Quiconque, considéré comme musulman, ne fait pas le jeûne et le montre dans un lieu public, encourt de un à six mois de prison
Quand, dimanche, elle est descendue du train à Mohammedia (lancienne Fedala), Ibtissam na « rien compris » : « Une centaine de policiers encerclaient la gare, on aurait dit quon allait commettre un attentat ! » Cette psychothérapeute de 34 ans fait partie des six Marocains interpellés le 13 septembre pour « tentative dincitation à la rupture du jeûne en public ». « On prévoyait un pique-nique en forêt pour protester contre la criminalisation de ceux qui ne font pas le Ramadan », confirme Ibtissam.
Avec Zineb El Rhazoui, journaliste, elle vient de fonder le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali). Cest la première fois quun groupe de « non-jeûneurs » affiche ainsi publiquement ses convictions. De quoi faire bondir le Conseil des oulémas (théologiens) contre cet acte « odieux qui défie les enseignements dAllah et du prophète Mohammed ». Mais cela montre le ras-le-bol grandissant de Marocains qui, évoquant le libre arbitre, ne jeûnent pas et vivent mal leur « clandestinité ».
Six mois de prison
Dans le pays, quiconque, considéré comme musulman, ne fait pas le jeûne et le montre dans un lieu public, encourt de un à six mois de prison. « Un copain à Rabat vient de prendre un mois ferme », rapporte Omar Radi, journaliste de 22 ans, dont la famille na « jamais jeûné, par athéisme ». « À Fès, un jeune a été frappé par des gens et emmené au commissariat. Sa mère a dû montrer son certificat médical pour len sortir. »
Malika Labiad, propriétaire du restaurant La Corrida, qui reste ouvert pendant le Ramadan, a été convoquée par la police. « Quand entre quelquun qui a lair marocain, on refuse de le servir sil ne présente pas une carte didentité étrangère », se défend son mari Abdellatif, gêné. « On na rien eu car le policier nous connaît. Sinon, cest la fermeture plusieurs mois et plus de licence dalcool. » Farah, 27 ans, française de parents maghrébins, sest vu refuser le déjeuner chez le boulanger Paul. « Cest du délit de faciès, sindigne-t-elle. Le serveur ma dit avoir eu des plaintes et craindre la prison. »
« Pas des bourgeois ou des intellectuels occidentalisés »
Une enquête a révélé que 60 % des Marocains considèrent comme non musulman celui qui ne jeûne pas. Difficile dévaluer le nombre de non-jeûneurs. « Il ne sagit pas que de bourgeois ou dintellectuels occidentalisés », assure Salaheddine, 30 ans, biologiste, fils dun professeur darabe. Athée, il mange en cachette.
« Il y a plus dintolérance depuis le début des années 2000, depuis la grande percée des islamistes. À la fac, dans les années 1970, les non-jeûneurs mangeaient en public. Cela ne se fait plus », explique Omar laltermondialiste qui se retrouve « obligé daller le midi chez McDo ». Lironie, pour Farah, est autre : « En France, je jeûnais depuis mes 11 ans. Cétait un plaisir, même si parfois je croquais une datte, seule dans le RER. Depuis que je suis au Maroc, jai arrêté. Cette obligation, cette hypocrisie, je ne la supporte pas. Je ne me sens plus libre de mon choix religieux. »
Cerise Marechaud à Casablanca
Quand, dimanche, elle est descendue du train à Mohammedia (lancienne Fedala), Ibtissam na « rien compris » : « Une centaine de policiers encerclaient la gare, on aurait dit quon allait commettre un attentat ! » Cette psychothérapeute de 34 ans fait partie des six Marocains interpellés le 13 septembre pour « tentative dincitation à la rupture du jeûne en public ». « On prévoyait un pique-nique en forêt pour protester contre la criminalisation de ceux qui ne font pas le Ramadan », confirme Ibtissam.
Avec Zineb El Rhazoui, journaliste, elle vient de fonder le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali). Cest la première fois quun groupe de « non-jeûneurs » affiche ainsi publiquement ses convictions. De quoi faire bondir le Conseil des oulémas (théologiens) contre cet acte « odieux qui défie les enseignements dAllah et du prophète Mohammed ». Mais cela montre le ras-le-bol grandissant de Marocains qui, évoquant le libre arbitre, ne jeûnent pas et vivent mal leur « clandestinité ».
Six mois de prison
Dans le pays, quiconque, considéré comme musulman, ne fait pas le jeûne et le montre dans un lieu public, encourt de un à six mois de prison. « Un copain à Rabat vient de prendre un mois ferme », rapporte Omar Radi, journaliste de 22 ans, dont la famille na « jamais jeûné, par athéisme ». « À Fès, un jeune a été frappé par des gens et emmené au commissariat. Sa mère a dû montrer son certificat médical pour len sortir. »
Malika Labiad, propriétaire du restaurant La Corrida, qui reste ouvert pendant le Ramadan, a été convoquée par la police. « Quand entre quelquun qui a lair marocain, on refuse de le servir sil ne présente pas une carte didentité étrangère », se défend son mari Abdellatif, gêné. « On na rien eu car le policier nous connaît. Sinon, cest la fermeture plusieurs mois et plus de licence dalcool. » Farah, 27 ans, française de parents maghrébins, sest vu refuser le déjeuner chez le boulanger Paul. « Cest du délit de faciès, sindigne-t-elle. Le serveur ma dit avoir eu des plaintes et craindre la prison. »
« Pas des bourgeois ou des intellectuels occidentalisés »
Une enquête a révélé que 60 % des Marocains considèrent comme non musulman celui qui ne jeûne pas. Difficile dévaluer le nombre de non-jeûneurs. « Il ne sagit pas que de bourgeois ou dintellectuels occidentalisés », assure Salaheddine, 30 ans, biologiste, fils dun professeur darabe. Athée, il mange en cachette.
« Il y a plus dintolérance depuis le début des années 2000, depuis la grande percée des islamistes. À la fac, dans les années 1970, les non-jeûneurs mangeaient en public. Cela ne se fait plus », explique Omar laltermondialiste qui se retrouve « obligé daller le midi chez McDo ». Lironie, pour Farah, est autre : « En France, je jeûnais depuis mes 11 ans. Cétait un plaisir, même si parfois je croquais une datte, seule dans le RER. Depuis que je suis au Maroc, jai arrêté. Cette obligation, cette hypocrisie, je ne la supporte pas. Je ne me sens plus libre de mon choix religieux. »
Cerise Marechaud à Casablanca