Denmark : Un documentaire épingle l’exploitation des ressources groenlandaises sur le dos des autochtones

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion hajjesus
  • Date de début Date de début
L’ancienne mine à ciel ouvert d’Ivittuut n’est plus qu’un immense cratère rempli d’eau, à la pointe sud du Groenland. Mais, jusqu’à sa fermeture en 1987, elle a fourni pendant quelque cent trente ans plus de 3 millions de tonnes de cryolite, un minéral rare servant à la production d’aluminium. De l’histoire ancienne ? Pas pour les auteurs d’un documentaire télévisé sur le sujet, qui fait des vagues depuis sa diffusion le 9 février dans cette ex-colonie danoise.

“On savait depuis des années [que la mine exploitée par des firmes danoises] avait généré beaucoup d’argent”, raconte le site de la radiotélévision publique groenlandaise KNR. Mais le documentaire intitulé L’Or blanc du Groenland a fouillé dans les comptes “pendant trois ans pour en arriver à un montant stupéfiant” : son chiffre d’affaires total s’élèverait à 400 milliards de couronnes danoises actuelles, soit l’équivalent de 53 milliards d’euros.

Sitôt diffusé au Groenland par KNR, le film produit par la radiotélévision publique danoise DR a suscité des réactions indignées de la part de nombreux responsables politiques groenlandais. La campagne électorale en vue de l’élection des membres du Parlement du territoire autonome, prévue le 11 mars, bat son plein et voit le thème de l’indépendance s’imposer comme une question majeure.

“Contribuer au bien-être danois”​

“Je suis très choqué que le gouvernement danois ait gagné autant d’argent sur le dos de notre pays”, a ainsi commenté Erik Jensen, le chef de Siumut, un des deux partis gouvernant le territoire de 56 000 habitants, cité par le quotidien local Sermitsiaq. Une allusion au fait que l’État danois contrôlait l’une des firmes ayant extrait la cryolite et en faisait payer d’autres pour le droit d’exploiter le site.

Le chef du gouvernement local, Mute B. Egede, qui penche pour l’indépendance, n’a pas manqué l’occasion de lancer, sur Facebook, une pique à l’encontre de la puissance tutélaire : “On a souvent affirmé au Danemark que le Groenland était source de dépenses, alors qu’en fait nous avons contribué à son bien-être.”
“Cela montre que le Danemark avait des visées économiques”,
a insisté, dans le titre de centre gauche Politiken, une des chercheurs interviewés dans le film, la Groenlandaise Naja Graugaard, qui travaille sur les récits coloniaux. “Cher Danemark, rendez-nous notre argent”, a lancé pour sa part un ancien ministre du territoire, Steen Lynge.

À Copenhague aussi, le documentaire fait beaucoup de bruit. Plusieurs journaux, notamment, ont déploré une certaine confusion qu’il entretiendrait entre le chiffre d’affaires généré par la mine et les recettes perçues par le royaume. “Dans le film, des économistes déclarent qu’il y a trop d’inconnues pour se prononcer quant à l’impact sur l’économie danoise”, pointe, entre autres, le journal libéral Jyllands-Posten.

“Un cadeau pour Trump”​

Son éditorialiste a sorti sa calculatrice : le chiffre de 400 milliards de couronnes générées en cent trente-trois ans d’exploitation “ne correspond qu’à 3 milliards par an, soit 0,1 % du PIB danois” actuel, relativise-t-il, avant de mettre en avant un autre chiffre “dont le documentaire parle peu” : les 685 milliards de couronnes (92 milliards d’euros) de subventions danoises versées au Groenland durant la même période.
 
Peu importent ces nuances, le chiffre qui revient dans la campagne électorale groenlandaise est celui des 400 milliards de couronnes. “De quoi renforcer le sentiment que l’on a été exposé à des injustices de la part de l’État danois […] et alimenter un désir d’indépendance”, analyse pour Jyllands-Posten un professeur de sciences politiques, Michael Bang Petersen.

Pour le titre de centre droit Berlingske, cette immixtion “honteuse” dans la campagne électorale groenlandaise est “une catastrophe” pour le royaume et “un cadeau pour Trump”, le président américain qui s’est déclaré prêt à annexer le territoire riche en minerais, par la force si nécessaire.

Plutôt que de tout mesurer sous l’angle de “gains et de pertes d’argent”, comme le documentaire a tendance à le faire, à l’image de Donald Trump, “nous devrions nous souvenir [au Groenland comme au Danemark] des liens humains qui nous unissent”, plaide de son côté Politiken.
 
Retour
Haut