Dieu est-il une création de nos désirs? Un texte du cardinal Daniélou

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
Bonjour :timide:

Voici un texte du cardinal Daniélou :

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C'est l'amour qui me fait toucher l'indubitable, c'est-à-dire ce qui me résiste, ce dont je ne peux pas disposer, ce à quoi je ne puis refuser le droit d'exister en face de moi et dont je suis forcé de reconnaître la valeur. "Toute licence, sauf contre l'amour", disait Barrès. Et l'amour est en effet la seule chose par quoi je ne puisse refuser d'être limité sans me renier moi-même.

Or ce qui est vrai de l'autre l'est éminemment de Dieu. Dieu est celui qui me résiste. C'est bien par quoi il s'impose à moi. Car si je l'inventais, je le ferais plus accommodant. Mais je reconnais qu'il est à cela même qu'il me dérange, qu'il bouscule mes habitudes de penser et mes volontés d'organiser ma vie à ma guise. Je suis devant ce paradoxe. C'est précisément ce pour quoi je voudrais qu'il n'existe pas qui me force à reconnaître qu'il existe. Il y a trop de complicité en moi à ce qu'il n'existe pas pour quoi mon désir qu'il en soit ainsi ne me soit suspect. J'apprends d'abord à le connaître en essayant vainement de le plier à mes volontés; il m'apprendra ensuite à l'aimer en essayant de plier mes volontés aux siennes.

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Tiré de Jean Daniélou, Scandaleuse vérité, Paris, Fayard, 1961, p. 79.
 

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
Les grands athées comme Marx et Freud disaient que Dieu était une création imaginaire de nos désirs (de justice, d'être protégés, d'être aimés, d'être dédommagés d'une vie de souffrances) face à la cruauté du monde (que ce soit la société, le monde physique ou la réalité inéluctable de la mort).

Donc Dieu serait une tentative de croyants de se réconforter grâce à un « ami imaginaire », tentative qui est jugée immature, voire infantile, par ces athées.

Daniélou renverse les perspectives et affirme qu'en réalité, on désire que « Dieu n'existe pas », et que c'est justement parce que le Dieu de sa révélation contrarie de tels désirs de confort et d'autonomie qu'il s'impose à nous avec toute sa réalité...

Daniélou tient pas assez compte du fait que « Dieu » n'est pas seulement un concept de la vie individuelle (de l'individu tiraillé entre un désir d'être autonome et un désir d'être réconforté), mais aussi un concept de la vie sociale. Anthropologiquement, la croyance en Dieu a servi d'auxiliaire de la police, en agissant (dans une certaine mesure) comme un mécanisme de régulation des comportements, en particulier des comportements de tricherie, qui sont une tentation perpétuelle quand les gens savent qu'ils ne seront pas pincés par les autorités humaines.

Les religions comme le christianisme ont donc proposé l'existence d'un « big brother » qui nous épie en permanence et se dispose à nous punir si on ne se repent pas. Dans le catholicisme, cette régulation du comportement est renforcée par l'obligation de la confession (conditionnelle à l'obtention du « pardon »), de façon que le prêtre est constamment informé des méchancetés et des faiblesses de ses ouailles.

Bien sûr qu'un tel Dieu big brother va contrarier les désirs des individus de faire ce qui leur plaît. C'est précisément cela sa fonction sociale. Cela veut pas dire pour autant qu'il existe réellement...
 
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