Deux textes de Wittgenstein sur la nécessité

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Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da quebrada
VIB
Bonjour :timide:

Dans le Tractatus logico-philosophicus, Wittgenstein écrit :

«««
6.37 - Rien ne contraint quelque chose à arriver du fait qu'autre chose soit arrivé. Il n'est de nécessité que logique.

6.375 - De même qu'il n'est de nécessité que logique, de même il n'est d'impossibilité que logique.
»»»

Wittgenstein a-t-il raison?

En disant cela, Wittgenstein se présente comme un anti-Spinoza et un anti-Leibniz, philosophes qui fondaient leur système du monde sur la nécessité.

En fait, la plupart des philosophes de l'ère chrétienne disaient que « Dieu » était un « être néceessaire » (ens a se), c'est-à-dire qu'il existait en vertu de son essence.

Par exemple si on prend une propriété d'un être quelconque, par exemple la langue rugueuse d'un chat, on peut dire qu'un chat a une langue rugueuse en vertu de son essence. Ce qui signifie qu'être un chat implique d'avoir une langue rugueuse. Par contre, on ne pourrait pas dire qu'un chat existe en vertu de son essence. Si c'était le cas, un tel chat aurait existé éternellement et ne pourrait disparaître!!

Donc par exemple, la langue rugueuse est nécessaire pour le chat, mais pas l'existence en soi. Un chat peut exister, mais n'existe pas nécessairement. Dans ce cas, les philosophes disent que ce chat est : contingent. Un être contingent est un être qui pourrait ne pas exister. C'est-à-dire, en termes plus techniques, qu'il n'existe pas en vertu de son essence.

Traditionnellement, les philosophes chrétiens ont dit que l'univers et tout ce qu'il contient étaient contingents, mais que Dieu était l'être nécessaire. Dieu existe donc en vertu de son essence. L'essence de Dieu implique son existence*.

Ce que Wittgenstein paraît affirmer, c'est que rien ne peut prétendre à une telle nécessité, pas même « Dieu ». Tout existerait à titre de faits bruts, sans jamais s'imposer. Au nom de la logique. Ou de l'interprétation de la logique par Wittgenstein.

Hume avait dit : tout ce qu'on peut concevoir existant, on peut aussi concevoir inexistant (je cite de mémoire).

Sartre a aussi dit que le monde est essentiellement contingent sans qu'il y ait aucun être nécessaire derrière. Le monde est donc « absurde » et il nous incomberait de l'accepter.

Cela est bien sûr une position intéressante pour les tenants du libre arbitre. Le déterminisme, négation du libre arbitre, repose sur une forme de nécessité. S'il y a pas cette nécessité, le libre arbitre est plus facile à concevoir. Quoique si nos actes arrivent au hasard, on serait pas plus libres...

Malgré tout, je suis pas convaincu par Wittgenstein. Ce philosophe ne prouve pas sa « thèse ». Je vois pas ce qu'il y a d'absurde à croire en une nécessité « métaphysique ». La plupart des philosophes passés non plus.

Et vous?





* Je ne parle pas ici de l'argument ontologique de saint Anselme.

Ce que Wittgenstein paraît affimer
 
En fait, la plupart des philosophes de l'ère chrétienne disaient que « Dieu » était un « être néceessaire » (ens a se), c'est-à-dire qu'il existait en vertu de son essence.
Je en suis pas sûr d'avoir bien compris mais dit en langage courant cela donnerait : comme on ne sait pas expliquer l'existence du monde autrement que par l'existence d'un Dieu, alors ce Dieu existe
 
Dernière édition:
Je en suis pas sur d'avoir bien compris mais dit en langage courant cela donnerait : comme on ne sait pas expliquer l'existence du monde autrement que par l'existence d'un Dieu, alors ce Dieu existe

Bonjour ;)

C'est vrai, il y a aussi ça, il y a depuis longtemps le débat des « preuves de l'existence de Dieu », notamment comme explication ultime de l'existence de l'univers. Et dans la tête des bons philosophes, c'est pas simplement : on sait pas ce qui a causé le big bang, donc c'est Dieu... Les « preuves » de Dieu sont pas forcément sur le plan de la science. Les créationnistes sont pas représentatifs de la pensée philosophique.

Mais ici, je parlais plus précisément d'êtres qui existent, mais qui auraient pu ne pas exister ou n'ont pas toujours existé : les êtres contingents. Par rapport à un être qui existerait en vertu d'une nécessité intrinsèque, parce que « c'est dans sa nature ». Un tel être doit forcément être éternel.

Selon la philosophie chrétienne, tout ce qui est dans l'univers, les planètes, les étoiles, les atomes, les photons, etc., est contingent, et donc incapable de justifier son existence. Il faut un être nécessaire extérieur, Dieu, pour causer tout cela!
 
Je rajouterai que le seul livre que j'ai lu qui contenait le nom de Wittgenstein est "Le neveu de Wittgenstei" de Thomas Bernard.
Mais demain, parce que là suis un peu fatigué, j'irai lire sur lui :)
 
Je rajouterai que le seul livre que j'ai lu qui contenait le nom de Wittgenstein est "Le neveu de Wittgenstei" de Thomas Bernard.
Mais demain, parce que là suis un peu fatigué, j'irai lire sur lui :)
C'est pas facile de lire Wittgenstein...Passe par les bouquins de Jacques Bouveresse.
Bon pour un "deleuzien", je pense que c'est foutu d'avance :)
 
Bonjour :timide:

Dans le Tractatus logico-philosophicus, Wittgenstein écrit :

«««
6.37 - Rien ne contraint quelque chose à arriver du fait qu'autre chose soit arrivé. Il n'est de nécessité que logique.

6.375 - De même qu'il n'est de nécessité que logique, de même il n'est d'impossibilité que logique.
»»»

Wittgenstein a-t-il raison?

En disant cela, Wittgenstein se présente comme un anti-Spinoza et un anti-Leibniz, philosophes qui fondaient leur système du monde sur la nécessité.

En fait, la plupart des philosophes de l'ère chrétienne disaient que « Dieu » était un « être néceessaire » (ens a se), c'est-à-dire qu'il existait en vertu de son essence.

Par exemple si on prend une propriété d'un être quelconque, par exemple la langue rugueuse d'un chat, on peut dire qu'un chat a une langue rugueuse en vertu de son essence. Ce qui signifie qu'être un chat implique d'avoir une langue rugueuse. Par contre, on ne pourrait pas dire qu'un chat existe en vertu de son essence. Si c'était le cas, un tel chat aurait existé éternellement et ne pourrait disparaître!!

Donc par exemple, la langue rugueuse est nécessaire pour le chat, mais pas l'existence en soi. Un chat peut exister, mais n'existe pas nécessairement. Dans ce cas, les philosophes disent que ce chat est : contingent. Un être contingent est un être qui pourrait ne pas exister. C'est-à-dire, en termes plus techniques, qu'il n'existe pas en vertu de son essence.

Traditionnellement, les philosophes chrétiens ont dit que l'univers et tout ce qu'il contient étaient contingents, mais que Dieu était l'être nécessaire. Dieu existe donc en vertu de son essence. L'essence de Dieu implique son existence*.

Ce que Wittgenstein paraît affirmer, c'est que rien ne peut prétendre à une telle nécessité, pas même « Dieu ». Tout existerait à titre de faits bruts, sans jamais s'imposer. Au nom de la logique. Ou de l'interprétation de la logique par Wittgenstein.

Hume avait dit : tout ce qu'on peut concevoir existant, on peut aussi concevoir inexistant (je cite de mémoire).

Sartre a aussi dit que le monde est essentiellement contingent sans qu'il y ait aucun être nécessaire derrière. Le monde est donc « absurde » et il nous incomberait de l'accepter.

Cela est bien sûr une position intéressante pour les tenants du libre arbitre. Le déterminisme, négation du libre arbitre, repose sur une forme de nécessité. S'il y a pas cette nécessité, le libre arbitre est plus facile à concevoir. Quoique si nos actes arrivent au hasard, on serait pas plus libres...

Malgré tout, je suis pas convaincu par Wittgenstein. Ce philosophe ne prouve pas sa « thèse ». Je vois pas ce qu'il y a d'absurde à croire en une nécessité « métaphysique ». La plupart des philosophes passés non plus.

Et vous?





* Je ne parle pas ici de l'argument ontologique de saint Anselme.

Ce que Wittgenstein paraît affimer
Salut :)
Je suis d'accord avec toi, en parcourant les débats, j'ai vu mentionner que grand noms de la philosophie contemporaine comme Richard Swinburne voit Dieu comme l'ultime fait brute et non comme un être métaphysiquement nécessaire. C'est une grosse rupture avec la philosophie classique.
J'ai aussi l'intuition qu'il doit y avoir obligatoirement quelque chose de nécessaire.
Pour eux il n'y a aucune contradiction si jamais rien n'aurait exister (sauf les lois logiques).
Je sais pas vraiment argumenter contre cette vision :/
 
Salut :)
Je suis d'accord avec toi, en parcourant les débats, j'ai vu mentionner que grand noms de la philosophie contemporaine comme Richard Swinburne voit Dieu comme l'ultime fait brute et non comme un être métaphysiquement nécessaire. C'est une grosse rupture avec la philosophie classique.
J'ai aussi l'intuition qu'il doit y avoir obligatoirement quelque chose de nécessaire.
Pour eux il n'y a aucune contradiction si jamais rien n'aurait exister (sauf les lois logiques).
Je sais pas vraiment argumenter contre cette vision :/

Bonjour ;)

Il y a des athées qui objectent à l'argument cosmologique (la cause première...) que l'univers aurait très bien pu surgir du néant sans cause.

En effet, cela contredit pas les lois de la logique au sens strict. Les tentatives de prouver logiquement un « principe de raison suffisante » ont échoué.

Je dois cependant dire qu'il y a une bonne dose de mauvaise foi dans cette objection.

On juge que cette objection est recevable pour invalider une « preuve de Dieu ».

Mais on penserait jamais sérieusement que des choses peuvent surgir du néant sans cause dans la vie ordinaire. Genre un rhinocéros qui se matérialise dans ma chambre. Ou un micro trou noir dans ma douche.

Jamais on accepterait cette idée comme explication scientifique d'un phénomène. Jamais on accepterait qu'un inspecteur résolve ainsi des scènes de primes.

Mais si c'est pour tenir « Dieu » à l'écart, alors ça passe. :claque:
 
Développe un peu plus svp. ;)

C'est pas facile de lire Wittgenstein...Passe par les bouquins de Jacques Bouveresse.
Bon pour un "deleuzien", je pense que c'est foutu d'avance :)
Salut à vous,
je suis allé relire mes anciennes notes :)
Au fait, @Ebion , ce que deleuze reproche à wittgenstein c'est de limiter la philosophie au domaine du langage. Là où deleuze considère la philo comme créatrice et exploration d'autres domaines tels que la multiplicité, le devenir, etc. Deleuze est le philosophe du concept et du devenir.
 
Encore heureux que ça passe!
Si chaque fois que l'on ne sait rien d'une cause on mettait Dieu derrière comme explication, on n'avancerait pas.
On n'explique pas l'inexplicable par l'encore plus inexplicable.
Justement, wittgeinstein affirmait qu'il fallait taire ce dont on ne connaissait pas.
Mettre dieu derrière l'inconnu, c'est un peu un principe "wittgensteinien", non?
 
Là où deleuze considère la philo comme créatrice et exploration d'autres domaines tels que la multiplicité, le devenir, etc. Deleuze est le philosophe du concept et du devenir.
C'est ce que Bouveresse reproche à Deleuze.
Il y a un chouette article ici sur le sujet:
 
Nous sommes peut être trop petit pour entendre que l'au delà de notre univers il n'y a pas forcément le néant
Comme la bactéries du yaourt dont tu jettes le pot dans la benne à ordure
 
Bonjour ;)

Il y a des athées qui objectent à l'argument cosmologique (la cause première...) que l'univers aurait très bien pu surgir du néant sans cause.

En effet, cela contredit pas les lois de la logique au sens strict. Les tentatives de prouver logiquement un « principe de raison suffisante » ont échoué.

Je dois cependant dire qu'il y a une bonne dose de mauvaise foi dans cette objection.

On juge que cette objection est recevable pour invalider une « preuve de Dieu ».

Mais on penserait jamais sérieusement que des choses peuvent surgir du néant sans cause dans la vie ordinaire. Genre un rhinocéros qui se matérialise dans ma chambre. Ou un micro trou noir dans ma douche.

Jamais on accepterait cette idée comme explication scientifique d'un phénomène. Jamais on accepterait qu'un inspecteur résolve ainsi des scènes de primes.

Mais si c'est pour tenir « Dieu » à l'écart, alors ça passe. :claque:
Cette volonté de nié tout être nécessaire est malin car elle permet d'évacuer de bon argument pour Dieu. Mais comme tu dis c'est pas toujours honnête et ça peut cacher une volonté de mettre Dieu à la touche :/
Mais que pensez de l'avis de certains philosophes comme lui :
 

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Cette volonté de nié tout être nécessaire est malin car elle permet d'évacuer de bon argument pour Dieu. Mais comme tu dis c'est pas toujours honnête et ça peut cacher une volonté de mettre Dieu à la touche :/
Mais que pensez de l'avis de certains philosophes comme lui :

Bonjour ;)


Je comprends pas ce que veut dire Swinburne. :desole:

Je crois vraiment pas qu'un être métaphysiquement nécessaire soit logiquement impossible. C'est pas contradictoire comme un cercle carré...

Et pourtant j'endosse pas l'argument ontologique de saint Anselme et de Descartes!
 
Selon la philosophie chrétienne, tout ce qui est dans l'univers, les planètes, les étoiles, les atomes, les photons, etc., est contingent, et donc incapable de justifier son existence. Il faut un être nécessaire extérieur, Dieu, pour causer tout cela!
Pour la philosophie islamique et juive, la question de la nécessité de dieu est fondamentale. Sans lui, rien ne pourrait s'expliquer voire exister. Dieu se suffit à lui-même mais est nécessaire pour tout le reste.
 
Pour la philosophie islamique et juive, la question de la nécessité de dieu est fondamentale. Sans lui, rien ne pourrait s'expliquer voire exister. Dieu se suffit à lui-même mais est nécessaire pour tout le reste.

Pourtant, c'est librement que Dieu crée le monde.

Les philosophes païens ne voulaient pas le comprendre. Les hindous non plus.

Et il y a pas de concept de Dieu qui s'ennuie pendant une éternité avant de créer. C'est anthropomorphique.
 
Pourtant, c'est librement que Dieu crée le monde.

Les philosophes païens ne voulaient pas le comprendre. Les hindous non plus.

Et il y a pas de concept de Dieu qui s'ennuie pendant une éternité avant de créer. C'est anthropomorphique.
Tu as raison de parler d'anthropomorphisme puisque, comme tu sais, pour de nombreux penseurs lier l'éternité à dieu est un non sens puisque dieu est hors temporalité et du coup, ne peut "percevoir" l'éternité qui ne peut se comprendre que si la notion de temporalité existe en toi. Cette histoire d'éternité n'est que perception humaine.
Par contre, d'autres pourraient dire que non dieu connait le temps, puisqu'il connait tout, il est savant.

Du coup, comme pour beaucoup de concepts, tout dépendra de ton rapport à dieu, à la divinité et au temps. Mais je t'avoue que là je m'aventure dans des terres inconnues et complexes...
 
Pourtant, c'est librement que Dieu crée le monde.

Les philosophes païens ne voulaient pas le comprendre. Les hindous non plus.

Et il y a pas de concept de Dieu qui s'ennuie pendant une éternité avant de créer. C'est anthropomorphique.
Oui, mais il n'empêche qu'il existe 2 états :
Dieu seul
Dieu ET le monde

pourquoi ?
 
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