détecter.
LAlgérie se retrouve ainsi dans les mêmes listes que le Yemen, la Somalie ou lAfghanistan, des pays où lEtat a cessé dexister depuis plusieurs années. Un pays comme le Maroc, dont les ressortissants sont régulièrement impliqués dans des attentats ou des tentatives dattentats, ne figure curieusement sur aucune liste.
Linscription de lAlgérie sur ces listes pose aussi un autre problème. A plusieurs reprises, de hauts responsables américains ont loué les efforts de lAlgérie dans la lutte contre le terrorisme. On découvre aujourdhui que ces déclarations, très médiatisées par les médias officiels algériens, ne sont en réalité que des formules diplomatiques qui cachet de réels inquiétudes occidentales concernant la gestion de la lutte antiterroriste par lAlgérie. Dailleurs, le Département dEtat américain na jamais levé le « travel warning » adressé aux ressortissants américains qui se rendent en Algérie.
La série denlèvement de touristes occidentaux dans le Grand Sud algérien, au Mali et en Mauritanie a suscité beaucoup dinquiétudes à la Maison blanche. A Washington, on ne comprend pas pourquoi Mokhtar Belmokhtar, présenté comme le chef des groupes terroristes du Sud, nest toujours pas localisé. Et on sinterroge sur les raisons de non jugement de Abdelrazak El Para, en détention depuis quatre ans, alors quil a été reconnu responsable du kidnapping des touristes allemands en 2003.
«Les activités terroristes et criminelles dans le Maghreb et la région du Sahel continuent dêtre une menace pour toute la région et au-delà. Je suis venu entendre les points de vue des responsables civils et militaires algériens sur la situation, a déclaré à Alger le général William E. Ward, chef du Commandement militaire américain pour lAfrique (Africom), lors de sa visite en décembre 2009. Le général Ward a été reçu par le président Bouteflika et par les principaux responsables de larmée algérienne.
Le sous-secrétaire dEtat chargé du Proche-Orient Jeffrey Feltman et la sous-secrétaire adjointe à la Défense, Vicki Huddleston, sont également venus à Alger pour, entre autres, discuter sur le combat mené par les autorités algériennes contre Al Qaida au Maghreb. Et Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, qui s'est rendu à Washington le 11 décembre 2009, a eu à répondre à des questions précises posées par les experts du Conseil de sécurité de la Maison Blanche, par Daniel Benjamin, coordonnateur pour le contre-terrorisme au département dEtat, et par le général James Jones, conseiller du président Barack Obama pour les Affaires de sécurité nationale.
A Paris, la décision de mettre lAlgérie dans la liste des pays à risques semble sinscrire dans une logique de confrontation née de la crise du diplomate Hassani et de la relance de laffaire des Moines de Tibhirine. Les relations politiques entre les deux pays traversent une profonde zone de turbulences depuis plus dune année. La visite des officiels dans les deux sens sont devenus rares. Et le déplacement du président Bouteflika, qui devait avoir lieu en juin 2009, a été reporté sine die. Mais, cest la première fois que Paris remet en cause dune manière implicite les capacités algériennes à mettre fin au phénomène terroriste. Les services de sécurité des deux pays ont toujours travaillé en étroite collaboration sur ses dossiers. Cela dit, lambiguïté dans le discours officiel algérien partagé entre nécessité déradiquer le terrorisme et appel incessant à la réconciliation nationale, a ouvert la voie à toutes les interrogations sur la volonté de rétablir complètement la sécurité dans le pays par les moyens conventionnels.
Enfin, linscription de lAlgérie sur ces deux listes de la honte na donné lieu à aucune réaction officielle. Lundi, le Nigéria a réagi en déplorant le fait quil figure sur la liste américaine. A Alger, on observe toujours le silence alors quune telle annonce aurait pu au moins provoquer une convocation des ambassadeurs américain et français à Alger.
04/01/2010
source: TSA