Qu'est-ce qu'un bon lycée ? Un établissement prisé et sélectif, qui affiche 100 % de réussite au baccalauréat et prépare ses élèves aux filières d'élites ? Ou un établissement plus modeste, qui tire vers le haut des élèves venus de très bas ?
Les « indicateurs de résultats des lycées » publiés vendredi 4 avril, comme chaque année, par le ministère de l'éducation nationale, laissent le champ libre à toutes les interprétations.
Si l'on ne prend en compte que le critère du taux de réussite au baccalauréat, ce sont, sans surprise, les établissements de la montagne Sainte-Geneviève à Paris – terre des lycées Louis-le-Grand et Henri-IV –, qui tirent leur épingle du jeu, affichant l'un et l'autre 100 % de réussite. Un sans-faute aussi pour le lycée de La Tour (Paris 16e) et Stanislas (Paris 6e), pour les lycées Saint-Genès, à Bordeaux, ou Chevreul, à Lyon.
Mais il y a d'autres catégories de champions. Ceux qui reçoivent les palmes du mérite. Ce sont les lycées inconnus de villes moyennes, de zones rurales ou de banlieue. Ils s'appellent Maurice-Utrillo (Stains en Seine-Saint-Denis) ou encore Jean-Moulin (Roubaix, dans le Nord). Ce sont des lycées à forte « plus-value », car ils parviennent à faire réussir des élèves au départ en difficulté, souvent issus de milieux défavorisés.
Lire aussi le reportage (en édition abonnés) : A Saint-Denis, le lycée Paul-Eluard « booste » les élèves fragiles
La 21e édition de ces indicateurs met en avant 47 lycées généraux et technologiques – sur 2 500 dans l'enseignement privé et public –, qui se caractérisent par des résultats supérieurs à ce que l'on peut attendre d'eux. Cette « valeur ajoutée » est l'indicateur que le ministère utilise pour mesurer la différence entre les résultats « réels » des lycées et leurs résultats « attendus », au regard du profil d'élèves qu'ils accueillent – leur origine sociale, leur âge, leur sexe et leur niveau scolaire à l'entrée au lycée.
« ACCOMPAGNEMENT »
Les établissements les plus prestigieux ont une valeur ajoutée proche de zéro : en sélectionnant les élèves à l'entrée et en en éliminant en cours de route, ils n'accueillent que des bons élèves qui, statistiquement, ont toutes les chances d'être bacheliers.
Les 47 lycées à forte plus-value, souvent situés dans des zones défavorisées, ont une valeur ajoutée supérieure à 5. Parmi eux, 13 atteignaient des résultats similaires en 2012. Du côté des lycées professionnels, 80 – sur 1 500 – affichent une valeur ajoutée supérieure à 10.
Les proviseurs de ces établissements ne s'attendent souvent pas à de tels résultats. « Au début, j'étais étonné », reconnaît Alain Godon, proviseur du lycée Jean-Moulin de Roubaix. « On n'a pas de dispositifs miracles, on ne fait pas autrement qu'ailleurs. Il y a des enseignants fatigués, qui en ont marre des incivilités ; il y a des sanctions, comme ailleurs. »
Sa « valeur ajoutée » qui frôle les 10 points, M. Godon l'explique surtout par la « qualité du travail ». « Nos équipes parviennent à faire ce que d'autres n'arrivent pas à réaliser. » Il décrit ses enseignants comme d'« excellents pédagogues », « disponibles », « bienveillants » auprès d'élèves qu'ils comprennent, puisque beaucoup sont issus des mêmes quartiers défavorisés.
« Stabilité » des équipes et « accompagnement » sont des mots qui reviennent souvent dans le discours de ces chefs d'établissement. « Nous sommes un lycée accompagnateur pour les élèves fragiles », témoigne Christine Rigollet, proviseure du lycée polyvalent Edouard-Branly, à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), dont les sections professionnelles mènent 74 % de leurs élèves au bac, alors qu'elles sont censées n'en mener que 58 %. Journées d'intégration, tutorat, soutien… « L'équipe de professeurs est très impliquée, souligne Mme Rigollet. Elle emmène les élèves dans des musées, passer des concours… Cela contribue à un bon climat scolaire, un sentiment d'appartenance à une communauté. »
BRISER LE PLAFOND DE VERRE
A Vénissieux (Rhône), dans la banlieue lyonnaise, le lycée Marcel-Sembat a mis l'accent sur le soutien scolaire. Ici, il y a « aide aux devoirs » tous les lundis, mardis et jeudis soirs. Les élèves peuvent se faire réexpliquer les leçons par des étudiants de l'école de management et de l'Ecole normale supérieure de Lyon. Et cela a son importance : « Notre souci, souligne le proviseur, Antoine Castano, n'est pas le comportement des élèves, mais leur manque d'investissement. Les étudiants sont mieux à même de leur faire passer le sens de l'effort, la motivation, que les professeurs. »
Pour briser le plafond de verre qui bride l'orientation des élèves, M. Castano peut aussi compter sur les conventions signées avec deux grandes écoles de Lyon – l'Institut national des sciences appliquées (INSA) et l'Institut d'études politiques (IEP) –, qui permettent à des élèves de se préparer aux épreuves d'entrée et d'y accéder par une voie spécifique.
C'est aussi par ce biais que le lycée Voillaume, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), parvient à faire rentrer chaque année une poignée d'élèves dans les classes préparatoires du lycée Saint-Louis, à Paris. Avec 11 points de valeur ajoutée, Voillaume est dans le haut du tableau des lycées à forte plus-value. Ses « recettes » – aide aux devoirs en libre-service, « révisions vacances », cours en petits groupes… – semblent faire leurs preuves, puisqu'à la fin de leur scolarité, 89 % de ses élèves, issus de zones urbaines sensibles pour la plupart, sortent avec le bac.
Dans un pays pointé dans le classement PISA de l'OCDE comme l'un des plus inégalitaires, ces super- champions font mentir les statistiques. Et montrent que la logique de l'échec scolaire lié aux origines sociales n'est pas une fatalité.
Aurélie Collas
http://www.lemonde.fr/societe/artic...ons-de-la-reussite-scolaire_4395714_3224.html
Les classements http://www.lemonde.fr/ecole-primair...ement-des-lycees-en-2014_4395687_1473688.html
Les « indicateurs de résultats des lycées » publiés vendredi 4 avril, comme chaque année, par le ministère de l'éducation nationale, laissent le champ libre à toutes les interprétations.
Si l'on ne prend en compte que le critère du taux de réussite au baccalauréat, ce sont, sans surprise, les établissements de la montagne Sainte-Geneviève à Paris – terre des lycées Louis-le-Grand et Henri-IV –, qui tirent leur épingle du jeu, affichant l'un et l'autre 100 % de réussite. Un sans-faute aussi pour le lycée de La Tour (Paris 16e) et Stanislas (Paris 6e), pour les lycées Saint-Genès, à Bordeaux, ou Chevreul, à Lyon.
Mais il y a d'autres catégories de champions. Ceux qui reçoivent les palmes du mérite. Ce sont les lycées inconnus de villes moyennes, de zones rurales ou de banlieue. Ils s'appellent Maurice-Utrillo (Stains en Seine-Saint-Denis) ou encore Jean-Moulin (Roubaix, dans le Nord). Ce sont des lycées à forte « plus-value », car ils parviennent à faire réussir des élèves au départ en difficulté, souvent issus de milieux défavorisés.
Lire aussi le reportage (en édition abonnés) : A Saint-Denis, le lycée Paul-Eluard « booste » les élèves fragiles
La 21e édition de ces indicateurs met en avant 47 lycées généraux et technologiques – sur 2 500 dans l'enseignement privé et public –, qui se caractérisent par des résultats supérieurs à ce que l'on peut attendre d'eux. Cette « valeur ajoutée » est l'indicateur que le ministère utilise pour mesurer la différence entre les résultats « réels » des lycées et leurs résultats « attendus », au regard du profil d'élèves qu'ils accueillent – leur origine sociale, leur âge, leur sexe et leur niveau scolaire à l'entrée au lycée.
« ACCOMPAGNEMENT »
Les établissements les plus prestigieux ont une valeur ajoutée proche de zéro : en sélectionnant les élèves à l'entrée et en en éliminant en cours de route, ils n'accueillent que des bons élèves qui, statistiquement, ont toutes les chances d'être bacheliers.
Les 47 lycées à forte plus-value, souvent situés dans des zones défavorisées, ont une valeur ajoutée supérieure à 5. Parmi eux, 13 atteignaient des résultats similaires en 2012. Du côté des lycées professionnels, 80 – sur 1 500 – affichent une valeur ajoutée supérieure à 10.
Les proviseurs de ces établissements ne s'attendent souvent pas à de tels résultats. « Au début, j'étais étonné », reconnaît Alain Godon, proviseur du lycée Jean-Moulin de Roubaix. « On n'a pas de dispositifs miracles, on ne fait pas autrement qu'ailleurs. Il y a des enseignants fatigués, qui en ont marre des incivilités ; il y a des sanctions, comme ailleurs. »
Sa « valeur ajoutée » qui frôle les 10 points, M. Godon l'explique surtout par la « qualité du travail ». « Nos équipes parviennent à faire ce que d'autres n'arrivent pas à réaliser. » Il décrit ses enseignants comme d'« excellents pédagogues », « disponibles », « bienveillants » auprès d'élèves qu'ils comprennent, puisque beaucoup sont issus des mêmes quartiers défavorisés.
« Stabilité » des équipes et « accompagnement » sont des mots qui reviennent souvent dans le discours de ces chefs d'établissement. « Nous sommes un lycée accompagnateur pour les élèves fragiles », témoigne Christine Rigollet, proviseure du lycée polyvalent Edouard-Branly, à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), dont les sections professionnelles mènent 74 % de leurs élèves au bac, alors qu'elles sont censées n'en mener que 58 %. Journées d'intégration, tutorat, soutien… « L'équipe de professeurs est très impliquée, souligne Mme Rigollet. Elle emmène les élèves dans des musées, passer des concours… Cela contribue à un bon climat scolaire, un sentiment d'appartenance à une communauté. »
BRISER LE PLAFOND DE VERRE
A Vénissieux (Rhône), dans la banlieue lyonnaise, le lycée Marcel-Sembat a mis l'accent sur le soutien scolaire. Ici, il y a « aide aux devoirs » tous les lundis, mardis et jeudis soirs. Les élèves peuvent se faire réexpliquer les leçons par des étudiants de l'école de management et de l'Ecole normale supérieure de Lyon. Et cela a son importance : « Notre souci, souligne le proviseur, Antoine Castano, n'est pas le comportement des élèves, mais leur manque d'investissement. Les étudiants sont mieux à même de leur faire passer le sens de l'effort, la motivation, que les professeurs. »
Pour briser le plafond de verre qui bride l'orientation des élèves, M. Castano peut aussi compter sur les conventions signées avec deux grandes écoles de Lyon – l'Institut national des sciences appliquées (INSA) et l'Institut d'études politiques (IEP) –, qui permettent à des élèves de se préparer aux épreuves d'entrée et d'y accéder par une voie spécifique.
C'est aussi par ce biais que le lycée Voillaume, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), parvient à faire rentrer chaque année une poignée d'élèves dans les classes préparatoires du lycée Saint-Louis, à Paris. Avec 11 points de valeur ajoutée, Voillaume est dans le haut du tableau des lycées à forte plus-value. Ses « recettes » – aide aux devoirs en libre-service, « révisions vacances », cours en petits groupes… – semblent faire leurs preuves, puisqu'à la fin de leur scolarité, 89 % de ses élèves, issus de zones urbaines sensibles pour la plupart, sortent avec le bac.
Dans un pays pointé dans le classement PISA de l'OCDE comme l'un des plus inégalitaires, ces super- champions font mentir les statistiques. Et montrent que la logique de l'échec scolaire lié aux origines sociales n'est pas une fatalité.
Aurélie Collas
http://www.lemonde.fr/societe/artic...ons-de-la-reussite-scolaire_4395714_3224.html
Les classements http://www.lemonde.fr/ecole-primair...ement-des-lycees-en-2014_4395687_1473688.html