Tout commence dans la nuit du 26 au 27 octobre 2023 dans le 10e arrondissement de Paris, au croisement des rues de Belzunce et de Rocroy. Il est un peu plus de 2 heures du matin. Les trottoirs sont déserts. Un riverain sort prendre l’air pour fumer une cigarette. Au pied de son immeuble, il demande du feu à un passant : "Il m’a répondu en français qu’il n’en avait pas, alors j’ai dû revenir chercher mon briquet." Depuis sa fenêtre, il observe alors un étrange manège : "Je vois une femme et un homme habillé en noir, capuche sur la tête, positionné en retrait, comme s’il faisait le guet. J’aperçois un pochoir avec une étoile de David. Quand j’ai vu que la femme avait tagué plusieurs étoiles, j’ai appelé la police." Une fois les deux individus appréhendés, le voisin observe une autre scène : "Une troisième personne a pris des photos des tags tout en restant aux aguets. J’ai compris qu’elle était de mèche avec le couple et j’ai tout de suite reconnu l’homme à qui j’avais demandé du feu." Ce dernier s’enfuira sans être inquiété.
Placé en garde à vue, le couple s’avère être de nationalité moldave. Il était arrivé peu avant à l’aéroport de Beauvais, en provenance de Chisinau, la capitale de Moldavie. Constatant qu’ils sont en situation irrégulière, la préfecture les place en centre de rétention et ordonne leur expulsion. La dizaine d’étoiles qu’ils ont taguées sont très vite effacées. L’opération passe alors inaperçue.
Mais trois nuits plus tard, une seconde équipe peint les mêmes étoiles de David, cette fois sans être inquiétée. Environ 250 tags seront retrouvés dans trois arrondissements de Paris (14, 15 et 18e) et dans plusieurs villes de banlieue (Saint-Ouen et Saint-Denis en Seine-Saint-Denis ; Issy-les-Moulineaux, Fontenay-aux-Roses et Vanves dans les Hauts-de-Seine). L’émotion, là, est immense. Les réseaux sociaux, comme les médias, s’en emparent. La plupart des commentaires assimilent ces dessins à la flambée des actes antisémites, recensés en France et dans le monde. L’offensive terrestre d’Israël à Gaza vient de commencer, moins d’un mois après les attentats du Hamas.
Photo prise par un témoin de la première opération dans le 10e arrondissement de Paris, dans la nuit du 26 au 27 octobre 2023. (CELLULE INVESTIGATION DE RADIO FRANCE)
Plusieurs éléments, pourtant, ne collent pas. "C’est une opération atypique par rapport aux autres actes antisémites", confie quelques jours plus tard le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, sur BFMTV. L’opération semble effectivement trop bien organisée. Et le parquet de Paris va découvrir qu’il existe des liens étroits entre la première et la deuxième équipe de taggeurs. Sur les vidéos de caméras de surveillance enregistrées lors de la seconde nuit, apparaissent un homme et une femme accompagnés d’une troisième personne. "Nous pensons que cette troisième personne était la même que celle qui avait accompagné le premier couple", explique la porte-parole du parquet. Autrement dit : le photographe. Selon une source proche du dossier, confirmant les informations de Libération, la deuxième équipe a réussi à fuir en prenant un Flixbus vers Bruxelles. Elle aussi était arrivée en France à l’aéroport de Beauvais en provenance de Moldavie. Et tout comme la première équipe, elle avait séjourné dans un hôtel du 9e arrondissement de Paris.
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