kamomille
VIB
HISTOIRE.
http://www.telquel-online.com/383/mag2_383.shtml
Par Zoe Deback
(CENTRE HISTORIQUE MINIER DU NORD/PAS-DE-CALAIS LEWARDE)
Près de 80 000 Marocains sont passés, en 20 ans, par les mines de charbon du Nord-Pas-de-Calais. Certains ont fait leur vie en France. Une association lutte contre les discriminations qui les touchent encore.
Il fut un temps où les hommes furent vendus à dautres / O Mora le négrier, tu les as emmenés / Au fond de la terre. Une chanson populaire dAït Atta (Haut-Atlas) a gravé dans la mémoire collective marocaine le recrutement de jeunes ouvriers pour les mines françaises.
Félix Mora - un ancien sergent du protectorat français - y est devenu célèbre par son intense activité de recruteur en chef pour les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais, de 1956 à 1977. Plus tard, il a même déclaré avoir regardé dans le blanc des yeux au moins un million de candidats pour en recruter au final 78 000.
Humiliés avant dêtre recrutés
Si Mora a pu être assimilé à un commerçant desclaves, cest que les entretiens dembauche étaient réduits à une inspection physique plutôt humiliante. Les hommes volontaires étaient rassemblés et défilaient, torse nu, devant le recruteur, pour plusieurs étapes de sélection successives. Mora examine les dents, les muscles, la colonne vertébrale. Puis il marque les postulants avec des tampons de couleur différente pour les distinguer, rapporte lethnologue Marie Cegarra dans La mémoire confisquée : Les mineurs marocains dans le Nord de la France (éd. Septentrion, 1999). Un tampon vert sur la poitrine : le candidat peut aller passer une visite médicale à lhôpital. Un tampon rouge : recalé. Certains sarrachent la peau en essayant de leffacer pour retenter leur chance. De laveu de Mora, le but recherché, cétait du muscle. On peut aller plus loin : on recherchait une main duvre docile. Il ne fallait surtout pas montrer que tu parlais français, sinon ça voulait dire que tu allais comprendre, témoigne ainsi un ancien mineur, cité dans Du bled aux corons, un rêve trahi. Dans cet ouvrage collectif édité en septembre 2008, le sociologue Saïd Bouamama analyse des centaines de témoignages recueillis par lAssociation des mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais (AMMN). Certains vétérans rappellent que les recruteurs nallaient pas à Agadir ou à Marrakech. Ils allaient dans le bled, dans les montagnes, là où les gens ne savent ni lire ni écrire. En effet, dans les années 1950, les premières tentatives auprès de citadins (notamment de Marrakech) ont été un échec : Ceux-là, ils descendaient à la mine, puis ils remontaient, et ils disaient : on nest pas des esclaves ! Alors les Français sont allés recruter dans les villages.
http://www.telquel-online.com/383/mag2_383.shtml
Par Zoe Deback
(CENTRE HISTORIQUE MINIER DU NORD/PAS-DE-CALAIS LEWARDE)
Près de 80 000 Marocains sont passés, en 20 ans, par les mines de charbon du Nord-Pas-de-Calais. Certains ont fait leur vie en France. Une association lutte contre les discriminations qui les touchent encore.
Il fut un temps où les hommes furent vendus à dautres / O Mora le négrier, tu les as emmenés / Au fond de la terre. Une chanson populaire dAït Atta (Haut-Atlas) a gravé dans la mémoire collective marocaine le recrutement de jeunes ouvriers pour les mines françaises.
Félix Mora - un ancien sergent du protectorat français - y est devenu célèbre par son intense activité de recruteur en chef pour les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais, de 1956 à 1977. Plus tard, il a même déclaré avoir regardé dans le blanc des yeux au moins un million de candidats pour en recruter au final 78 000.
Humiliés avant dêtre recrutés
Si Mora a pu être assimilé à un commerçant desclaves, cest que les entretiens dembauche étaient réduits à une inspection physique plutôt humiliante. Les hommes volontaires étaient rassemblés et défilaient, torse nu, devant le recruteur, pour plusieurs étapes de sélection successives. Mora examine les dents, les muscles, la colonne vertébrale. Puis il marque les postulants avec des tampons de couleur différente pour les distinguer, rapporte lethnologue Marie Cegarra dans La mémoire confisquée : Les mineurs marocains dans le Nord de la France (éd. Septentrion, 1999). Un tampon vert sur la poitrine : le candidat peut aller passer une visite médicale à lhôpital. Un tampon rouge : recalé. Certains sarrachent la peau en essayant de leffacer pour retenter leur chance. De laveu de Mora, le but recherché, cétait du muscle. On peut aller plus loin : on recherchait une main duvre docile. Il ne fallait surtout pas montrer que tu parlais français, sinon ça voulait dire que tu allais comprendre, témoigne ainsi un ancien mineur, cité dans Du bled aux corons, un rêve trahi. Dans cet ouvrage collectif édité en septembre 2008, le sociologue Saïd Bouamama analyse des centaines de témoignages recueillis par lAssociation des mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais (AMMN). Certains vétérans rappellent que les recruteurs nallaient pas à Agadir ou à Marrakech. Ils allaient dans le bled, dans les montagnes, là où les gens ne savent ni lire ni écrire. En effet, dans les années 1950, les premières tentatives auprès de citadins (notamment de Marrakech) ont été un échec : Ceux-là, ils descendaient à la mine, puis ils remontaient, et ils disaient : on nest pas des esclaves ! Alors les Français sont allés recruter dans les villages.