Autisme : nouveaux arguments en faveur d’un traitement précoce par diurétique
Stéphanie Lavaud
Auteurs et déclarations 10 février 2014
Paris, France — Il y a un an, une équipe française montrait l’intérêt d’un traitement par un diurétique dans le traitement des troubles autistiques.
L’hypothèse reposait sur l’idée qu’un taux anormalement élevé de chlore dans
les neurones peut être responsable de ces troubles du comportement.
Restait cependant à le démontrer
. C’est désormais chose faite dans deux modèles murins, toujours sous la houlette de l’équipe du
Dr Eric Lemonnier (Brest) et celle de Yehezkel Ben-Ari à l'Inserm.
Les résultats de leurs travaux expérimentaux, publiés dans la revue Science, valident l’administration
d’un diurétique dans l’autisme et justifient la poursuite du programme d’essai clinique chez l’enfant et
l’adolescent. [1]
Autisme
Maladie développementale dont l'origine est intra-utérine/post natale ;
Incidence élevée (1%) ;
15% ont peut-être une origine génétique.
« L’accouchement est un moment important »
Le chlore est-il impliqué dans l’autisme comme il l’est dans l’épilepsie et comme les effets paradoxaux du diazépam (Valium) dans cette pathologie le laisse penser ?
Pour le savoir, les chercheurs ont utilisé deux modèles animaux d’autisme - un génétique - le syndrome de l’X Fragile qui est la mutation génétique la plus fréquente liée à l’autisme - et l’autre produit par l’injection à la rate gestante de valproate de sodium- un produit connu pour générer des malformations et notamment un syndrome autistique chez les enfants.
Chez ces animaux, les chercheurs ont enregistré pour la première fois l’activité de neurones embryonnaires et des neurones immédiatement après la naissance afin d’observer les modifications de taux de chlore.
Observation importante : la chute du taux de chlore qui s’opère à la naissance chez les animaux du groupe contrôle est absente dans les deux modèles de souris, avec un taux en chlore qui reste le même avant et après l’accouchement.
Pour confirmer cet effet, les chercheurs ont administré un traitement diurétique à la mère (dans les deux modèles animaux) pendant 24 h peu avant la mise bas.
Résultat : la chute de la concentration en chlore est rétablie dans les neurones plusieurs semaines après le traitement unique pendant la naissance et « corrige » le comportement autistique des souris adultes qui, de ce fait, ne présentent pas de complications cérébrales.
Conclusion : d’une part, « les taux de chlore pendant l’accouchement sont déterminants dans l’apparition du syndrome autistique », d’autre part « ces résultats valident l’hypothèse de travail qui nous a amené au traitement mis au point en 2012 » considère Yehezkel Ben-Ari.
L’ocytocine joue un rôle crucial
Le rôle de l’ocytocine, hormone de l’accouchement, est de mieux en mieux connu. « L’ocytocine agit comme un véritable chef d’orchestre qui déclenche le travail, a des effets protecteurs et même des propriétés analgésiques » déclare le chercheur.
Dans cette étude, l’équipe a testé l’effet d’un antagoniste de l’ocytocine chez les souris gestantes et montré qu’il reproduit chez la descendance la totalité du syndrome autistique, à la fois sur les aspects électriques et comportementaux. De fait, l’ocytocine agit comme le diurétique via la baisse de la concentration en chlore et son action est cruciale au moment de l’accouchement.
« C’est la première fois que l’on démontre qu’un phénomène se déroulant pendant l’accouchement a une action plusieurs semaines plus tard » affirme Yehezkel Ben-Ari.
Les implications de ce travail sont multiples. D’un point de vue épidémiologique, ces résultats auraient tendance à conforter les données (encore controversées) tendant à montrer que les césariennes programmées (de même que la prématurité) pourraient accroître l’incidence de l’autisme.
D’un point de vue physiopathologique, on peut aussi penser que ce traitement par diurétique puisse fonctionner dans d’autres maladies neurologiques, comme la trisomie 21 ou la schizophrénie, dans lesquelles sont retrouvées des anomalies de la concentration neuronale en chlore.
Un espoir pour les patients ?
Sans être miraculeux, le traitement par diurétique améliore le comportement des jeunes patients dans 75% des cas. Un résultat pour le moins encourageant dans une pathologie où la prise en charge reste compliquée et controversée.
Ces travaux sont porteurs d’espoir quant à une meilleure compréhension des mécanismes autistiques et de leur traitement
. « Dans le futur, on peut espérer qu’un diagnostic précoce couplé à des approches comportementales et un traitement type bumétanide puisse beaucoup aider les patients. A condition toutefois de commencer tôt.
L’idéal serait aussi de mettre au point une molécule avec les mêmes effets diurétiques que le bumétanide (diurétique de l’anse, Burinex®), mais qui passe mieux la barrière hémato-encéphalique afin de diminuer les doses » suggère Yehezkel Ben-Ari.
Et chez l'enfant ?
Pour faire suite au premier essai clinique en double aveugle publié en 2002 qui avait montré des résultats positifs chez 77% des enfants inclus, les chercheurs lancent une phase IIb chez 80 autistes âgés de 2 à 18 ans dans les centres de Lyon, Nice, Brest, Marseille et Saint Sébastian (Espagne).
Chacun recevra du bumétanide à raison de 1 à 4 mg/j selon le poids pendant 3 mois, suivi d'un mois de washed-out. Une amélioration du comportement constituera le critère principal. Les résultats sont attendus début 2015. Une phase III est déjà en préparation, assure Yehezkel Ben-Ari.
Ce travail a été réalisé par les chercheurs de l'Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inmed) et de la société Neurochlore, créée par Yehezkel Ben-Ari et Eric Lemonnier pour développer ses travaux. Les financements proviennent essentiellement de fonds américains.
Référence :
Tyzio R, Nardou R, Ferrari DC et al. Oxytocin mediated GABA inhibition during delivery attenuates autism pathogenesis in rodent offspring. Science, 7 février 2014, http://dx.doi.org/10.1126/science.1247190
medscape
info à suivre
mam
Stéphanie Lavaud
Auteurs et déclarations 10 février 2014
Paris, France — Il y a un an, une équipe française montrait l’intérêt d’un traitement par un diurétique dans le traitement des troubles autistiques.
L’hypothèse reposait sur l’idée qu’un taux anormalement élevé de chlore dans
les neurones peut être responsable de ces troubles du comportement.
Restait cependant à le démontrer
. C’est désormais chose faite dans deux modèles murins, toujours sous la houlette de l’équipe du
Dr Eric Lemonnier (Brest) et celle de Yehezkel Ben-Ari à l'Inserm.
Les résultats de leurs travaux expérimentaux, publiés dans la revue Science, valident l’administration
d’un diurétique dans l’autisme et justifient la poursuite du programme d’essai clinique chez l’enfant et
l’adolescent. [1]
Autisme
Maladie développementale dont l'origine est intra-utérine/post natale ;
Incidence élevée (1%) ;
15% ont peut-être une origine génétique.
« L’accouchement est un moment important »
Le chlore est-il impliqué dans l’autisme comme il l’est dans l’épilepsie et comme les effets paradoxaux du diazépam (Valium) dans cette pathologie le laisse penser ?
Pour le savoir, les chercheurs ont utilisé deux modèles animaux d’autisme - un génétique - le syndrome de l’X Fragile qui est la mutation génétique la plus fréquente liée à l’autisme - et l’autre produit par l’injection à la rate gestante de valproate de sodium- un produit connu pour générer des malformations et notamment un syndrome autistique chez les enfants.
Chez ces animaux, les chercheurs ont enregistré pour la première fois l’activité de neurones embryonnaires et des neurones immédiatement après la naissance afin d’observer les modifications de taux de chlore.
Observation importante : la chute du taux de chlore qui s’opère à la naissance chez les animaux du groupe contrôle est absente dans les deux modèles de souris, avec un taux en chlore qui reste le même avant et après l’accouchement.
Pour confirmer cet effet, les chercheurs ont administré un traitement diurétique à la mère (dans les deux modèles animaux) pendant 24 h peu avant la mise bas.
Résultat : la chute de la concentration en chlore est rétablie dans les neurones plusieurs semaines après le traitement unique pendant la naissance et « corrige » le comportement autistique des souris adultes qui, de ce fait, ne présentent pas de complications cérébrales.
Conclusion : d’une part, « les taux de chlore pendant l’accouchement sont déterminants dans l’apparition du syndrome autistique », d’autre part « ces résultats valident l’hypothèse de travail qui nous a amené au traitement mis au point en 2012 » considère Yehezkel Ben-Ari.
L’ocytocine joue un rôle crucial
Le rôle de l’ocytocine, hormone de l’accouchement, est de mieux en mieux connu. « L’ocytocine agit comme un véritable chef d’orchestre qui déclenche le travail, a des effets protecteurs et même des propriétés analgésiques » déclare le chercheur.
Dans cette étude, l’équipe a testé l’effet d’un antagoniste de l’ocytocine chez les souris gestantes et montré qu’il reproduit chez la descendance la totalité du syndrome autistique, à la fois sur les aspects électriques et comportementaux. De fait, l’ocytocine agit comme le diurétique via la baisse de la concentration en chlore et son action est cruciale au moment de l’accouchement.
« C’est la première fois que l’on démontre qu’un phénomène se déroulant pendant l’accouchement a une action plusieurs semaines plus tard » affirme Yehezkel Ben-Ari.
Les implications de ce travail sont multiples. D’un point de vue épidémiologique, ces résultats auraient tendance à conforter les données (encore controversées) tendant à montrer que les césariennes programmées (de même que la prématurité) pourraient accroître l’incidence de l’autisme.
D’un point de vue physiopathologique, on peut aussi penser que ce traitement par diurétique puisse fonctionner dans d’autres maladies neurologiques, comme la trisomie 21 ou la schizophrénie, dans lesquelles sont retrouvées des anomalies de la concentration neuronale en chlore.
Un espoir pour les patients ?
Sans être miraculeux, le traitement par diurétique améliore le comportement des jeunes patients dans 75% des cas. Un résultat pour le moins encourageant dans une pathologie où la prise en charge reste compliquée et controversée.
Ces travaux sont porteurs d’espoir quant à une meilleure compréhension des mécanismes autistiques et de leur traitement
. « Dans le futur, on peut espérer qu’un diagnostic précoce couplé à des approches comportementales et un traitement type bumétanide puisse beaucoup aider les patients. A condition toutefois de commencer tôt.
L’idéal serait aussi de mettre au point une molécule avec les mêmes effets diurétiques que le bumétanide (diurétique de l’anse, Burinex®), mais qui passe mieux la barrière hémato-encéphalique afin de diminuer les doses » suggère Yehezkel Ben-Ari.
Et chez l'enfant ?
Pour faire suite au premier essai clinique en double aveugle publié en 2002 qui avait montré des résultats positifs chez 77% des enfants inclus, les chercheurs lancent une phase IIb chez 80 autistes âgés de 2 à 18 ans dans les centres de Lyon, Nice, Brest, Marseille et Saint Sébastian (Espagne).
Chacun recevra du bumétanide à raison de 1 à 4 mg/j selon le poids pendant 3 mois, suivi d'un mois de washed-out. Une amélioration du comportement constituera le critère principal. Les résultats sont attendus début 2015. Une phase III est déjà en préparation, assure Yehezkel Ben-Ari.
Ce travail a été réalisé par les chercheurs de l'Institut de neurobiologie de la Méditerranée (Inmed) et de la société Neurochlore, créée par Yehezkel Ben-Ari et Eric Lemonnier pour développer ses travaux. Les financements proviennent essentiellement de fonds américains.
Référence :
Tyzio R, Nardou R, Ferrari DC et al. Oxytocin mediated GABA inhibition during delivery attenuates autism pathogenesis in rodent offspring. Science, 7 février 2014, http://dx.doi.org/10.1126/science.1247190
medscape
info à suivre
mam