Algérie - Ne pas observer le jeune constitue-t-il un délit ? (1)

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Algérie - Ne pas observer le jeune constitue-t-il un délit ?

Jeudi 13 août, Hocine Hocini, 44 ans et Sallem Fellak , 34 ans viennent d’achever leur demi-journée de travail sur un chantier appartenant à un privé dans la ville de Ain Al Hammam (ex-Michelet), à 50 kms au sud-est de Tizi-Ouzou. Les deux hommes font une pause pour se désaltérer et déjeuner. Convertis depuis quelques années au christianisme évangélique, ces deux travailleurs saisonniers n’observent donc pas le carême.
Alors que Hocine et Salem déjeunent tranquillement, deux policiers, roulant dans un véhicule à proximité de la maison en construction, arrivent sur les lieux et entrent dans le chantier pourtant clôturé. Décontenancés par le fait que les deux « malotrus » n’observent pas le rituel musulman, les policiers procèdent à leur interpellation. Direction le commissariat de police de la ville.
A l’intérieur de la brigade, leur arrestation ne fait pas l’unanimité parmi les agents présents. « Laissez-les tranquilles, maugrée un policier. Ils ne font pas carême ? Et alors !? C’est leur affaire après tout… »
Au cours de leurs interrogatoires respectifs, Hocine et Salem révèlent devant les éléments de la sureté de daïra de Ain El Hammam qu’ils sont plutôt chrétiens. Les policiers tombent des nues. Non musulman, chrétien et bouffeur de carême…Ah la belle affaire !
Hocine raconte : « Une fois l’interrogatoire terminé, le policier m’a mis sous les yeux le procès –verbal d’audience pour la signature. En parcourant le texte, j’ai noté qu’ils ont mentionné « endroit public » pour situer le lieu de notre interpellation. J’ai refusé de signer le document.
Sur ce, ils ont refait le PV »
Au bout de deux heures d’audition, ils sont déférés devant le tribunal d’Ain El Hammam. Dans le bureau du procureur adjoint, ils auront, une fois de plus, droit à une nouvelle leçon de morale. Doublé d’une mise en examen.
 
Hocine raconte : « Le procureur adjoint nous dit : « Ici, nous sommes dans un pays musulman, si vous êtes chrétiens, vous devez changer de pays !» Hocine et Salem assument leur foi chrétienne et revendiquent crânement leur droit de ne pas observer le ramadan. Au bout de quelques minutes d’audition, ils quittent l’enceinte du tribunal avec une inculpation : dénigrement et offense à l’un des préceptes et dogmes de l’Islam. Le procès est programmé pour mercredi 18 août.
Mais voila, aussitôt leur affaire connue, de nombreux citoyens se mobilisent pour apporter leur soutien et leur solidarité aux deux prévenus. Mercredi, jour du procès, des dizaines de personnes se sont présentées devant le tribunal pour observer un sit-in de protestation.
Devant cette mobilisation citoyenne, les magistrats préfèrent ajourner le procès au 21 septembre prochain.
Depuis son éclatement, l’affaire des « non-jeûneurs » a pris une dimension internationale. Des pétitions circulent sur le net pour dénoncer une atteinte à la liberté de culte. Associations, intellectuels, ONG ou simples citoyens multiplient les actions pour interpeller les autorités algériennes pour qu’elles veillent au respect des droits de l’homme et des libertés individuelles garanties par la Constitution. Ne pas observer le ramadan dans un pays où l’Islam est religion d’Etat peut-il constituer une infraction, un délit ? Dans un pays ou la Constitution garantit la liberté d’opinion et de conscience des citoyens peuvent-ils jouir de cette liberté sans être interpellés par des agents de la police et traduits devant les tribunaux de la République ?
 
Dans cette affaire, l’avocat de Salem et Hocine est clair : Non seulement l’arrestation et l’inculpation relève d’un vice de procédure mais elles constituent une violation flagrante de la loi fondamentale. « Rompre le jeûne ne peut pas constituer un fait incriminé, aux yeux de la loi, notamment l’article 144 bis 2, explique l’avocat. Car, pour dénigrer l’un des préceptes de l’Islam, c’est plutôt l’offenser ou l’insulter. Rompre le jeûne est un phénomène tout à fait naturel chez une personne qui n’est pas musulmane.»
Hocine et Salem restent sereins. Bien qu’ils ne souhaitent pas donner davantage de publicité à leur affaire, ils affirment assumer jusqu’au bout leur acte. «Nous n’avons commis aucun délit, soutient Hocine. Nous sommes Algériens et Chrétiens et nous avons le droit de pratiquer notre religion comme des citoyens libres. »

Source DNA Enquête : Slimane Khalfa, Farid Alilat

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