Lettre dun juif à son ami Martin Luther King [1]
[1] en réponse à la communication partisane de la Mairie de Paris (qui a affiché la lettre de King à "un ami antisioniste" où il assimilait antisionisme et antisémitisme)
Mon cher ami, pardonne mon tutoiement. Lorsque mest venu spontanément mon « tu », jai mesuré comme ce geste est porteur dun immense respect. On donne du « vous » et du « monsieur » aux forts et aux puissants, on baisse la tête devant eux. Toi, tu fais relever la tête. Ton titre est le seul qui vaille : Prince du respect, de la dignité partagée. Par delà la tombe, tu es mon ami, tu es lami du monde.
Lorsque les âmes guerrières ont affiché ta lettre sur les murs de Paris, jai entendu ce quils nimaginaient pas. En ces temps de violences et décrasements, en ces moments daveuglements guerriers, toi, tu portais cet idéal de fraternité et de solidarité. Tu sais, ami, il est différentes façons dêtre juif et de sentir ses racines.
Pour moi, ma judaïcité, cest cette exigence de respect, de dignité, de paix partagée. Ma racine denfant juif, ça a été de découvrir, tombant des lèvres de ma grand-mère dans une sombre cuisine, cette particularité que je ne devais pas dévoiler. Ma racine denfant juif, ça a été cette découverte interdite du livre des horreurs des camps nazis, caché au sommet inaccessible de la bibliothèque familiale. Là jai appris, mon ami, « ce que signifie souffrir les tourments de la tyrannie ». Alors je sais que toi, tu comprends, être juif, pour moi cest se lever contre loppression, toutes les oppressions. Ne rien dire devant les assassins serait renier nos ancêtres de la géhenne comme de moi même. Je ne peux me renier.
Tu vois, très cher ami, il est dautres chemins que le sionisme pour être juif. Je suis juif par une histoire bien proche : celle de mes parents et grands parents, celle de « la solution finale ». Je ne dispose daucun instrument de mesure ou de règle graduée pour évaluer cette énorme souffrance. Comment comparer aux autres horreurs du monde et de lhistoire ? Je sais simplement que ce crime est unique par sa construction froide et étatique.
Cest cette terrible particularité qui constitue ma racine, ma filiation. De là est né mon respect des aïeux par cet engagement têtu pour la justice commune et le respect de tous, absolument de tous. Tu vois, ami, cela doit te convenir : ce nest pas la conception sioniste ethnocentrée mais une identité juive ouverte et fraternelle. Une identité où lautre nest pas un ennemi potentiel, un antisémite latent, un goy. Mais au-delà de cette différence, quelle catastrophe ce serait si un concept devenait obligation ! Un monde fait dune unique pensée ? Être sioniste ou nêtre rien. Je refuse cet appel au totalitarisme.
Tu sais, ami, le refus de ce choix doctrinaire se paye du prix du paria, comme Spinoza lavait affronté en son temps. Mais je suis juif, et je ne suis pas sioniste. Je ne suis pas sioniste, je ne suis pas non plus anti sioniste. Plus javance dans ma vie plus je découvre comme « anti » ne peut quêtre réducteur et manque dhumanité pour construire une perspective. Surtout, je ne suis pas antisioniste parce que je vois venir de premiers frères de conscience, des âmes de Paix issues de cette idée. Avec eux jaspire à bâtir un nouvel avenir.
Et puis dautres sengagent à partir de leur antisionisme de juifs militants. Leur engagement est clair : ils sont blessés, profondément blessés dans leur âme à chaque offensive de larmée israélienne. Ils étouffent en entendant les populations assassinées à Jénine, puis au Liban, puis à Gaza. Ils ragent devant limpunité des fanatiques. Je te dis, très cher ami, que « la vérité que nous voyons sonner du sommet de la haute montagne, que les échos qui résonnent dans les vallées vertes de la terre de Dieu » ce sont des souffrances dun peuple nié et dominé. De là naît une colère, ces antisionistes la tournent contre des responsables politiques aux idéaux sionistes. Cest à une idée politique quils sopposent, pas à un groupe ethnique, racial ou religieux.
[1] en réponse à la communication partisane de la Mairie de Paris (qui a affiché la lettre de King à "un ami antisioniste" où il assimilait antisionisme et antisémitisme)
Mon cher ami, pardonne mon tutoiement. Lorsque mest venu spontanément mon « tu », jai mesuré comme ce geste est porteur dun immense respect. On donne du « vous » et du « monsieur » aux forts et aux puissants, on baisse la tête devant eux. Toi, tu fais relever la tête. Ton titre est le seul qui vaille : Prince du respect, de la dignité partagée. Par delà la tombe, tu es mon ami, tu es lami du monde.
Lorsque les âmes guerrières ont affiché ta lettre sur les murs de Paris, jai entendu ce quils nimaginaient pas. En ces temps de violences et décrasements, en ces moments daveuglements guerriers, toi, tu portais cet idéal de fraternité et de solidarité. Tu sais, ami, il est différentes façons dêtre juif et de sentir ses racines.
Pour moi, ma judaïcité, cest cette exigence de respect, de dignité, de paix partagée. Ma racine denfant juif, ça a été de découvrir, tombant des lèvres de ma grand-mère dans une sombre cuisine, cette particularité que je ne devais pas dévoiler. Ma racine denfant juif, ça a été cette découverte interdite du livre des horreurs des camps nazis, caché au sommet inaccessible de la bibliothèque familiale. Là jai appris, mon ami, « ce que signifie souffrir les tourments de la tyrannie ». Alors je sais que toi, tu comprends, être juif, pour moi cest se lever contre loppression, toutes les oppressions. Ne rien dire devant les assassins serait renier nos ancêtres de la géhenne comme de moi même. Je ne peux me renier.
Tu vois, très cher ami, il est dautres chemins que le sionisme pour être juif. Je suis juif par une histoire bien proche : celle de mes parents et grands parents, celle de « la solution finale ». Je ne dispose daucun instrument de mesure ou de règle graduée pour évaluer cette énorme souffrance. Comment comparer aux autres horreurs du monde et de lhistoire ? Je sais simplement que ce crime est unique par sa construction froide et étatique.
Cest cette terrible particularité qui constitue ma racine, ma filiation. De là est né mon respect des aïeux par cet engagement têtu pour la justice commune et le respect de tous, absolument de tous. Tu vois, ami, cela doit te convenir : ce nest pas la conception sioniste ethnocentrée mais une identité juive ouverte et fraternelle. Une identité où lautre nest pas un ennemi potentiel, un antisémite latent, un goy. Mais au-delà de cette différence, quelle catastrophe ce serait si un concept devenait obligation ! Un monde fait dune unique pensée ? Être sioniste ou nêtre rien. Je refuse cet appel au totalitarisme.
Tu sais, ami, le refus de ce choix doctrinaire se paye du prix du paria, comme Spinoza lavait affronté en son temps. Mais je suis juif, et je ne suis pas sioniste. Je ne suis pas sioniste, je ne suis pas non plus anti sioniste. Plus javance dans ma vie plus je découvre comme « anti » ne peut quêtre réducteur et manque dhumanité pour construire une perspective. Surtout, je ne suis pas antisioniste parce que je vois venir de premiers frères de conscience, des âmes de Paix issues de cette idée. Avec eux jaspire à bâtir un nouvel avenir.
Et puis dautres sengagent à partir de leur antisionisme de juifs militants. Leur engagement est clair : ils sont blessés, profondément blessés dans leur âme à chaque offensive de larmée israélienne. Ils étouffent en entendant les populations assassinées à Jénine, puis au Liban, puis à Gaza. Ils ragent devant limpunité des fanatiques. Je te dis, très cher ami, que « la vérité que nous voyons sonner du sommet de la haute montagne, que les échos qui résonnent dans les vallées vertes de la terre de Dieu » ce sont des souffrances dun peuple nié et dominé. De là naît une colère, ces antisionistes la tournent contre des responsables politiques aux idéaux sionistes. Cest à une idée politique quils sopposent, pas à un groupe ethnique, racial ou religieux.