Comment le régime iranien utilise le viol pour réprimer les femmes qui manifestent
Alice Bordaçarre, responsable du bureau Droits des femmes pour la Fédération internationale pour les droits humains, dénonce l’utilisation récurrente du viol dans l’histoire de l’Iran. Une pratique amplifiée par les récentes manifestations.
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IRAN - « Jin, Jiyan, Azadi » en kurde, « Zan, Zendegi, Azadi » en persan, « Femmes, vie, liberté » en français. C’est en raison de ces revendications aux aspirations démocratiques et pacifistes que depuis septembre, des milliers de femmes iraniennes subissent la violente répression du régime de Téhéran.
Une enquête sur la répression sanglante dans le pays a d’ailleurs finalement été autorisée ce jeudi 24 novembre par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la veille de la journée internationale de l’éradication des violences faites aux femmes, mais sans accord préalable de Téhéran qui reste muet sur le sujet. Le but de cette enquête est de récolter un maximum de preuves sur place et ainsi poursuivre les éventuels responsables.
Agressions sexuelles et viols à l’encontre de celles et ceux qui osent afficher leur hostilité au régime sont désormais monnaie courante en Iran, une manière d’instiguer la peur et la terreur chez les manifestants les plus sonores, et plus particulièrement les femmes, à l’origine des premières vagues de contestations en septembre. Alors qu’un récit glaçant de CNN témoigne de l’utilisation quasi-systématique du viol sur les femmes arrêtées et enfermées par le pouvoir iranien, Alice Bordaçarre, responsable du bureau Droits des femmes pour la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) revient sur l’utilisation de cette pratique dans le contexte actuel de l’Iran.
Le recours au viol semble de plus en plus systémique en Iran. Comment expliquer l’amplification de l’utilisation de cette « arme » contre les manifestants ?
Il est démontré que les autorités iraniennes utilisent le viol pour réprimer les manifestations et pour semer la terreur auprès des personnes qui participent au mouvement actuel, en particulier des femmes, même si des cas de viol de jeunes hommes ont aussi été dénoncés. Dans les années 80 et après le soulèvement qui a suivi la réélection d’Ahmadinejad en 2009, de nombreux cas de viols avaient déjà été dénoncés. Il s’agit donc d’une stratégie malheureusement récurrente des forces de sécurité en Iran.
En ce sens on peut en effet parler d’une « arme » des autorités. Le viol ne peut être considéré comme accidentel et isolé. C’est un outil stratégique utilisé pour humilier, dominer, intimider, détruire les individus et des communautés. Il vise ici à terroriser pour briser la révolution en faisant craindre aux femmes et aux hommes qui participent au mouvement de lutte de subir des violences sexuelles en cas d’arrestation. Cette logique de terreur peut être rapprochée des actes commis par des soldats russes sur la population ukrainienne, à la différence près que l’Iran n’est pas un pays en guerre.
Comment faites-vous pour documenter ces exactions ?
Nous avons trois organisations membres en Iran qui nous tiennent informés de la situation. Habituellement, nous mettons en place des équipes internationales qui font des missions d’enquête en suivant une méthodologie interne dédiée à la question des VSBG (Violences sexuelles et basées sur le genre) car des risques spécifiques de retraumatisation des victimes existent. Il faut aussi faire particulièrement attention à la formation des enquêteurs et enquêtrices, mais il est impossible de se rendre en Iran actuellement et nous ne pouvons pas trop détailler comment nous sommes informé.es de la situation pour des raisons de sécurité.