Deux cents officiers turcs accusés de complot

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Gabrielle Danzas | 16.12.2010 | 22:40

Le plan des généraux prévoyait des attentats dans les mosquées afin de justifier une intervention militaire

Le quotidien Sabah annonce en une «un procès historique». Depuis hier, près de deux cents officiers – dont des généraux et des amiraux – sont jugés pour «tentative de renversement du gouvernement». Cette comparution devant un tribunal de la banlieue d’Istanbul constitue un nouvel acte dans la bataille à laquelle se livrent l’armée, gardienne d’une laïcité et d’un nationalisme sourcilleux, et le gouvernement islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002 et bête noire des militaires. Le jugement de 196 hauts gradés illustre à la fois l’affaiblissement du pouvoir de l’armée qui, avec quatre coups d’Etat à son actif, a longtemps dirigé d’une main de fer les affaires politiques turques et la hardiesse grandissante du gouvernement, qui n’hésite plus à affronter directement son adversaire.

Baptisé «Masse du forgeron», le plan aurait été fomenté en 2003, soit quelques mois après l’arrivée au pouvoir des conservateurs musulmans de l’AKP, le Parti de la justice et du développement. Selon le quotidien Taraf, des attentats à la bombe dans les deux plus grandes mosquées d’Istanbul étaient envisagés pendant la prière du vendredi. Des personnalités juives et arméniennes devaient être assassinées dans le pays. Le crash d’un avion de chasse était également prévu pour accuser la Grèce voisine, «ennemi historique». L’objectif final était de plonger le pays dans une atmosphère chaotique et justifier ainsi une reprise en main politique des militaires.

Les accusés récusent avoir eu l’intention de mettre en application «Masse du forgeron». Selon eux, il ne s’agit que du contenu d’un exposé présenté lors d’un séminaire afin de permettre aux participants d’apprendre à réagir à une telle situation. Ils dénoncent des anachronismes dans les documents, suggérant que certains sont des faux. «Tôt ou tard, la justice l’emportera, a déclaré le général Cetin Dogan, suspecté d’être le cerveau de l’affaire, en arrivant au tribunal. Mais plus cela prendra de temps, plus lourdes seront les conséquences pour ceux qui ont fabriqué les accusations».

Avec l’ouverture de ce dernier procès, ce sont désormais près de 400 personnes, dont de nombreux militaires, mais aussi des journalistes ou des hommes d’affaires, qui sont actuellement jugés pour tentatives de coups d’Etat en Turquie. «Masse du forgeron», le plan «Cage» ou l’affaire du réseau «Ergenekon» divisent profondément l’opinion turque, aujourd’hui.
 
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