Par exemple pour l’histoire ancienne, les historiens comparent entre eux les manuscrits qui nous sont parvenus, ils regardent leurs différences, les parties manquantes, les fautes, les substitutions, pour essayer de reconstruire de façon conjecturale le texte originel.
De façon plus générale : les historiens peuvent formuler une hypothèse sur quelque chose qui se passait autrefois, une pratique, une institution, une mentalité, une crise, etc., mais alors ils doivent chercher à opérationnaliser leur hypothèse, c’est-à-dire chercher des manières de collecter des informations à partir de certaines sources qui puissent avoir un rapport avec la vérité ou fausseté de cette hypothèse.
Par exemple : si un historien dit que le racisme était jugé normal il y a 100 ans, il doit chercher des sources d’informations parmi les documents du passé qui puissent avoir un rapport avec cette question. Il doit aussi savoir comment les aborder, comment les interpréter dans leur contexte pour ne pas les comprendre de travers.
Donc par exemple ici notre historien pourrait chercher comment les anciens manuels scolaires pour les jeunes parlaient des « races humaines » il y a 100 ans. Ou il pourrait lire des textes de loi. Ou encore des archives judiciaires (pour comparer la manière dont on jugeait les blancs et non-blancs). Ces sources d’informations bien délimitées sont ses indicateurs. Mais il doit aussi justifier leur importance pour connaître un contexte historique plus large. On peut imaginer que les manuels utilisés par les écoles publiques reflétaient une vision largement partagée à l’époque, surtout par les élites. De plus, les lois votées dans les assemblées publiques par les élus avaient sûrement une pertinence sociale.
Mais il faut prendre garde à ce que le sens des mots a évolué peu à peu. En apparence, un texte de 1915 est écrit dans la même langue que la nôtre, mais certains mots ont évolué pour ce qui est de leur sens, et si on projette notre sens actuel sur les anciens textes, on commet des erreurs de lecture. Par exemple le mot « débile mental » autrefois était pas essentiellement une grossièreté proférée par des écoliers mal élevés pour se moquer des autres. C’était un terme qui désignait techniquement les personnes avec une déficience intellectuelle, et le terme à l’époque pouvait être peu offensant et pas vraiment grossier. De même, au 17e siècle, un Américain désigne plutôt un Amérindien. Un Mexicain désigne les peuples précolombiens du Mexique, comme les Aztèques.