"dos de femmes, dos de mulet", un livre de hicham houdaïfa

ould khadija

fédalien
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Le journaliste Hicham Houdaïfa vient de sortir son premier livre, "Dos de femme, dos de mulet".

Ce livre, publié aux éditions "En Toutes Lettres", appartient à la collection "Enquêtes" .

Cet ouvrage traite du mariage dans les régions de l’Atlas.

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L'auteur, Hicham Houdaïfa journaliste de profession, décrit son livre comme "un travail de terrain pour aller à la rencontre de celles et de ceux dont la voix peine à se faire entendre".

Il ajoute que "si je me suis concentré sur le milieu rural, en particulier sur les régions montagneuses de l’Atlas (…), c’est parce que la fragilité des femmes m’y a paru plus marquée, plus terrible qu’ailleurs (..), une fille qui n’est pas mariée à dix-huit ans est encore considérée comme une femme ratée, sans avenir…".

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Ci-dessous un extrait du cinquième chapitre de cet ouvrage intitulé "Les sans-papiers de l’Atlas", chapitre qui s’intéresse à la question du mariage dans les régions montagneuses et enclavées de l’Atlas.

Extrait du livre "Dos de femmes, dos de mulet"


Dans les villages enclavés d’Anfgou, Tisrawline, Anemzi, Aït Marzouy, Tamaloute, Tirghiste, Tighidwine, Agheddou, Aït Mhammed, Aït Abbas ou encore Amezri, la Moudawana, qui donne un cadre au mariage, est une non-réalité.

Au cours des nombreux voyages que j’ai entrepris dans ces villages où la présence de l’État se limite au cheikh du douar, et où une écrasante majorité des enfants ne va pas à l’école, le temps semble s’être arrêté.

Ces régions souffrent de leur enclavement, de l’absence des infrastructures de base, de la pauvreté et de l’analphabétisme.

La condition des femmes y est catastrophique : elles s’occupent de tout, des tâches ménagères, des enfants… Ce sont elles qui vont dans les champs, qui coupent le bois.

Ne dit-on pas dans ces régions, « dos de femme, dos de mulet... » ?


En 2007, j’ai enquêté pour la première fois sur le mariage coutumier dans la région d’Aït Mhammed et Aït Abbas, près d’Azilal.

Depuis, grâce notamment au soutien actif de la Fondation Ytto à travers ses caravanes de sensibilisation, je n’ai cessé de revenir dans les douars de l’Atlas, pour remarquer la persistance de ce phénomène.

En 2010, dans les douars d’Anfgou et de Tamaloute, nous avions constaté, horrifiés, que des petites filles étaient mariées à l’âge de six, sept et huit ans, livrées à leurs beaux parents, le temps de l’apparition de leurs premières règles, pour que le mariage soit consommé.

En 2014, ce type d’union se fait encore, parfois avec la bénédiction des agents de l’autorité, à commencer par le cheikh.

Le mariage coutumier, « par la fatiha » ou ‘orfi, est une atteinte flagrante aux droits des femmes, des hommes et des enfants.

Ces milliers de familles des douars des Haut et Moyen Atlas, qui ne disposent pas d’acte de mariage, donc d’aucun document d’état civil ni de livret de famille, ne sont pas des citoyens à part entière.

Lors des caravanes de sensibilisation qui ont été menées par la Fondation Ytto, les familles affluaient par dizaines, par centaines, cherchant le rsem, le contrat de mariage, afin de sortir de l’illégalité.

Les bénévoles d’Ytto étaient assaillis par des mères de seize ans, dix-sept ans, mariées à douze, treize ans, portant leurs bébés dans leurs bras et voulant avoir enfin une existence juridique pour elles-mêmes, mais surtout pour leurs enfants.

J’ai recueilli de douloureux témoignages.

Ceux de femmes âgées d’une vingtaine d’années, pleurant sur leur sort de femmes mariées à douze ans et abandonnées, quelques mois après la venue du bébé, par le géniteur.

Ceux de fillettes de douze ans qui, après avoir terminé l’école primaire, n’ont pas pu poursuivre leurs études parce qu’elles n’avaient pas d’acte de naissance : « Je veux juste continuer mes études. Sans la reconnaissance de mon père, je n’ai aucun avenir », m’avait lancé cette fillette d’Anfgou.

Ou encore, les témoignages de ces femmes mariées à la coutumière à trois hommes, ayant des enfants des trois mariages.

Et ces autres, de gens adultes dont les parents sont aujourd’hui décédés, qui doivent d’abord établir un acte de mariage pour leurs défunts parents avant de prétendre, eux, à une existence légale.

Un véritable casse-tête… »





Source
http://www.h24info.ma/maroc/culture...age-des-mineures-vu-par-hicham-houdaifa/30893
 
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