Amine
En mode pause
Begin est mort. Cette annonce ressemble à tout sauf à une information. Menahem Begin, le dirigeant israélien, nest-il pas mort il y a déjà dix-huit ans, près de deux décennies après avoir conclu la paix avec lEgypte, en 1979 ? Oui, mais cette année-là naissaient trois enfants demblée surnommés les triplés de la paix, parce que leurs parents les avaient chacun prénommés en hommage à Menahem Begin, Anouar El-Sadate (le président égyptien) et Jimmy Carter (le président américain).
Quand les garçons sont nés, je croyais vraiment et sincèrement en la coexistence, explique Ibrahim Qidasa, leur père. Lui et sa femme, Heitam, pensaient pouvoir élever leurs trois fils dans une société nouvelle, une société qui aurait banni les armes et qui sattellerait à paver le sentier de la paix. Pourtant, le soir du 16 mars, Begin a été tué par balle à Lod [une ville juive à minorité arabe au sud-est de Tel-Aviv].
La police a arrêté Naëf Radwan, un jeune Arabe de 21 ans, également originaire de Lod. Selon les enquêteurs, Radwan, ulcéré dapprendre que Begin buvait de lalcool devant son frère de 19 ans, serait rentré chez lui pour chercher un pistolet afin dabattre Begin. Rien ne pourra jamais me rendre Begin, se lamente Ibrahim. Nous ne sommes que des Arabes. Lorsque lassassin est juif, Israël fait tout pour le présenter devant un tribunal, même sil faut pour ça aller le chercher à lautre bout de la planète. Ici, un Arabe a tué un Arabe. Un de plus, un de moins, qui sen soucie ? Dans la soirée du 16 mars, des habitants de Lod ont appelé la police pour se plaindre que les ivrognes du quartier les empêchaient de dormir. Une patrouille sest rendue sur place et a promis que les choses allaient sarranger. Mais, deux heures plus tard, des coups de feu ont retenti dans le quartier. La police a fouillé les arrière cours et les ruelles avant de trouver le corps ensanglanté de Begin gisant à terre. Avant de perdre connaissance, il a encore pu prononcer quelques mots. Les policiers ont appelé une ambulance. Les ambulanciers ont tenté de le maintenir en vie pendant son transport à lhôpital, mais les médecins urgentistes nont pas pu le sauver. Il avait reçu des balles dans les deux jambes, et il est mort après avoir perdu tout son sang.
UN QUARTIER PAUVRE QUI NOFFRE POUR HORIZON QUE LE CRIME
A cause de la mort tragique de son frère Begin, Sadate vient de bénéficier dun congé pénitentiaire. Il a été condamné une première fois à une peine de trois mois de prison il y a dix ans, peine qui a été alourdie après le meurtre dun codétenu deux jours avant sa libération. Si tout va bien, il devrait à présent être remis en liberté dans deux mois. Comme Sadate, Begin avait lui aussi fait de la prison, mais leur père Ibrahim ne leur a presque jamais rendu visite au cours de leur détention. Pour moi, cétait une humiliation totale. Je ne pouvais pas supporter cette honte, dit-il. En outre, comme je suis arabe, les policiers exigeaient que je me déshabille totalement pour me fouiller avant chaque visite, comme si jétais un vulgaire trafiquant de drogue. Pour moi, cétait nouveau. Je navais jamais eu dennuis avec la justice et je navais jamais été arrêté. Le matin de la naissance des triplés à la maternité de lhôpital Assaf Harofeh, à Tzrifin [un complexe militaire hérité de lancien occupant britannique], la petite maison de la famille Qidasa débordait de fleurs et de cadeaux, souvent remis par de généreux bienfaiteurs. Le 17 mars, quelques heures après que les médecins du même hôpital eurent constaté la mort de Begin, des centaines de personnes se sont présentées à la maison pour présenter leurs condoléances.
Ibrahim a perdu cet élan despoir qui lavait poussé à choisir ces prénoms pour ses trois fils après la signature historique du traité de paix entre Israël et lEgypte. Dexpérience, il sait désormais que les meilleures intentions ne suffisent pas pour arracher sa famille à ce quartier pauvre qui ne leur a offert pour horizon que le crime.
Regardez les enfants qui grandissent à Rishon Le-Tzion [une bourgade juive voisine], dit-il. Après lécole, ils peuvent participer à des activités parascolaires
et sinscrire dans un centre communautaire. Ici, à Lod, il ny a rien de tel. Nos enfants ne savent pas ce que cest que des activités parascolaires. Ce nest pas comme ça quon arrivera à créer la coexistence. Jen ai assez. Nous avons eu beaucoup de bonne volonté, mais la chance ne nous a jamais souri.
Courrier International
Quand les garçons sont nés, je croyais vraiment et sincèrement en la coexistence, explique Ibrahim Qidasa, leur père. Lui et sa femme, Heitam, pensaient pouvoir élever leurs trois fils dans une société nouvelle, une société qui aurait banni les armes et qui sattellerait à paver le sentier de la paix. Pourtant, le soir du 16 mars, Begin a été tué par balle à Lod [une ville juive à minorité arabe au sud-est de Tel-Aviv].
La police a arrêté Naëf Radwan, un jeune Arabe de 21 ans, également originaire de Lod. Selon les enquêteurs, Radwan, ulcéré dapprendre que Begin buvait de lalcool devant son frère de 19 ans, serait rentré chez lui pour chercher un pistolet afin dabattre Begin. Rien ne pourra jamais me rendre Begin, se lamente Ibrahim. Nous ne sommes que des Arabes. Lorsque lassassin est juif, Israël fait tout pour le présenter devant un tribunal, même sil faut pour ça aller le chercher à lautre bout de la planète. Ici, un Arabe a tué un Arabe. Un de plus, un de moins, qui sen soucie ? Dans la soirée du 16 mars, des habitants de Lod ont appelé la police pour se plaindre que les ivrognes du quartier les empêchaient de dormir. Une patrouille sest rendue sur place et a promis que les choses allaient sarranger. Mais, deux heures plus tard, des coups de feu ont retenti dans le quartier. La police a fouillé les arrière cours et les ruelles avant de trouver le corps ensanglanté de Begin gisant à terre. Avant de perdre connaissance, il a encore pu prononcer quelques mots. Les policiers ont appelé une ambulance. Les ambulanciers ont tenté de le maintenir en vie pendant son transport à lhôpital, mais les médecins urgentistes nont pas pu le sauver. Il avait reçu des balles dans les deux jambes, et il est mort après avoir perdu tout son sang.
UN QUARTIER PAUVRE QUI NOFFRE POUR HORIZON QUE LE CRIME
A cause de la mort tragique de son frère Begin, Sadate vient de bénéficier dun congé pénitentiaire. Il a été condamné une première fois à une peine de trois mois de prison il y a dix ans, peine qui a été alourdie après le meurtre dun codétenu deux jours avant sa libération. Si tout va bien, il devrait à présent être remis en liberté dans deux mois. Comme Sadate, Begin avait lui aussi fait de la prison, mais leur père Ibrahim ne leur a presque jamais rendu visite au cours de leur détention. Pour moi, cétait une humiliation totale. Je ne pouvais pas supporter cette honte, dit-il. En outre, comme je suis arabe, les policiers exigeaient que je me déshabille totalement pour me fouiller avant chaque visite, comme si jétais un vulgaire trafiquant de drogue. Pour moi, cétait nouveau. Je navais jamais eu dennuis avec la justice et je navais jamais été arrêté. Le matin de la naissance des triplés à la maternité de lhôpital Assaf Harofeh, à Tzrifin [un complexe militaire hérité de lancien occupant britannique], la petite maison de la famille Qidasa débordait de fleurs et de cadeaux, souvent remis par de généreux bienfaiteurs. Le 17 mars, quelques heures après que les médecins du même hôpital eurent constaté la mort de Begin, des centaines de personnes se sont présentées à la maison pour présenter leurs condoléances.
Ibrahim a perdu cet élan despoir qui lavait poussé à choisir ces prénoms pour ses trois fils après la signature historique du traité de paix entre Israël et lEgypte. Dexpérience, il sait désormais que les meilleures intentions ne suffisent pas pour arracher sa famille à ce quartier pauvre qui ne leur a offert pour horizon que le crime.
Regardez les enfants qui grandissent à Rishon Le-Tzion [une bourgade juive voisine], dit-il. Après lécole, ils peuvent participer à des activités parascolaires
et sinscrire dans un centre communautaire. Ici, à Lod, il ny a rien de tel. Nos enfants ne savent pas ce que cest que des activités parascolaires. Ce nest pas comme ça quon arrivera à créer la coexistence. Jen ai assez. Nous avons eu beaucoup de bonne volonté, mais la chance ne nous a jamais souri.
Courrier International