Tiens Pascal Boniface est d'accord avec moi
INTERVIEW. Expert en relations internationales et grand connaisseur du dossier du Sahara et des conflits de notre région, Pascale Boniface pense qu’une guerre entre le Maroc et l’Algérie est impensable dans le contexte actuel. Malgré cette escalade inédite d'Alger, pour lui, il ne s’agit que de gesticulations qui visent à faire diversion sur les problèmes internes de l’Algérie.
Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Pascal Boniface a écrit ou dirigé la publication d’une soixantaine d’ouvrages ayant pour thème les relations internationales, les questions nucléaires et de désarmement, les rapports de force entre les puissances, la politique étrangère française, l’impact du sport dans les relations internationales (il a développé le concept de
géopolitique du sport), le conflit du Proche-Orient…
Grand connaisseur du dossier du Sahara et de la géostratégie de la région Afrique du Nord et Moyen Orient, il nous livre dans cette interview son analyse de l’escalade entre l’Algérie et le Maroc, ses tenants et ses aboutissants.
Médias24: Les tensions entre le Maroc et l’Algérie durent depuis longtemps. C’est devenu même une constante. Mais depuis quelques mois, on assiste à une escalade sans précédent, qui a commencé côté algérien par des accusations contre le Maroc de déstabilisation du pays, par la provocation des incendies de l’été, le soutien aux indépendantistes Kabyles… On a vu l’Algérie à rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, interdire son espace aérien aux avions marocains. Mais avec l’incident du 1er novembre qui a causé, selon l’Algérie, la mort de trois de ses ressortissants, le spectre de la guerre est aujourd’hui présent plus que jamais. Comment expliquez-vous cette escalade qui ne cesse de monter ?
Pascal Boniface : Je pense que tout cela a commencé par les déclarations du représentant marocain à l’ONU, qui a commis une maladresse à mon avis en parlant de l’indépendance de la Kabylie. L’Algérie a surréagi, et ça lui a servi de prétexte pour faire monter les enchères.
Face aux problèmes internes, le régime algérien essaie de faire diversion en créant un ennemi, qui est le Maroc. Le Maroc a donné ici l’occasion au régime algérien l’occasion de légitimer son pouvoir, son utilité.
-Pensez-vous qu’une guerre soit possible entre les deux pays ?
-Le scénario de guerre me paraît irrationnel. Il s’agit simplement de gesticulations qui servent, comme je l’ai dit au début, à alimenter un discours interne en Algérie pour créer une sorte d’union nationale et
faire oublier les revendications populaires du Hirak. Car la guerre ne profitera à personne, surtout à celui qui la provoquera, et qui sera dans une mauvaise posture vis-à-vis de la communauté internationale.
-Depuis la montée de ces tensions, le Maroc a choisi le silence, et n’a jamais répondu aux accusations algériennes. Comment expliquez-vous ce silence marocain ?
-Je trouve que c’est un signe de sagesse.
Le Maroc par son silence ne veut pas rentrer dans une surenchère qui ne serait pas bonne et qui alimenterait encore plus les tensions.
-Une des raisons évoquées par l’Algérie pour légitimer son discours anti-Maroc, c’est l’alliance du Royaume avec les États-Unis et surtout la reprise des relations avec Israël, un pays qui aurait selon les Algériens un agenda de déstabilisation de l’Algérie. Qu’en pensez-vous ?
-Le Maroc, comme plusieurs autres pays de la région, a normalisé ses relations avec Israël. Et cela ne plaît pas bien sûr à l’Algérie, qui se positionne comme le seul pays qui est resté attaché à ses positions de défense de la cause palestinienne. Ce sujet sert également à
alimenter le discours interne en Algérie, et montrer que le pays reste fidèle à ses principes, contrairement à son voisin marocain qui est prêt à pactiser avec n’importe qui pour servir ses intérêts.
https://www.medias24.com/2021/11/06...arait-irrationnel-il-sagit-de-gesticulations/