L’idylle débute. En 2018, Corbière et Garrido posent tout sourire à un barbecue organisé par Brakni et ses affidés à Bagnolet. Le 10 novembre 2019, Corbière défile contre l’islamophobie entouré de ses nouveaux amis qui scandent Allah ouakbar. Rapidement néanmoins, l’alliance s’avère à sens unique : si LFI a complètement renié la dimension laïque qui faisait pourtant partie de son ADN, les islamo-indigénistes ne renient rien du tout, profitant au contraire de la convergence des luttes avec les intersectionnels pour faire passer les signes d’orthopraxie musulmane pour autant de « choix » inscrits dans les libertés individuelles, faisant ainsi progresser l’agenda frériste.Cinq ans plus tard, Garrido et Corbière sont victimes de la purge organisée par Mélenchon au sein de LFI. Quant aux trois lascars, ils ont plus ou moins disparu de la scène du parti. Si Bouhafs, écarté suite à des accusations de harcèlement sexuel, semble refaire un petit tour de piste grâce à Rima Hassan, il est probable que ce furtif retour ne repose que sur sa proximité avec celle-ci. Brakni, caractériel, s’est aliéné tout le monde, et Messaoudene, élu à Saint-Denis, dégagé en 2020 de la liste du maire sortant, ne fait plus parler de lui. La sédition perpétuelle et les coups tordus, ça finit par lasser.
Leur mise en veilleuse pour autant ne change rien à l’affaire : comme Rima Hassan, Aly Diaouara, Amal Bentounsi, Sabrina Ali Benali, candidats LFI à la députation, sont à la fois les remplaçants et les avatars de leurs prédécesseurs, sur la même ligne idéologique qu’eux. Si l’« alliance » vaut plus que jamais, son unilatéralité mène nécessairement à la question suivante : de Mélenchon ou des islamistes, qui va dévorer l’autre ? En 1979, le précédent iranien a certes montré qui l’avait emporté. Néanmoins, la comparaison de situations liées à des contextes différents n’est pas satisfaisante. Il convient à ce titre plutôt, pour évaluer l’équilibre des forces en présence, d’examiner leurs points communs et leurs différences.
De Mélenchon ou des islamistes, qui va dévorer l’autre ?
Par-delà l’entrisme, commun aux deux systèmes, LFI et les fréristes ont, dans le registre manipulatoire, également recours au « community organizing » conçu et appliqué par Alinsky, sociologue américain. La méthode éponyme, inspirée de celle des syndicats américains, crée une « communauté » d’habitants sur la base de mécontentements partagés à petite échelle (immeuble, rue, quartier), « tissage des colères » à partir duquel va être initié un bras de fer avec les élus, les entreprises, ou les institutions. Sur ceux-là seront exercées des pressions diverses, harcèlement, mini-sabotages et happenings médiatisés, le tout restant plus ou moins dans le cadre de la légalité.
En sous-main, derrière la façade de la « justice », une logique de vengeance :
« Ce qui suit s’adresse à ceux qui veulent changer le monde tel qu’il est pour le monde tel qu’il devrait être selon eux. […] Être radical est écrit pour ceux qui n’ont rien, pour leur permettre de prendre le pouvoir aux nantis » écrivait Alinsky en 1971. On retrouve le motif révolutionnaire « changer le monde », et son enjeu réel : pas tant la justice que la sédition à but de vengeance et de prédation.
« Prendre le pouvoir aux nantis », 50 ans après la publication du livre, peut se comprendre sous l’angle d’une autre perspective, qui se juxtapose à la première sans s’y substituer : prendre le pouvoir aux nantis, c’est aussi, grâce aux équivalences intersectionnelles, le prendre aux ex-colonisateurs, aux « Blancs », aux mécréants, aux Juifs, le palestinisme constituant un point de jonction supplémentaire entre gauchisme et islamo-indigénisme.
Entre 2017 et 2018, Leïla Chaibi, députée européenne LFI, organise des ateliers sur la méthode Alinsky. Les islamistes qui sont sur le terrain s’en inspirent, surfant sur toutes les causes de doléance possibles, quitte à en créer si elles font défaut. Ainsi, c’est grâce à la méthode Alinsky qu’est née Alliance citoyenne, depuis 2017 récupérée par les porteuses de burqinis et autres hidjabeuses, avançant leurs pions fréristes sous couvert de « désobéissance civile ». Aujourd’hui, l’association est entièrement dédiée à la cause islamiste, ce qu’elle n’était pas à l’origine.
Le moteur de la colère, de la vengeance, de la révolte contre les « puissants », sont communs à l’extrême gauche et à l’islamisme, tout comme les tactiques utilisées. Mais qu’en est-il de la finalité de leurs actions ?