Ces affabulateurs qui enveniment les relations franco-marocaines,par /
Benoit Alphand
Pour se faire entendre par les médias étrangers, des franco-marocains condamnés dans des affaires de droit commun jouent la carte de la martyrisation en accusant les autorités marocaines de les avoir torturés. Une affaire de lobbys et de gros sous qui jette un froid entre Rabat et Paris.
François Hollande a bien tenté d’éteindre l’incendie en téléphonant à Mohammed VI pour s’excuser platement. Rien n’y fera. Depuis quelques semaines, la coopération judiciaire entre Paris et Rabat est gelée. En cause, l’insondable bêtise d’une magistrate parisienne qui a décidé d’envoyer le 20 février 2014 une escouade de policiers en armes et cintrés de gilets pare-balles à la residence de l’ambassadeur du Maroc à Neuilly sur-Seine en quête du patron du contre-espionnage marocain. Selon des sources concordantes, celui-çi qui était alors en visite de travail en France ne se trouvait même pas sur les lieux de la descente...
La juge Sophie Kheris, peu soucieuse des usages diplomatiques, soupçonne Abdellatif Hammouchi de « complicité d’actes de torture » sur la base des allégations fantaisistes de Adil Lamtalsi, un trafiquant de drogue franco-marocain notoirement connu des services de police, arrêté en 2008 à Tanger pour avoir tenté d’expédier une tonne et demie de de cannabis en Espagne à bord d’un petit avion de tourisme. Le réseau Lamtalsi dont les ramifications s’étendaient à toute l’Europe a été démantelé à l’occasion de son arrestation.
Accuser le Maroc de torture pour échapper à la justice
De 2008 à 2012, Lamtalsi se fait oublier. A la prison civile de Salé où il est transféré, le détenu ronge son frein. Il cherche comme tous les autres détenus de nationalité française à obtenir son transfert en France où il espère une réduction de peine et où ses relations dans la pègre lui assureront une détention moins spartiate.
Lorsque François Hollande est élu en mai 2012, il croit saisir sa chance. La gauche désormais au pouvoir serait à son sens moins encline à laisser moisir en prison un citoyen français qui clame son innocence du fond des geoles marocaines, forcément terrifiantes. Son idée est simple : pour se faire entendre, Lamtalsi compte rejoindre la cohorte des détenus qui accusent les autorités marocaines de torture. Depuis des années, il les fréquente en prison, des islamistes salafistes à Zakaria Moumni, le champion de light-boxing, lui aussi franco-marocain, dont toute la presse relate la rocambolesque histoire sans vérifier que l’individu est un serial-quémandeur d’agréments de transports (dont il en obtiendra deux et voudra encore un troisième qui lui sera refusé) sans compter ses incessantes suppliques pour des avantages indus de toute sorte, dont un poste de fonctionnaire, alors qu’il se prévaut par ailleurs de sa nationalité française.
Pour Lamtalsi qui mime Moumni, le stratagème commence par être payant. Le long manuscrit de 10 pages qu’il rédige de sa cellule et qu’il fait parvenir à sa famille fait froid dans le dos. Sa sœur Ilhame le diffuse largement aux médias tant en France qu’au Maroc, interpelle la ministre déléguée aux Français de l’étranger, Yamina Benguigui, le maire de Bordeaux Alain Juppé, frappe à la porte des ONG de défense des Droits de l’Homme. Mais les incohérences de son récit, sa propension ridicule à se mettre en scène, les raisons farfelues qu’il invoque pour expliquer son supposé calvaire jettent le doute sur son témoignage cousu de fil blanc.
Il y affirme qu’en tant qu’ancien producteur de cinéma, il serait <« très jalousé au aroc en raison de son succès fulgurant »,
La presse française ne vérifie même pas à qui elle tend le micro
Grâce à des relais dans les milieux hostiles au Maroc en France, Europe 1 se laisse aller à l’interviewer faisant fi des restrictions dues à son incarcération. Une manière d’agir qui ne serait pas passée en France. Mais passons…Sur les ondes de la radio, le jeune homme de 31 ans, dénonce les sévices qui lui auraient été infligés afin de lui extorquer des aveux, affirmant avoir été sauvagement <« électrocuté »< et <>« frappé »Son témoignage-choc fait le buzz. La thèse du complot policier inonde les réseaux sociaux sans que personne n’enquête sérieusement sur ses dires au point que son identité n’est même pas vérifiée. Europe 1 le désigne comme Adil Lamtaoui, nom qui sera repris en chœur par la presse, ce qui démontre, si nécessaire, à quel point les médias français, chauffés à blanc par des associations qui veulent miner les relations entre Paris et Rabat sur la question du Sahara marocain, peuvent ainsi céder au sensationnalisme.
« J'espère que vous allez m'aider inchallah »
Malgré ce quart d’heure de gloriole médiatique, le soufflé retombe assez vite. Lamtalsi décide alors d’aller plus loin. Il se met lui-même en scène dans la posture d’un détenu tabassé, les yeux bandés, le visage et le torse tâchés de merchurochrome, les bras entravés par une tringle en bois. Les photos sont prises par un co-détenu dans un réduit de la prison de Salé grâce à un smartphone et sont ensuite confiées à sa sœur qui les diffusera par courriel en septembre 2012 à la presse avec le message suivant : <« Ca c'est passé pendant son nterrogatoire en octobre 2008 au centre de la DST à Témara après son arrestation.
J'espère que vous allez m'aider inchallah ».
Amar écrit dans Slate Afrique : <« Jusqu’à son ntervention à la radio, les journalistes qu’il avait contactés s’étaient montrés réticents à faire écho au récit de son supposé calvaire. Son témoignage, consigné dans un manuscrit de plusieurs pages, aussi imprécis qu’incohérent, laissait planer le doute sur la véracité de ses dires ». « Le Maroc est le premier pays d’Afrique du Nord à avoir désigné la torture comme un crime spécifique dans son code pénal. Pourtant, des récits comme ceux de Adil Lamtalsi sont monnaie courante dans les prisons du Maroc, où militants des Droits de l’homme, opposants politiques de tous bords, étudiants de l’ultra-gauche révolutionnaire, séparatistes Sahraouis et islamistes radicaux témoignent régulièrement de sévices qu’il subiraient de la part de leurs geôliers. Et il est souvent difficile de démeler le vrai du faux. »
Quand Moumni dénonçait Lamtalsi…
Un autre témoignage viendra écorner davantage le récit de Lamtalsi. Il émane de Taline Moumni, l’épouse de Zakaria Moumni. Le 21 février 2012, le boxeur qui vient d’être grâcié par le roi donne une conférence de presse dans les locaux de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) à Paris. De quoi donner l’exemple à d’autres apprentis-torturés qui voient en Moumni un modèle à suivre. Des articles paraissent dans la presse faisant conjointement état des cas Moumni et Lamtalsi, provoquant l’ire de Taline Moumni qui s’était fait fort de porter la parole de son sportif de mari dans les médias internationaux. Elle écrit alors à tous ses contacts dans la presse et dans les ONG pour les mettre en garde contre Adil Lamtalsi et sa sœur Ilhame. Dans sa correspondance dont nous avons obtenu copie, elle affirme qu’elle a été harcelée par Ilhame Lamtalsi durant des mois et que Adil Lamtalsi n’est autre qu’un <« affabulateur ».< Elle téoigne dans un courriel daté de mai 2012 <: « Cet homme a raconté en détails son histoire à mon mari, c’est une banale histoire de trafic de drogue, il en était même très fier (…) Il lui a demandé de parler pour lui et de parfumer son histoire en racontant qu’il a été torturé (…) Tout cela est faux ! »Au printemps 2013, Lamtalsi bénéficie d’un transfert en France. De la prison de Villepinte (Seine Saint Denis) ou il purge sa queue de peine, le trafiquant de drogue Adil Lamtalsi dépose plainte contre la DGST.
Benoit Alphand
Pour se faire entendre par les médias étrangers, des franco-marocains condamnés dans des affaires de droit commun jouent la carte de la martyrisation en accusant les autorités marocaines de les avoir torturés. Une affaire de lobbys et de gros sous qui jette un froid entre Rabat et Paris.
François Hollande a bien tenté d’éteindre l’incendie en téléphonant à Mohammed VI pour s’excuser platement. Rien n’y fera. Depuis quelques semaines, la coopération judiciaire entre Paris et Rabat est gelée. En cause, l’insondable bêtise d’une magistrate parisienne qui a décidé d’envoyer le 20 février 2014 une escouade de policiers en armes et cintrés de gilets pare-balles à la residence de l’ambassadeur du Maroc à Neuilly sur-Seine en quête du patron du contre-espionnage marocain. Selon des sources concordantes, celui-çi qui était alors en visite de travail en France ne se trouvait même pas sur les lieux de la descente...
La juge Sophie Kheris, peu soucieuse des usages diplomatiques, soupçonne Abdellatif Hammouchi de « complicité d’actes de torture » sur la base des allégations fantaisistes de Adil Lamtalsi, un trafiquant de drogue franco-marocain notoirement connu des services de police, arrêté en 2008 à Tanger pour avoir tenté d’expédier une tonne et demie de de cannabis en Espagne à bord d’un petit avion de tourisme. Le réseau Lamtalsi dont les ramifications s’étendaient à toute l’Europe a été démantelé à l’occasion de son arrestation.
Accuser le Maroc de torture pour échapper à la justice
De 2008 à 2012, Lamtalsi se fait oublier. A la prison civile de Salé où il est transféré, le détenu ronge son frein. Il cherche comme tous les autres détenus de nationalité française à obtenir son transfert en France où il espère une réduction de peine et où ses relations dans la pègre lui assureront une détention moins spartiate.
Lorsque François Hollande est élu en mai 2012, il croit saisir sa chance. La gauche désormais au pouvoir serait à son sens moins encline à laisser moisir en prison un citoyen français qui clame son innocence du fond des geoles marocaines, forcément terrifiantes. Son idée est simple : pour se faire entendre, Lamtalsi compte rejoindre la cohorte des détenus qui accusent les autorités marocaines de torture. Depuis des années, il les fréquente en prison, des islamistes salafistes à Zakaria Moumni, le champion de light-boxing, lui aussi franco-marocain, dont toute la presse relate la rocambolesque histoire sans vérifier que l’individu est un serial-quémandeur d’agréments de transports (dont il en obtiendra deux et voudra encore un troisième qui lui sera refusé) sans compter ses incessantes suppliques pour des avantages indus de toute sorte, dont un poste de fonctionnaire, alors qu’il se prévaut par ailleurs de sa nationalité française.
Pour Lamtalsi qui mime Moumni, le stratagème commence par être payant. Le long manuscrit de 10 pages qu’il rédige de sa cellule et qu’il fait parvenir à sa famille fait froid dans le dos. Sa sœur Ilhame le diffuse largement aux médias tant en France qu’au Maroc, interpelle la ministre déléguée aux Français de l’étranger, Yamina Benguigui, le maire de Bordeaux Alain Juppé, frappe à la porte des ONG de défense des Droits de l’Homme. Mais les incohérences de son récit, sa propension ridicule à se mettre en scène, les raisons farfelues qu’il invoque pour expliquer son supposé calvaire jettent le doute sur son témoignage cousu de fil blanc.
Il y affirme qu’en tant qu’ancien producteur de cinéma, il serait <« très jalousé au aroc en raison de son succès fulgurant »,
La presse française ne vérifie même pas à qui elle tend le micro
Grâce à des relais dans les milieux hostiles au Maroc en France, Europe 1 se laisse aller à l’interviewer faisant fi des restrictions dues à son incarcération. Une manière d’agir qui ne serait pas passée en France. Mais passons…Sur les ondes de la radio, le jeune homme de 31 ans, dénonce les sévices qui lui auraient été infligés afin de lui extorquer des aveux, affirmant avoir été sauvagement <« électrocuté »< et <>« frappé »Son témoignage-choc fait le buzz. La thèse du complot policier inonde les réseaux sociaux sans que personne n’enquête sérieusement sur ses dires au point que son identité n’est même pas vérifiée. Europe 1 le désigne comme Adil Lamtaoui, nom qui sera repris en chœur par la presse, ce qui démontre, si nécessaire, à quel point les médias français, chauffés à blanc par des associations qui veulent miner les relations entre Paris et Rabat sur la question du Sahara marocain, peuvent ainsi céder au sensationnalisme.
« J'espère que vous allez m'aider inchallah »
Malgré ce quart d’heure de gloriole médiatique, le soufflé retombe assez vite. Lamtalsi décide alors d’aller plus loin. Il se met lui-même en scène dans la posture d’un détenu tabassé, les yeux bandés, le visage et le torse tâchés de merchurochrome, les bras entravés par une tringle en bois. Les photos sont prises par un co-détenu dans un réduit de la prison de Salé grâce à un smartphone et sont ensuite confiées à sa sœur qui les diffusera par courriel en septembre 2012 à la presse avec le message suivant : <« Ca c'est passé pendant son nterrogatoire en octobre 2008 au centre de la DST à Témara après son arrestation.
J'espère que vous allez m'aider inchallah ».
Amar écrit dans Slate Afrique : <« Jusqu’à son ntervention à la radio, les journalistes qu’il avait contactés s’étaient montrés réticents à faire écho au récit de son supposé calvaire. Son témoignage, consigné dans un manuscrit de plusieurs pages, aussi imprécis qu’incohérent, laissait planer le doute sur la véracité de ses dires ». « Le Maroc est le premier pays d’Afrique du Nord à avoir désigné la torture comme un crime spécifique dans son code pénal. Pourtant, des récits comme ceux de Adil Lamtalsi sont monnaie courante dans les prisons du Maroc, où militants des Droits de l’homme, opposants politiques de tous bords, étudiants de l’ultra-gauche révolutionnaire, séparatistes Sahraouis et islamistes radicaux témoignent régulièrement de sévices qu’il subiraient de la part de leurs geôliers. Et il est souvent difficile de démeler le vrai du faux. »
Quand Moumni dénonçait Lamtalsi…
Un autre témoignage viendra écorner davantage le récit de Lamtalsi. Il émane de Taline Moumni, l’épouse de Zakaria Moumni. Le 21 février 2012, le boxeur qui vient d’être grâcié par le roi donne une conférence de presse dans les locaux de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) à Paris. De quoi donner l’exemple à d’autres apprentis-torturés qui voient en Moumni un modèle à suivre. Des articles paraissent dans la presse faisant conjointement état des cas Moumni et Lamtalsi, provoquant l’ire de Taline Moumni qui s’était fait fort de porter la parole de son sportif de mari dans les médias internationaux. Elle écrit alors à tous ses contacts dans la presse et dans les ONG pour les mettre en garde contre Adil Lamtalsi et sa sœur Ilhame. Dans sa correspondance dont nous avons obtenu copie, elle affirme qu’elle a été harcelée par Ilhame Lamtalsi durant des mois et que Adil Lamtalsi n’est autre qu’un <« affabulateur ».< Elle téoigne dans un courriel daté de mai 2012 <: « Cet homme a raconté en détails son histoire à mon mari, c’est une banale histoire de trafic de drogue, il en était même très fier (…) Il lui a demandé de parler pour lui et de parfumer son histoire en racontant qu’il a été torturé (…) Tout cela est faux ! »Au printemps 2013, Lamtalsi bénéficie d’un transfert en France. De la prison de Villepinte (Seine Saint Denis) ou il purge sa queue de peine, le trafiquant de drogue Adil Lamtalsi dépose plainte contre la DGST.