Décolonisation au Cameroun: la France a mené une "guerre" marquée par des "violences extrêmes", selon un rapport
H.G.mar. 28 janvier 2025 à 7:02 PM UTC+1
La France a mené à la fin des années 50 une véritable "guerre" contre les indépendantistes au Cameroun, marquée par des "violences extrêmes", selon un rapport d'historiens français et camerounais sur le rôle de Paris avant et après l'indépendance de ce pays d'Afrique centrale.
Annoncée en juillet 2022 par le président français Emmanuel Macron lors d'une visite à Yaoundé, cette commission de quatorze membres, dirigée par l'historienne française Karine Ramondy, a étudié le rôle de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d'opposition au Cameroun entre 1945 et 1971.
Il a été remis mardi au président camerounais Paul Biya à Yaoundé, une semaine après sa remise à son homologue français.
"Côté camerounais, les mémoires sont marquées à vif"
Se basant sur des archives déclassifiées, des témoignages et des enquêtes de terrain, le rapport de plus de 1.000 pages vise à combler le "vide mémoriel", malgré quelques ouvrages reconnus, sur ce pan d'histoire sanglant."Côté français, la guerre du Cameroun est une terra incognita des mémoires sur le passé colonial... Côté camerounais, les mémoires sont marquées à vif", constate le rapport.
Divisé en quatre parties chronologiques, l'ouvrage étudie notamment le glissement de la répression vers une véritable "guerre", un terme jusqu'à présent banni du discours officiel français. Se déroulant dans le sud et l'ouest du pays entre 1956 et 1961, elle a sans doute fait "des dizaines de milliers de victimes", selon les historiens.
Si la Commission estime "ne pas avoir de compétence juridique pour qualifier ces pratiques de génocidaires", "il est indéniable que ces violences ont bien été extrêmes car elles ont transgressé les droits humains et le droit de la guerre", écrit-elle.
Une "répression multiple" mise en oeuvre par la France
Le rapport se penche ensuite sur la période post-indépendance (obtenue en 1960) et l'engagement de la France dans la répression des mouvements d'opposition au régime du président Ahmadou Ahidjo, afin de conserver son influence dans ce pays au fort potentiel économique et stratégique.Après la défaite de l'Allemagne en 1918, la Société des nations (SDN) avait placé sous mandat français (puis tutelle en 1945) la majeure partie de la colonie allemande du Kamerun, la partie occidentale bordant le Nigeria étant confiée à la Grande-Bretagne.
Face à la montée du mouvement indépendantiste après la Deuxième guerre mondiale, les autorités françaises mettent en oeuvre une "répression multiple", policière, administrative, judiciaire, mais aussi politique, empêchant les leaders indépendantistes d'aller s'exprimer à l'Onu, ou manipulant la scène politique camerounaise.
Le rapport souligne aussi le rôle joué "par une poignée de colons" dans l'intensification des violences, en particulier en septembre 1945 à Douala, où des colons tirent sur des grévistes.