La perspective d'un troisième mandat du président Bouteflika, qui sera sans aucun doute réélu lors du scrutin d'aujourd'hui, est vécue par les Algérois comme un véritable déni d'avenir. Malgré un dynamisme économique bien visible, l'enfermement, le repli sur soi, l'islamisation rampante minent une société résignée, mais qui s'accroche au moindre espace de liberté.
La campagne électorale aura été courte, mais obsédante : à Alger, le visage d'Abdelaziz Bouteflika est omniprésent, jusqu'au vertige. Banderoles, calicots, " vélos-sandwichs ", auvents des fleuristes près de la Grande Poste, écrans plasma de l'aéroport, portraits géants sur les toits des banlieues et affiches sauvages dégoulinant de colle fraîche sur tous les murs de la ville répètent à l'infini le visage de l'actuel et - assurément - futur président (lire également page 8). Sécurité oblige, la police est partout. Cette débauche publicitaire destinée à gagner quelques points de participation au scrutin d'aujourd'hui provoque surtout l'écoeurement : " C'est du jamais-vu à ce niveau, et très provoquant au regard de notre tradition ", note un politologue. Les unes des journaux fustigent ces dépenses inutiles pour un scrutin gagné d'avance et le mot " abstention " est sur toutes les lèvres. " On s'exprime en ne votant pas ", expliquent des étudiants. L'ouverture de la fin des années 1980 a fait long feu et " même si on est dans une super situation financière pour décoller, rien ne se passe. L'Algérie, c'est un échec répété ", résume un banquier. Rongés par l'absence de perspectives, tous rêvent d'un " Obama algérien " et ont ressenti l'annonce d'un troisième mandat de Bouteflika " comme un coup de massue sur la tête ", un déni d'avenir. 70 % de l'Algérie a moins de trente ans : " Ici, on est une masse de jeunes dirigée par des vieux ! Pour eux, on n'existe pas, on ne nous demande jamais notre avis ", soupire Amine Larage, rapeur engagé et acteur de série TV aux allures d'adolescent.
Douloureuse fracture sociale
Blanche et bleue, Alger, à laquelle les frères corsaires Barberousse ont donné une place centrale en Afrique du Nord dès le milieu du XVIe siècle, reste une ville magnifique. Un amphithéâtre naturel, dont les architectures arabo-ottomanes et coloniales suivent harmonieusement les courbes de niveau verdoyantes, et une métropole vibrante, populaire et truffée d'influences multiples au ras des flots, dans les quartiers de légende de la casbah ou de Bab-el-Oued. Mais les années noires du terrorisme comme le récent boom pétrolier l'ont transformée. Fatigue, ennui et résignation y jouent partout une petite musique lancinante. En Algérie, on appelle ça " la malvie ".
Et pourtant, à première vue, Alger témoigne d'un dynamisme débridé. La ville déborde au-delà des collines environnantes en un chaos de chantiers. Aéroport, trains de banlieue, tunnels, deuxième rocade, buildings rutilants, zones industrielles ou commerciales, logements, " cyberpark "... Un vrai lifting est en cours. Si la décennie de terreur a fait fuir des milliers de cadres et d'intellectuels, elle a poussé les campagnes vers une ville conçue pour 450.000 habitants et qui en compte aujourd'hui 3 millions, plus 1 million de personnes en transit chaque jour. Fruit de la libération du crédit, le parc automobile a explosé et la congestion de la capitale dépasse l'entendement. Une société nouvelle de nouveaux riches style Europe de l'Est, une jeunesse dorée, mais aussi de jeunes entrepreneurs l'ont investie, à l'origine de nouveaux quartiers à l'image de Sidi Yahia et sa fameuse " 5e Avenue ", et de lieux de loisirs new-look. Les clubs de gym ont pignon sur rue et la consommation impose sa loi. En cette veille d'élection, 27 navires patientent dans la baie avant de pouvoir décharger des importations passées de 7 à 40 milliards de dollars entre 2000 et 2008. " Avant, les émigrés apportaient avec eux des choses car on manquait de tout. Maintenant, ce sont eux qui s'approvisionnent ici ", s'amuse un jeune peintre.
suite:
http://www.lesechos.fr/info/inter/300342515.htm
La campagne électorale aura été courte, mais obsédante : à Alger, le visage d'Abdelaziz Bouteflika est omniprésent, jusqu'au vertige. Banderoles, calicots, " vélos-sandwichs ", auvents des fleuristes près de la Grande Poste, écrans plasma de l'aéroport, portraits géants sur les toits des banlieues et affiches sauvages dégoulinant de colle fraîche sur tous les murs de la ville répètent à l'infini le visage de l'actuel et - assurément - futur président (lire également page 8). Sécurité oblige, la police est partout. Cette débauche publicitaire destinée à gagner quelques points de participation au scrutin d'aujourd'hui provoque surtout l'écoeurement : " C'est du jamais-vu à ce niveau, et très provoquant au regard de notre tradition ", note un politologue. Les unes des journaux fustigent ces dépenses inutiles pour un scrutin gagné d'avance et le mot " abstention " est sur toutes les lèvres. " On s'exprime en ne votant pas ", expliquent des étudiants. L'ouverture de la fin des années 1980 a fait long feu et " même si on est dans une super situation financière pour décoller, rien ne se passe. L'Algérie, c'est un échec répété ", résume un banquier. Rongés par l'absence de perspectives, tous rêvent d'un " Obama algérien " et ont ressenti l'annonce d'un troisième mandat de Bouteflika " comme un coup de massue sur la tête ", un déni d'avenir. 70 % de l'Algérie a moins de trente ans : " Ici, on est une masse de jeunes dirigée par des vieux ! Pour eux, on n'existe pas, on ne nous demande jamais notre avis ", soupire Amine Larage, rapeur engagé et acteur de série TV aux allures d'adolescent.
Douloureuse fracture sociale
Blanche et bleue, Alger, à laquelle les frères corsaires Barberousse ont donné une place centrale en Afrique du Nord dès le milieu du XVIe siècle, reste une ville magnifique. Un amphithéâtre naturel, dont les architectures arabo-ottomanes et coloniales suivent harmonieusement les courbes de niveau verdoyantes, et une métropole vibrante, populaire et truffée d'influences multiples au ras des flots, dans les quartiers de légende de la casbah ou de Bab-el-Oued. Mais les années noires du terrorisme comme le récent boom pétrolier l'ont transformée. Fatigue, ennui et résignation y jouent partout une petite musique lancinante. En Algérie, on appelle ça " la malvie ".
Et pourtant, à première vue, Alger témoigne d'un dynamisme débridé. La ville déborde au-delà des collines environnantes en un chaos de chantiers. Aéroport, trains de banlieue, tunnels, deuxième rocade, buildings rutilants, zones industrielles ou commerciales, logements, " cyberpark "... Un vrai lifting est en cours. Si la décennie de terreur a fait fuir des milliers de cadres et d'intellectuels, elle a poussé les campagnes vers une ville conçue pour 450.000 habitants et qui en compte aujourd'hui 3 millions, plus 1 million de personnes en transit chaque jour. Fruit de la libération du crédit, le parc automobile a explosé et la congestion de la capitale dépasse l'entendement. Une société nouvelle de nouveaux riches style Europe de l'Est, une jeunesse dorée, mais aussi de jeunes entrepreneurs l'ont investie, à l'origine de nouveaux quartiers à l'image de Sidi Yahia et sa fameuse " 5e Avenue ", et de lieux de loisirs new-look. Les clubs de gym ont pignon sur rue et la consommation impose sa loi. En cette veille d'élection, 27 navires patientent dans la baie avant de pouvoir décharger des importations passées de 7 à 40 milliards de dollars entre 2000 et 2008. " Avant, les émigrés apportaient avec eux des choses car on manquait de tout. Maintenant, ce sont eux qui s'approvisionnent ici ", s'amuse un jeune peintre.
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http://www.lesechos.fr/info/inter/300342515.htm