« Elle devra me su** pendant quatre mois pour être validée » : harcèlement à Coallia, une sanction minimale malgré les alertes

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Depuis l’automne 2023, Nora*, en poste depuis six ans chez Coallia, un opérateur associatif spécialisé dans l’hébergement d’urgence, a dû faire face à des faits de harcèlement répétés de la part de son supérieur hiérarchique. Cette situation l’a poussée à quitter l’entreprise, malgré son profond attachement aux valeurs de l’organisation.

Aujourd’hui, elle préfère garder le silence. Cependant, nous avons obtenu un courriel qu’elle a adressé le 17 avril 2024 à 186 salariés, dont des dirigeants et syndicalistes. Ce message révèle en détail les brimades qu’elle a endurées, corroborées par plusieurs témoignages d’anciens collègues.

Le calvaire de Nora a débuté en octobre 2023, lorsque Nordine D. est devenu son supérieur. « À son arrivée, tout son service a démissionné », raconte Sylvie K., une ancienne collègue. En avril 2024, après une mise à pied de cinq jours, Nordine D. a retrouvé son poste, ce qui a poussé Nora à envoyer son courriel pour dénoncer les faits.

Depuis décembre 2023, Nora avait déjà signalé des comportements graves, citant harcèlement moral, propos sexistes, et même une agression physique.

Harcèlement et humiliations quotidiennes​

Sylvie K. témoigne qu’en octobre 2023, Nordine D. avait ordonné à Nora de remplir les distributeurs de savon et de papier toilette, des tâches totalement hors de son cadre professionnel, avant de lui lancer : « Tu n’es personne, le DG ne te connaît même pas. Si je veux, tu dégages. »

Elle évoque aussi une agression physique, où Nordine D. s’est appuyé de tout son poids sur Nora, la paralysant de peur. Il l’accablait de missions absurdes ou la forçait à refaire des travaux déjà accomplis, tout en proférant des remarques dégradantes sur son physique.

Nordine D. se permettait également des commentaires sexistes. Dans son courriel, Nora rapporte qu’il se vantait d’avoir recruté une nouvelle employée qui « devra me sucer (sic) pendant quatre mois pour être validée ». Ces propos ont été tenus devant plusieurs témoins.

Ghislaine R., ancienne directrice adjointe de Coallia, se souvient d’un incident survenu le 28 novembre 2023. Nordine D. avait fait irruption dans leur bureau, tiré Nora par les cheveux avant de cracher au sol. D’autres ex-salariés évoquent des propos grossiers tenus par Nordine D. lors d’un congrès, où il aurait insinué qu’une salariée « devait voir une bite (sic) pour se décoincer ».

Une gestion sous le feu des critiques​

Malgré les nombreux témoignages et les signalements répétés de Nora, la direction de Coallia n’a pris qu’une mesure de mise à pied temporaire à l’encontre de Nordine D., qui a réintégré son poste après cinq jours. Pourtant, un rapport du cabinet Clifford que nous avons pu consulter recommandait son licenciement immédiat.

Les syndicats, révoltés par cette réponse a minima, ont demandé la tenue d’un CSE extraordinaire en avril 2024, pour dénoncer l’impunité dont bénéficie Nordine D. « C’est incroyable qu’il puisse rester en poste. Pour beaucoup moins que ça, n’importe quel salarié aurait été licencié sur-le-champ », s’insurge Frédéric De Gaillande, de Force Ouvrière (FO). Pour lui, la direction maintient Nordine D. en raison de son rôle dans la réorganisation du service.

D’après plusieurs salariés ayant souhaité rester anonymes, Alice Brassens, directrice adjointe de Coallia, se serait opposée au licenciement de Nordine D., malgré l’avis favorable du directeur général Arnaud Richard pour son départ. Brassens aurait même orchestré secrètement un comité de soutien en faveur de Nordine D. Sur tous ces points, ni Nordine D., ni Alice Brassens, ni Arnaud Richard n’ont accepté de répondre à nos questions.

Dans une réponse laconique, la direction de Coallia affirme simplement que « cette situation a été gérée avec la plus grande vigilance au sein de l’association ». Elle précise avoir pris « des mesures de protection », diligenté une enquête via « un tiers de confiance », et sanctionné en conséquence. La direction assure être entrée « dans une nouvelle phase, celle de l’accompagnement des équipes, avec l’espoir de retrouver une sérénité professionnelle. »
 
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