Human Rights Watch a présenté, samedi à Alger, son rapport sur la situation des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf. Décryptage d’un document choc.
Le rapport de 94 pages met à nu toutes les irrégularités que subissent les réfugiés au sein des camps de Tindouf administrés par le Front du Polisario. Ainsi, le document, intitulé « Pas sur les écrans : Les droits humains dans les camps de réfugiés de Tindouf », recense plusieurs cas de violations des libertés d’expression, de mouvement et de rassemblement dans les camps de Tindouf. Egalement, il met en exergue la forte implication de l’Algérie dans le dossier.
Des tribunaux militaires pour juger les civils
HRW affirme avoir recensé plusieurs cas de civils sahraouis condamnés par des tribunaux militaires dans les camps de Tindouf, gérés par le front Polisario.
« Dans au moins huit cas, les civils mis en accusation devant des tribunaux militaires semblent avoir été maintenus en détention préventive pendant des semaines ou des mois, plus longtemps que leurs ordres de détention imposée », assure l’ONG.
Elle rappelle que « traduire des civils devant des tribunaux militaires est une violation d’une norme fondamentale des droits humains internationaux ». C’est dans ce sens que l’organisation de défense des droits humains exhorte le front Polisario à « mettre un terme à la compétence des tribunaux militaires sur les civils ». D’après HRW, l’Algérie, qui accueille les populations sahraouies sur son territoire à Tindouf, assume « la responsabilité légale » de la situation des droits de l’Homme dans ces camps.
« L’Algérie devrait reconnaître publiquement sa responsabilité légale de veiller au respect des droits de toute personne se trouvant sur son territoire, y compris les résidents des camps de réfugiés administrés par le Polisario », souligne l’ONG.
L’affaire Mahjouba selon HRW
HRW a appelé à permettre à la jeune Mahjouba d’exercer son droit à la liberté de mouvement, sans restriction aucune. Selon elle, la séquestration d’une personne est un crime grave. Le front Polisario doit « s’assurer que la jeune femme soit en mesure d’exercer son droit à la liberté d’aller et venir en quittant le camp, si elle le souhaite, et de retourner en Europe ». Dans ce contexte, les amis et la famille de la jeune Mahjouba ont lancé une pétition sur Internet intitulée « Free Mahyuba » qui a recueilli, en peu de temps, pas moins de 4.000 signatures, laquelle sera présentée au ministère espagnol des Affaires étrangères en vue de la faire sortir de ce calvaire. Séquestrée depuis août dernier à Tindouf où elle rendait visite à sa famille, la jeune femme sahraouie travaille pour le compte de la Marie Curie Fondation Care à Londres, ville qu’elle avait choisie pour poursuivre ses études supérieures. Pour l’heure Mahjouba demeure introuvable.
Libertés de circulation
La plupart des réfugiés qui ont été abordés par HRW ont déclaré que le Polisario les empêchaient de voyager à l’extérieur de et vers les camps de Tindouf, y compris de se réinstaller du coté marocain. Certains d’entre eux annoncent même qu’ils cachaient leurs plans de circulation par peur que Polisario les empêchent de les accomplir. Ainsi, le Polisario régule les voyages dans les zones du Sahara comprenant la partie marocaine et algérienne.
L’esclavage moderne du Polisario
L’ONG atteste de la persistance de l’esclavage dans les camps de Tindouf. Elle explique que « les victimes sont dans de nombreux cas des Sahraouis ayant la peau foncée et l’esclavage prend surtout la forme de travaux ménagers non volontaires ».Pour étayer le constat établi dans son rapport a mis en ligne une vidéo d’un témoignage poignant de l’une des victimes de cette pratique des temps révolus. Dans cet enregistrement intitulé « Un cas d’esclavage moderne », HRW donne la parole à Salem Bilal Mohamed Salem qui affirme avoir été enlevé et séparé de sa famille à l’âge de 4 ans.
Salem Bilal, aujourd’hui un jeune homme à la mine attristée par les affres endurés, raconte comment il a été « forcé à travailler pendant 18 ans sans la moindre rémunération ». Il se souvient comment les négriers des temps modernes l’ont « arraché » à sa mère pour le soumettre à l’asservissement, au lieu de se rendre comme ses pairs à l’école ou vivre dans le giron d’une famille prenant soin de ses besoins. Au contraire, il a été jeté dans la servitude. Salem Bilal, qui se remémore avec amertume des « mauvaises conditions » de sa séquestration, regrette surtout de ne pas avoir pu vivre normalement comme les personnes de son âge.
La liberté d’opinion fortement remise en cause
Les Sahraouis vivant dans les camps de Tindouf doivent pouvoir « défendre d’autres options que l’indépendance », sans restriction de la part du front Polisario. HRW souligne que le Polisario doit veiller « à ce que les habitants des camps de réfugiés soient libres de remettre en question de façon pacifique ses politiques et sa direction, et de défendre d’autres options que l’indépendance » du Sahara. L’ONG rappelle sans le nommer le cas du militant et ancien dirigeant du Polisario, Moustapha Salma, qui a été «maintenu en détention » pendant plus de deux mois, parce qu’il s’est « exprimé en faveur de la souveraineté marocaine » sur le Sahara. « Le Polisario l’a ensuite envoyé en Mauritanie et l’a empêché de retourner dans les camps de réfugiés en Algérie, où vit sa famille », relate HRW.
Après cet épisode, des opposants ont indiqué à l’ONG que le front « les avaient convoqués pour interrogatoire », tandis qu’un journaliste travaillant pour la station de radio du Polisario « a déclaré que son supérieur l’avait réaffecté ainsi qu’un de ses collègues à titre de représailles pour avoir écrit des articles critiques destinés à un site web indépendant ».
L’Algérie fortement impliquée
Le rapport met à nu le « soutien financier et diplomatique » que le régime algérien met gracieusement à la disposition des séparatistes du Polisario, chose qui contraste de manière flagrante avec les allégations d’Alger prétendant le contraire.
Le rapport épingle également une situation rare, voir unique dans le droit international, à savoir qu’un Etat, en l’occurrence l’Algérie, accepte que le Polisario administre les populations réfugiées sur son territoire depuis plus de trois décennies , en affirmant haut et fort que les séparatistes sont les seuls « responsables de la situation des droits de l’homme dans les camps de Tindouf ». Cette position de la part d’un Etat souverain (Algérie) n’est pas conforme au droit international , tranche le rapport de l’organisation US des droits de l’Homme, en spécifiant que l’Algérie demeure l’ultime partie responsable, conformément aux obligations du droit international, des droits de l’Homme de toutes les personnes vivant sur son territoire .
Tout manquement du Polisario aux droits de l’Homme est à attribuer au régime algérien, lui même, insiste HRW, nonobstant le fait qu’Alger ait délégué au Polisario le pouvoir « d’administrer une partie de son territoire ».
http://www.quid.ma/politique/decryptage-rapport-choc-hrw-situation-refugies-tindouf/