Les personnes originaires d’Afrique, des Dom-Tom et de la Turquie sont 5,5 millions dans l’Hexagone
Le Cabinet Solis publie des chiffres inédits sur les populations d’origine extra-européenne de première et deuxième génération
La France métropolitaine compte un peu plus de 4,3 millions de personnes originaires d’Afrique. Ce chiffre comprend les migrants et leur progéniture, selon le cabinet Solis. Entretien avec Abbas Bendali, le directeur et cofondateur de Solis Conseil.
jeudi 12 février 2009, par Falila Gbadamassi
Afrik.com : La France métropolitaine comptait au 1er janvier 2009, 5,5 millions de personnes originaires du continent africain, de Turquie ou des Dom-Tom, soit près de 9% de la population hexagonale qui compte quelque 63 millions d’âmes. Ce chiffre « cumule la première génération de migrants et leurs enfants nés en France métropolitaine ».
Qu’est-ce qui a motivé la conduite de cette étude par votre cabinet ?
Abbas Bendali : Nous fêterons notre dixième anniversaire dans quelques jours et nous avons été sollicités pour faire des redressements ethniques sur un certain nombre de statistiques. Nous nous sommes alors rendus compte que la démarche n’était pas aussi aisée que nous le pensions. Ces chiffres que nous publions aujourd’hui‘hui n’étaient pas disponibles sur les populations d’origine extra-européenne, africaine notamment. Les enquêtes n’ont pas toujours été faites dans les règles de l’art. Pour nous, ces statistiques sont d’autant plus précieuses qu’elles permettent de faire des sondages à partir d’un échantillon représentatif en termes d’âge, de sexe et de région. Ce qui n’était jusqu’ici pas possible lorsqu’on voulait sonder les populations maghrébine, africaine au sens large.
Afrik.com : Comment avez-vous fait pour aboutir à ces chiffres quand on sait que les statistiques ethniques sont interdites en France ?
Abbas Bendali : Notre démarche est tout à fait légale. Nous avons utilisé les statistiques de l’Insee (Institut national de la statistique) et de l’Ined (Institut national études démographiques). Nous nous sommes appuyés sur l’Etude de l’histoire familiale de l’Insee (EHF) publiée en 1999 qui a été faite en marge du recensement. Elle a été beaucoup exploitée par les démographes parce qu’elle permet notamment de travailler sur cette deuxième génération, les enfants d’immigrés. C’est une étude sociologique qui avait été faite pour suivre les évolutions transgénérationnelles. Qui sont les enfants ? Qui sont les parents ? Quelle langue a été transmise ? Les restes de patois, de corse ou de breton, mais aussi de langues du Maghreb (arabe, arabe dialectal) ont été ainsi analysés. C’est une base intéressante qui permet d’identifier les gens à partir du pays d’origine des parents, des langues transmises. A partir de cet instantané de 99, notre démarche a été de poursuivre le film en faisant intervenir des taux de mortalité et de natalité, vieillir cette population, en prenant en compte les retours au pays et les nouveaux entrants depuis 1999. Entre la collecte de ces données, la mise en place d’outils méthodologiques et leur traitement, nous avons consacré trois années à cette étude.
Afrik.com : Quel est le portrait-robot de cette population ?
Abbas Bendali : Cette population est plus masculine : 51,3%. Une donnée qui est à relativiser en fonction des régions d’origine, du fait que l’immigration soit plus ou moins récente. L’immigration récente est à majorité masculine. Cette caractéristique est liée au phénomène migratoire en général et on le retrouve encore dans nos statistiques du fait des nouveaux migrants. Les hommes partent dans un premier temps et ils font ensuite venir leur famille. Il y a aussi plus de femmes et d’hommes comparé à l’ensemble de la population française. C’est une population qui est aussi très jeune : 70% a moins de 40 ans, 85% de cette population a entre 18 et 65 ans. Les chiffres sont en deça de ceux de la population française quand on remonte la pyramide des âges. Troisième trait majeur de cette population : la deuxième génération dépasse en nombre les migrants, ceux qui sont arrivés étrangers sur le territoire français ou qui pour les Domiens sont venus s’installer dans l’Hexagone. Elle représente 51,5% de cette population. Concrètement dans cette étude, il est question de mon père, qui est arrivé en France en 1948 et qui s’y est installé et de moi. Mais mon fils n’a pas été pris en compte, la troisième génération est encore mineure en terme de proportion. Le gros de l’immigration remonte aux années 60-70. Il s’agit des Domiens avec le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations intéressant les Départements d’Outre-Mer, ndlr). Les immigrations algérienne et tunisienne, elles, sont plus anciennes. Celle en provenance du Maroc date de la fin des années 60 et l’immigration en provenance d’Afrique sub-saharienne est la plus récente. Elle date du milieu des années 70 et s’est accélérée dans les années. Cependant, nous ne savons encore rien sur leurs catégories socio-professionnelles.
Région Nombre Pourcentage
Maghreb 3 264 000 58.9%
dont Algérie 1 532 000 27.6%
dont Maroc 1 255 000 22.6%
dont Tunisie 477 000 8.6%
Afrique sub-saharienne 1 080 000 19.5%
Dom-Tom 757 000 13.7%
Turquie 441 000 8.0%
Total 5 542 000 100.0%
- Source : Solis Conseil
D’où viennent la plupart des migrants en provenance d’Afrique sub-saharienne ?
Abbas Bendali : On ne peut pas le faire à partir des statistiques officielles. En revanche, on sait qu’il y a 5, 6 pays qui comptent pour l’essentiel. A quelques dizaines de milliers près, le Mali, le Sénégal, la RDC, le Congo-Brazzaville se tiennent dans un mouchoir de poche.
Le Cran a réalisé une étude sur les Noirs de France ? Vous obtenez les mêmes résultats ?
Abbas Bendali : Nous parvenons à des résultats assez similaires.
Afrik.com : A quoi va servir cette étude ?
Abbas Bendali : On a fait cette étude pour nos besoins et elle va servir de socle à une enquête que nous avons lancée sur la consommation - Internet, téléphonie, hygiène-beauté, médias, fréquentation de la grande distribution et envergure du marché du halal - des populations d’origine maghrébine et sub-saharienne.
Afrik.com : Yazid Sabeg a déclaré qu’il était pour les statistiques ethniques qui sont interdites par la loi parce qu’elles sont en contradiction avec le principe constitutionnel et culturel d’égalité républicaine. Partagez-vous le même avis que lui sur la levée de ce dispositif légal d’autant plus que c’est possible de parvenir à ces chiffres en toute légalité ?
Abbas Bendali : Nicolas Sarkozy est pour sa part pour et contre. Je suis également partagé sur cette question. Néanmoins, l’idéal serait d’avoir des statistiques officielles. Il a été question de faire une étude ponctuelle pour cerner la situation. Mais jusqu’à quand posera-t-on la question aux gens de savoir s’ils sont Blancs, Noirs, Maghrébins ou autres, d’autant plus qu’il y a de plus en plus de métissage. Mon fils a des origines en Algérie et en Auvergne. Je ne pense pas que le dispositif légal soit près d’être supprimé. Par ailleurs, je ne sais pas s’il est intéressant que les gens se comptent les uns par rapport aux autres. On travaille sur un phénomène récent : la décennie 2000 marque un tournant pour la deuxième génération qui supplante en nombre la première génération.
Le Cabinet Solis publie des chiffres inédits sur les populations d’origine extra-européenne de première et deuxième génération
La France métropolitaine compte un peu plus de 4,3 millions de personnes originaires d’Afrique. Ce chiffre comprend les migrants et leur progéniture, selon le cabinet Solis. Entretien avec Abbas Bendali, le directeur et cofondateur de Solis Conseil.
jeudi 12 février 2009, par Falila Gbadamassi
Afrik.com : La France métropolitaine comptait au 1er janvier 2009, 5,5 millions de personnes originaires du continent africain, de Turquie ou des Dom-Tom, soit près de 9% de la population hexagonale qui compte quelque 63 millions d’âmes. Ce chiffre « cumule la première génération de migrants et leurs enfants nés en France métropolitaine ».
Qu’est-ce qui a motivé la conduite de cette étude par votre cabinet ?
Abbas Bendali : Nous fêterons notre dixième anniversaire dans quelques jours et nous avons été sollicités pour faire des redressements ethniques sur un certain nombre de statistiques. Nous nous sommes alors rendus compte que la démarche n’était pas aussi aisée que nous le pensions. Ces chiffres que nous publions aujourd’hui‘hui n’étaient pas disponibles sur les populations d’origine extra-européenne, africaine notamment. Les enquêtes n’ont pas toujours été faites dans les règles de l’art. Pour nous, ces statistiques sont d’autant plus précieuses qu’elles permettent de faire des sondages à partir d’un échantillon représentatif en termes d’âge, de sexe et de région. Ce qui n’était jusqu’ici pas possible lorsqu’on voulait sonder les populations maghrébine, africaine au sens large.
Afrik.com : Comment avez-vous fait pour aboutir à ces chiffres quand on sait que les statistiques ethniques sont interdites en France ?
Abbas Bendali : Notre démarche est tout à fait légale. Nous avons utilisé les statistiques de l’Insee (Institut national de la statistique) et de l’Ined (Institut national études démographiques). Nous nous sommes appuyés sur l’Etude de l’histoire familiale de l’Insee (EHF) publiée en 1999 qui a été faite en marge du recensement. Elle a été beaucoup exploitée par les démographes parce qu’elle permet notamment de travailler sur cette deuxième génération, les enfants d’immigrés. C’est une étude sociologique qui avait été faite pour suivre les évolutions transgénérationnelles. Qui sont les enfants ? Qui sont les parents ? Quelle langue a été transmise ? Les restes de patois, de corse ou de breton, mais aussi de langues du Maghreb (arabe, arabe dialectal) ont été ainsi analysés. C’est une base intéressante qui permet d’identifier les gens à partir du pays d’origine des parents, des langues transmises. A partir de cet instantané de 99, notre démarche a été de poursuivre le film en faisant intervenir des taux de mortalité et de natalité, vieillir cette population, en prenant en compte les retours au pays et les nouveaux entrants depuis 1999. Entre la collecte de ces données, la mise en place d’outils méthodologiques et leur traitement, nous avons consacré trois années à cette étude.
Afrik.com : Quel est le portrait-robot de cette population ?
Abbas Bendali : Cette population est plus masculine : 51,3%. Une donnée qui est à relativiser en fonction des régions d’origine, du fait que l’immigration soit plus ou moins récente. L’immigration récente est à majorité masculine. Cette caractéristique est liée au phénomène migratoire en général et on le retrouve encore dans nos statistiques du fait des nouveaux migrants. Les hommes partent dans un premier temps et ils font ensuite venir leur famille. Il y a aussi plus de femmes et d’hommes comparé à l’ensemble de la population française. C’est une population qui est aussi très jeune : 70% a moins de 40 ans, 85% de cette population a entre 18 et 65 ans. Les chiffres sont en deça de ceux de la population française quand on remonte la pyramide des âges. Troisième trait majeur de cette population : la deuxième génération dépasse en nombre les migrants, ceux qui sont arrivés étrangers sur le territoire français ou qui pour les Domiens sont venus s’installer dans l’Hexagone. Elle représente 51,5% de cette population. Concrètement dans cette étude, il est question de mon père, qui est arrivé en France en 1948 et qui s’y est installé et de moi. Mais mon fils n’a pas été pris en compte, la troisième génération est encore mineure en terme de proportion. Le gros de l’immigration remonte aux années 60-70. Il s’agit des Domiens avec le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations intéressant les Départements d’Outre-Mer, ndlr). Les immigrations algérienne et tunisienne, elles, sont plus anciennes. Celle en provenance du Maroc date de la fin des années 60 et l’immigration en provenance d’Afrique sub-saharienne est la plus récente. Elle date du milieu des années 70 et s’est accélérée dans les années. Cependant, nous ne savons encore rien sur leurs catégories socio-professionnelles.
Région Nombre Pourcentage
Maghreb 3 264 000 58.9%
dont Algérie 1 532 000 27.6%
dont Maroc 1 255 000 22.6%
dont Tunisie 477 000 8.6%
Afrique sub-saharienne 1 080 000 19.5%
Dom-Tom 757 000 13.7%
Turquie 441 000 8.0%
Total 5 542 000 100.0%
- Source : Solis Conseil
D’où viennent la plupart des migrants en provenance d’Afrique sub-saharienne ?
Abbas Bendali : On ne peut pas le faire à partir des statistiques officielles. En revanche, on sait qu’il y a 5, 6 pays qui comptent pour l’essentiel. A quelques dizaines de milliers près, le Mali, le Sénégal, la RDC, le Congo-Brazzaville se tiennent dans un mouchoir de poche.
Le Cran a réalisé une étude sur les Noirs de France ? Vous obtenez les mêmes résultats ?
Abbas Bendali : Nous parvenons à des résultats assez similaires.
Afrik.com : A quoi va servir cette étude ?
Abbas Bendali : On a fait cette étude pour nos besoins et elle va servir de socle à une enquête que nous avons lancée sur la consommation - Internet, téléphonie, hygiène-beauté, médias, fréquentation de la grande distribution et envergure du marché du halal - des populations d’origine maghrébine et sub-saharienne.
Afrik.com : Yazid Sabeg a déclaré qu’il était pour les statistiques ethniques qui sont interdites par la loi parce qu’elles sont en contradiction avec le principe constitutionnel et culturel d’égalité républicaine. Partagez-vous le même avis que lui sur la levée de ce dispositif légal d’autant plus que c’est possible de parvenir à ces chiffres en toute légalité ?
Abbas Bendali : Nicolas Sarkozy est pour sa part pour et contre. Je suis également partagé sur cette question. Néanmoins, l’idéal serait d’avoir des statistiques officielles. Il a été question de faire une étude ponctuelle pour cerner la situation. Mais jusqu’à quand posera-t-on la question aux gens de savoir s’ils sont Blancs, Noirs, Maghrébins ou autres, d’autant plus qu’il y a de plus en plus de métissage. Mon fils a des origines en Algérie et en Auvergne. Je ne pense pas que le dispositif légal soit près d’être supprimé. Par ailleurs, je ne sais pas s’il est intéressant que les gens se comptent les uns par rapport aux autres. On travaille sur un phénomène récent : la décennie 2000 marque un tournant pour la deuxième génération qui supplante en nombre la première génération.