Le débat sur la pertinence du paradigme colonial pour la compréhension de l’histoire du sionisme et, par conséquent, de l’État d’Israël est ancien. Si la question a été soulevée depuis longtemps par les Palestinien·nes, elle était déjà discutée dès les origines du mouvement sioniste comme en témoigne une série de lettres de 1907.
Un texte qui est souvent cité dans le débat sur la pertinence du prisme colonial pour comprendre le sionisme est l’article programmatique « Mur de fer » de Zeev Jabotinsky dont la parution, en 1923, marque la fondation du courant dit révisionniste. La thèse principale est que le sionisme doit assumer des pratiques violentes à l’égard de la population arabe de Palestine. Jabotinsky tire la nécessité de la violence du fait qu’il s’agit d’un projet colonial cherchant à établir une souveraineté juive en Palestine au détriment de la population autochtone. Celle-ci, poursuit-il, ne peut que s’opposer largement à ce projet, à l’instar de toute population autochtone. Ce texte s’inscrit en faux contre les organes officiels du mouvement, qui cherchaient à nier ou à masquer cette dimension coloniale et violente.
Ce n’était pas la première fois que la question était discutée au sein du mouvement. Seize ans plus tôt, en 1907, une lettre est publiée dans l’hebdomadaire hébreu Ha-Olam (« Le Monde »), le journal officiel de l’Organisation sioniste mondiale (OSM), qui montre que le potentiel violent du sionisme était déjà débattu à l’époque. C’est trois ans après la mort de Teodor Herzl en 1904, dix ans après le premier Congrès sioniste à Bâle, et presque trente ans après le début de l’immigration sioniste en Palestine (la « première alya », de 1881 à 1903) et la fondation des premières colonies agricoles juives de Petah Tikva et Guey Oni. C’est la période qui suit le rejet du « plan Ouganda » par le mouvement sioniste et la réaffirmation du focus sur la Palestine.
Le projet colonial évolue et se précise. En 1908 est fondée à Londres la société Palestine Land Development Company (PLDC), dont le nom hébreu Hakhsharat Ha-Yishouv signifie littéralement « la préparation du peuplement ». Elle est dirigée par Arthur Ruppin, un sociologue formé en Allemagne, qui introduit les principes de l’organisation moderne du travail et de la méthode statistique. Comme l’a montré le chercheur israélien Etan Bloom, Ruppin inscrit le souci démographique, c’est-à-dire le besoin du mouvement sioniste d’établir une majorité juive en Palestine, dans un dispositif raciste, inspiré de l’eugénisme allemand de l’époque1. Cela se reflète non seulement vis-à-vis des Arabes palestinien·nes, mais aussi à l’égard des juif·ives immigré·es du Yémen dans les années 1920 que l’on fait venir pour servir de main-d’œuvre bon marché. L’objectif déclaré de la société dirigée par Rupin est d’aider les nouvelles et nouveaux immigrant·es juif·ives, provenant notamment d’Europe orientale, à s’établir comme paysan·nes en Palestine. La société achète des terres et y établit des fermes. Par ailleurs, à cette même époque, on envisage d’autres formes de peuplement que la colonisation rurale, avec la planification d’Ahuzat Bayit, officiellement fondé en 1909 et devenu le premier quartier de Tel-Aviv..................
Un texte qui est souvent cité dans le débat sur la pertinence du prisme colonial pour comprendre le sionisme est l’article programmatique « Mur de fer » de Zeev Jabotinsky dont la parution, en 1923, marque la fondation du courant dit révisionniste. La thèse principale est que le sionisme doit assumer des pratiques violentes à l’égard de la population arabe de Palestine. Jabotinsky tire la nécessité de la violence du fait qu’il s’agit d’un projet colonial cherchant à établir une souveraineté juive en Palestine au détriment de la population autochtone. Celle-ci, poursuit-il, ne peut que s’opposer largement à ce projet, à l’instar de toute population autochtone. Ce texte s’inscrit en faux contre les organes officiels du mouvement, qui cherchaient à nier ou à masquer cette dimension coloniale et violente.
Ce n’était pas la première fois que la question était discutée au sein du mouvement. Seize ans plus tôt, en 1907, une lettre est publiée dans l’hebdomadaire hébreu Ha-Olam (« Le Monde »), le journal officiel de l’Organisation sioniste mondiale (OSM), qui montre que le potentiel violent du sionisme était déjà débattu à l’époque. C’est trois ans après la mort de Teodor Herzl en 1904, dix ans après le premier Congrès sioniste à Bâle, et presque trente ans après le début de l’immigration sioniste en Palestine (la « première alya », de 1881 à 1903) et la fondation des premières colonies agricoles juives de Petah Tikva et Guey Oni. C’est la période qui suit le rejet du « plan Ouganda » par le mouvement sioniste et la réaffirmation du focus sur la Palestine.
La deuxième génération de colons
C’est aussi la deuxième génération du mouvement sioniste, façonnée par les pogroms de l’Empire russe, ainsi que par les réactions internationales et les manifestations de soutien aux juif·ives. Leur sionisme se construit en dialogue avec d’autres courants politiques, notamment socialistes et révolutionnaires, qui attirent les jeunes juif·ives. Cette nouvelle génération assume la rupture avec la religion, dont le discours et les pratiques sont désormais considérés comme obsolètes, notamment parce qu’ils prolongent l’état d’exil, tandis que les sionistes cherchent plus ouvertement à établir la souveraineté nationale. Ce sionisme de la « deuxième alya » (1903-1914) présente une composante plus militante que la « première alya » et plus ouverte à la violence, comme l’indique, entre autres, la fondation de l’organisation Ha-Shomer, « le gardien » en hébreu.Le projet colonial évolue et se précise. En 1908 est fondée à Londres la société Palestine Land Development Company (PLDC), dont le nom hébreu Hakhsharat Ha-Yishouv signifie littéralement « la préparation du peuplement ». Elle est dirigée par Arthur Ruppin, un sociologue formé en Allemagne, qui introduit les principes de l’organisation moderne du travail et de la méthode statistique. Comme l’a montré le chercheur israélien Etan Bloom, Ruppin inscrit le souci démographique, c’est-à-dire le besoin du mouvement sioniste d’établir une majorité juive en Palestine, dans un dispositif raciste, inspiré de l’eugénisme allemand de l’époque1. Cela se reflète non seulement vis-à-vis des Arabes palestinien·nes, mais aussi à l’égard des juif·ives immigré·es du Yémen dans les années 1920 que l’on fait venir pour servir de main-d’œuvre bon marché. L’objectif déclaré de la société dirigée par Rupin est d’aider les nouvelles et nouveaux immigrant·es juif·ives, provenant notamment d’Europe orientale, à s’établir comme paysan·nes en Palestine. La société achète des terres et y établit des fermes. Par ailleurs, à cette même époque, on envisage d’autres formes de peuplement que la colonisation rurale, avec la planification d’Ahuzat Bayit, officiellement fondé en 1909 et devenu le premier quartier de Tel-Aviv..................
En 1907 déjà, le spectre d’un génocide en Palestine
Le débat sur la pertinence du paradigme colonial pour la compréhension de l’histoire du sionisme et, par conséquent, de l’État d’Israël est ancien. Si la (…)
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