Les Français sont vraisemblablement plus nombreux à connaître le nombre de minarets en Suisse (quatre) et de « burqas » en France (trois cent soixante-sept (1)) quà savoir que le Trésor public a perdu 20 milliards deuros à la suite dune décision « technique » de lexécutif.
Il y a dix-huit mois en effet, au lieu de subordonner son sauvetage des banques en perdition à une prise de participation dans leur capital, laquelle ensuite aurait pu être revendue avec un joli bénéfice, le gouvernement français a préféré leur consentir un prêt à des conditions inespérées pour elles. Vingt milliards deuros de gagnés pour leurs actionnaires, cest presque autant que le déficit de la Sécurité sociale lan dernier (22 milliards deuros). Et quarante fois le montant de léconomie annuelle réalisée par lEtat lorsquil ne remplace quun fonctionnaire partant à la retraite sur deux.
Le rétablissement électoral du Front national, et plus généralement de lextrême droite en Europe, nest pas tout à fait étranger à cette distribution de lattention publique entre la poutre des polémiques subalternes quon enflamme et la paille des sujets prioritaires dont on prétend quils sont trop compliqués pour le commun des mortels. Le fiasco des élections régionales derrière lui, M. Nicolas Sarkozy va sattaquer à la « réforme des retraites ». Lenjeu social et financier étant considérable, on sait déjà que le gouvernement français semploiera à distraire la galerie en relançant le « débat sur la burqa ».
Riposter à cette manuvre nimpose certainement pas de senfoncer sur son terrain boueux en donnant le sentiment de défendre un symbole obscurantiste. Encore moins de taxer de racisme les féministes hommes et femmes qui légitimement le réprouvent. Mais comment ne pas juger cocasse quune droite qui a presque partout associé son destin à celui des Eglises, du patriarcat et de lordre moral se découvre soudain éperdue de laïcité, de féminisme, de libre-pensée ? Pour elle aussi, lislam accomplit des miracles !
En 1988, M. George H. W. Bush succéda à Ronald Reagan après une campagne dune démagogie insigne (2), au cours de laquelle il réclama que soit criminalisé le fait de brûler la bannière étoilée un acte commis entre une et sept fois par an Avec le courage quon imagine, plus de 90 % des parlementaires américains adoptèrent une disposition répressive allant en ce sens laquelle fut annulée par la Cour suprême. Au même moment éclatait lun des plus grands scandales de lhistoire économique des Etats-Unis, celui des caisses dépargne déréglementées par le Congrès, que des aigrefins avaient pillées, enhardis par des sénateurs dont ils avaient financé les campagnes. En 1988, nul ou presque navait évoqué le péril dune telle arnaque, bien quil fût déjà connu. Trop compliqué, et puis la défense du drapeau occupait les esprits.
Le contribuable américain a payé 500 milliards de dollars le scandale des caisses dépargne. On découvrira bientôt ce que cache réellement la « burqa ». Et combien cela coûte.
Serge Halimi.
( 1 ) Daprès un calcul, étrangement précis, de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).
( 2 ) Lire « Dans les bas-fonds de la campagne électorale américaine », décembre 1988.
Il y a dix-huit mois en effet, au lieu de subordonner son sauvetage des banques en perdition à une prise de participation dans leur capital, laquelle ensuite aurait pu être revendue avec un joli bénéfice, le gouvernement français a préféré leur consentir un prêt à des conditions inespérées pour elles. Vingt milliards deuros de gagnés pour leurs actionnaires, cest presque autant que le déficit de la Sécurité sociale lan dernier (22 milliards deuros). Et quarante fois le montant de léconomie annuelle réalisée par lEtat lorsquil ne remplace quun fonctionnaire partant à la retraite sur deux.
Le rétablissement électoral du Front national, et plus généralement de lextrême droite en Europe, nest pas tout à fait étranger à cette distribution de lattention publique entre la poutre des polémiques subalternes quon enflamme et la paille des sujets prioritaires dont on prétend quils sont trop compliqués pour le commun des mortels. Le fiasco des élections régionales derrière lui, M. Nicolas Sarkozy va sattaquer à la « réforme des retraites ». Lenjeu social et financier étant considérable, on sait déjà que le gouvernement français semploiera à distraire la galerie en relançant le « débat sur la burqa ».
Riposter à cette manuvre nimpose certainement pas de senfoncer sur son terrain boueux en donnant le sentiment de défendre un symbole obscurantiste. Encore moins de taxer de racisme les féministes hommes et femmes qui légitimement le réprouvent. Mais comment ne pas juger cocasse quune droite qui a presque partout associé son destin à celui des Eglises, du patriarcat et de lordre moral se découvre soudain éperdue de laïcité, de féminisme, de libre-pensée ? Pour elle aussi, lislam accomplit des miracles !
En 1988, M. George H. W. Bush succéda à Ronald Reagan après une campagne dune démagogie insigne (2), au cours de laquelle il réclama que soit criminalisé le fait de brûler la bannière étoilée un acte commis entre une et sept fois par an Avec le courage quon imagine, plus de 90 % des parlementaires américains adoptèrent une disposition répressive allant en ce sens laquelle fut annulée par la Cour suprême. Au même moment éclatait lun des plus grands scandales de lhistoire économique des Etats-Unis, celui des caisses dépargne déréglementées par le Congrès, que des aigrefins avaient pillées, enhardis par des sénateurs dont ils avaient financé les campagnes. En 1988, nul ou presque navait évoqué le péril dune telle arnaque, bien quil fût déjà connu. Trop compliqué, et puis la défense du drapeau occupait les esprits.
Le contribuable américain a payé 500 milliards de dollars le scandale des caisses dépargne. On découvrira bientôt ce que cache réellement la « burqa ». Et combien cela coûte.
Serge Halimi.
( 1 ) Daprès un calcul, étrangement précis, de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).
( 2 ) Lire « Dans les bas-fonds de la campagne électorale américaine », décembre 1988.