Documentaire : Marocains sans filets

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Pauvres parmi les pauvres, les pêcheurs de la région de Dakhla, à la frontière du Maroc et de la Mauritanie, sont rivés à terre et victimes de la concurrence déloyale des gros chalutiers étrangers. Un formidable documentaire de Jawad Rhalib, diffusé à 18h sur Arte, dénonce cette situation révoltante.

Dans El Ejido, la loi du profit, il filmait les travailleurs marocains exploités par l'industrie maraîchère andalouse. Diffusé en France, mais aussi en Espagne et au Maroc, le documentaire de Jawad Rhalib provoqua émoi et indignation. Au point de mobiliser les parlements espagnol et andalou sur le sujet. Un épilogue espéré par le réalisateur belgo-marocain, qui fait des films « pour tirer le signal d'alarme et faire bouger les choses »... Les choses bougeront-elles pour les « damnés de la mer » ? Le film diffusé par Arte ne devrait pas laisser indifférent, tant est révoltante la situation des pêcheurs de la région de Dakhla, à la frontière du Maroc et de la Mauritanie. Chassés du nord par l'épuisement des ressources, ils s'entassent dans un bidonville en espérant tirer parti des eaux parmi les plus poissonneuses du monde. Las, les autorités leur interdisent de prendre la mer, afin de préserver la ressource... tandis qu'à quelques encablures d'énormes chalutiers européens ratissent les fonds, prélevant des montagnes de sardines.

Pour se faire accepter dans cette zone militarisée, Jawad Rhalib possédait une carte maîtresse, la coproduction avec la chaîne marocaine 2M. « Dire que je travaillais pour 2M m'ouvrait des portes. Y compris pour aller filmer sur un navire suédois, puisque son propriétaire était associé à un Marocain. » Car Jawad Rhalib a aussi embarqué à bord d'un chalutier, prenant le temps de gagner la confiance d'un capitaine sans scrupules et de filmer les cuisiniers du bord, au sort bien plus enviable que leurs compatriotes de la côte... mais tout de même exploités par leurs employeurs. Une terrible mise en abyme de la misère. « Il y a plus pauvres que les pauvres, et il y a même plus pauvres que les plus pauvres : les femmes », estime le réalisateur. Ce n'est donc pas un hasard s'il a fait de Ghislane, la mendiante bouleversante de fierté bafouée, son personnage principal. « Je ne rencontrais que des femmes voilées. Et je l'ai vue passer, très belle, très *impressionnante. Elle a accepté d'être filmée en échange d'une promesse : montrer son histoire au monde. »

Depuis le tournage, fin 2007, la situation des damnés de Dakhla ne s'est guère améliorée. Les « petits » sont toujours rivés à terre au nom du « repos biologique » tandis que les « gros » continuent leur pillage. « Avec ses deux façades maritimes, le Maroc a toujours été un grand pays de pêche. Aujour*d'hui, le pays importe du poisson d'Argentine. Un comble ! », s'indigne Jawad Rhalib.

Seul espoir d'inverser la tendance, son film commence à éveiller les consciences. Il a *levé un tabou en Suède, où la franchise du capitaine a surpris – « le sujet est tellement sensible là-bas que tous les reportages sur les chalutiers sont tournés en caméra cachée ». Il a indigné les Finlandais, victimes eux aussi de la razzia des pêcheurs suédois ou russes. En attendant la diffusion la plus attendue, au Maroc, qui devrait avoir lieu en octobre. Pour le réalisateur, « cette programmation par la chaîne 2M montre que la situation poli*tique a changé, que la liberté d'expression a progressé ». Encore une fois, il espère « toucher les décisionnaires et ouvrir le débat ». Le sort des petits pêcheurs dépend en effet d'une poignée de dignitaires qui vendent des licences à prix d'or ou s'associent avec des armateurs étrangers à l'Union européenne (Russes, Ukrainiens, Suédois) pour contourner les quotas imposés par les accords Europe-Maroc. « Ils ne connaissent rien à la pêche et ne pensent pas à l'avenir, seulement à s'enrichir. Quitte à vider l'océan Atlantique et la Méditerranée. » En sacrifiant les damnés de la mer.
 
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