L'histoire de Bilawhar et Yûdâsaf
Il y a bien longtemps, en Inde, vivait un roi du nom d’Abénès. Païen, serviteur d’idoles, il se désespérait de n’avoir pas de fils pour lui succéder quand naquit enfin un garçon, qu’il nomma Yûdâsaf. Mais un sage devin lui annonça que ce dernier ne régnerait pas sur le royaume de son père parce qu’il deviendrait "un grand guide sur la voie de la vérité".
Le roi, mécontent, fit chasser les hommes de dieu de son royaume et décida d’enfermer son fils dans un palais splendide, à l'abri du spectacle des misères de ce monde. Il était interdit de lui parler "de mort, de vieillesse, d'infirmité, de pauvreté" et, si un serviteur tombait malade, on le chassait et on le remplaçait par un bien portant.
Yûdâsaf, devenu adulte, se plaignit de sa réclusion. Son père organisa alors ses sorties de façon que rien de déplaisant ou de triste ne puisse être vu par le prince. Mais, bien évidemment, un jour, le prince fit la rencontre d'un lépreux et d'un aveugle, qui lui révélèrent l'existence de la maladie, puis celle d'un vieillard ridé, courbé et édenté, qui lui apprit la vieillesse. Ses serviteurs, intérrogés, finirent par lui faire comprendre, aussi, ce qu'était la mort. Ces révélations lui donnèrent à penser...
Manuscrit médiéval représentant Josaphat, hors du palais d'où son père l'observe,
lors de sa rencontre avec un lépreux et un aveugle.
C'est alors que Bilawhar, un sage moine (monothéiste !) qui vivait dans le désert, eut l'intuition de ce que devait devenir Yûdâsaf. Il quitta son refuge et arriva en ville. Ayant rencontré le prince, il l’instruisit à l’aide de plusieurs paraboles. Certaines d’entre elles ne manqueront pas d’évoquer quelques souvenirs aux bouddhistes, comme, par exemple, cet enseignement sur l’existence comme illusion et les dangers des plaisirs sensuels...
"Ceux qui convoitent les délectations corporelles et qui laissent mourir leur âme de faim ressemblent à un homme qui s'enfuirait au plus vite devant une licorne qui va le dévorer, et qui tombe dans un abîme profond. Or, en tombant, il a saisi avec les mains un arbrisseau et il a posé les pieds sur un endroit glissant et friable ; il voit deux rats, l'un blanc et l'autre noir, occupés à ronger sans cesse la racine de l'arbuste qu'il a saisi, et bientôt, ils l'auront coupée. Au fond du gouffre, il aperçoit un dragon terrible vomissant des flammes et ouvrant la gueule pour le dévorer ; sur place où il a mis les pieds, il distingue quatre aspics qui montrent tête. Mais, en levant les yeux, il voit un peu de miel qui coule des branches de cet arbuste ; alors il oublie le danger auquel il se trouve exposé, et se livre tout entier au plaisir de goûter ce peu de miel.
La licorne est la figure de la mort, qui poursuit l'homme sans cesse et qui aspire à le prendre ; l'abîme, c'est le monde avec tous les maux dont il est plein. L'arbuste, c'est la vie d'un chacun qui est rongée sans arrêt par toutes les heures du jour et de la nuit, comme par les rats noir et blanc, et qui va être coupée. La place où sont les quatre aspics, c'est le corps composé de quatre éléments, dont les désordres amènent la dissolution de ce corps. Le dragon terrible est la gueule de l'enfer, qui convoite de dévorer tous les hommes. Le miel du rameau, c'est le plaisir trompeur du monde, par lequel l'homme se laisse séduire, et qui lui cache provisoirement le péril qui l'environne.
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