Donald Trump condamné au pénal, un séisme aux conséquences politiques incalculables
L’ancien président américain a été reconnu coupable jeudi à son procès pénal à New York pour des paiements dissimulés à une star de films X, un séisme pour l’ex-président américain en pleine course à la Maison-Blanche.
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L’ancien président américain a été reconnu coupable jeudi à son procès pénal à New York pour des paiements dissimulés à une star de films X, un séisme pour l’ex-président américain en pleine course à la Maison-Blanche
La raison voudrait qu’il y ait un avant et un après 30 mai, comme il y eut un 7 décembre (1941), un 11 novembre (2001) ou un 6 janvier (2021). Le sens de l’histoire, la portée formelle du verdict rendu jeudi, à l’issue d’un haletant final judiciaire, préfigurent une nouvelle ère politique aux Etats-Unis, dont les contours demeurent indécis : les institutions fédérales ressortiront-elles renforcées du bras-de-fer imposé par un tribun populiste, ou ont-elles subi une érosion irrémédiable ?
Donald Trump, 77 ans, candidat républicain à un second mandat présidentiel, a été reconnu coupable des 34 chefs d’accusation retenus contre lui par la justice new-yorkaise : falsification de documents commerciaux pour dissimuler le paiement de 130.000 dollars à une actrice de films X, Stormy Daniels, en vue d’éviter un scandale sexuel juste avant la présidentielle de 2016.
Exposée à l’envi dans les médias qui ont interrompu leurs programmes pour bouleverser leurs actualités, l’évidence qui s’impose restera gravée dans les manuels d’histoire américaine : le prédécesseur de Joe Biden à la Maison Blanche est le premier des 46 chefs de l’Etat depuis George Washington à être inculpé et condamné au pénal. Douze jurés, douze citoyens ordinaires choisis parmi des centaines et selon des critères de représentativité tarabiscotés, ont rendu un verdict unanime après six semaines d’audience et 36 heures de délibérations fiévreuses. Il faudra attendre le 11 juillet pour que le juge Juan Merchan, en charge du dossier, délivre sa sentence. Celle-ci, au regard des faits, pourrait entraîner une détention de quarante mois fermes, bien que peu probable, à en croire les experts, au vu de l’âge vénérable du « criminel » et de son absence de casier judiciaire préalable. Mais elle pourrait s’accompagner d’une amende, liée aux dérapages verbaux répétés en violation d’un « gag order (bâillon) », d’un sursis probatoire ou des travaux d’intérêt général.
L’aboutissement de la procédure, un temp qualifiée de « zombie » tant elle semblait traîner en longueur dans les arcanes de la justice fédérale, puis new-yorkaise, est en soi remarquable : dans cette démocratie malade qu’est la république américaine, avec ses 330 millions d’âmes, son incomparable melting pot et une polarisation extrême de la vie publique, un jury populaire, sans arrières-pensées ni intérêts spéciaux, loin de toute manipulation politique, a brièvement ôté le sourire à Donald Trump, aperçu secouant la tête en signe de dénégation, épaules basses, lors de l’énoncé du verdict. La preuve, si besoin était, que nul n’est au-dessus de la loi, dans une ville célèbre pour sa lutte contre les crimes des « cols blancs ».
Un séisme judiciaire et médiatique
Abreuvé de considérations scabreuses sur les us et coutumes de la presse tabloïd, sur les artifices mis en place par les riches et puissants pour étouffer d’embarrassants scandales sexuels, ils ont étonné les pénalistes et les politologues, mercredi, en délivrant des notes manuscrites au juge Merchan : pouvaient-ils réentendre des portions de témoignage de David Pecker, ancien directeur du tabloïd National Enquirer, et de l’ex-avocat personnel de Trump, Michael Cohen, témoin-clé et, hélas, menteur invétéré ? Pouvaient-ils également se voir répéter les instructions en vue de délibérer ? Pédagogue, le juge Merchan leur avait tenu ce discours : « « Supposons que vous alliez vous coucher un soir où il ne pleut pas et que, lorsque vous vous réveillez le matin, vous regardiez par la fenêtre ; vous ne voyez pas de pluie, mais vous voyez que la rue et le trottoir sont mouillés, que les gens portent des imperméables et des parapluies. Dans ces conditions, il peut être raisonnable de déduire, c’est-à-dire de conclure, qu’il a plu pendant la nuit. En d’autres termes, le fait qu’il ait plu pendant que vous dormiez est une déduction qui peut être tirée des faits avérés de la présence de l’eau dans la rue et sur le trottoir, et des personnes portant des imperméables et des parapluies. »Le message était clair : un ou plusieurs jurés cherchaient à savoir s’il était permis de déduire que Donald Trump était bel et bien au courant de la falsification des comptes de son entreprise, la Trump Organization, ayant signé de sa main quinze chèques à l’intention de Michael Cohen (qui avait avancé la somme convenue à Stormy Daniels) ou qu’il a participé à une rencontre à la Trump Tower où il a été question de payer certaines personnes pour acheter leur silence (procédé dit catch and kill) avant l’élection présidentielle 2016.