En Tunisie, le meurtre crapuleux d’une jeune femme ravive le débat sur la peine de mort

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion Drapo03
  • Date de début Date de début
C’est le fait divers de trop. Vendredi 25 septembre, le corps de Rahma Lahmar, 29 ans, a été retrouvé dans un fossé à Aïn Zaghouan, dans la banlieue de Tunis, quatre jours après que sa famille a signalé sa disparition alors qu’elle rentrait du travail. Dans les jours qui ont suivi, des photos de la jeune femme ont circulé sur les réseaux sociaux, déchaînant un flot de commentaires appelant à l’exécution du meurtrier présumé.

Ce dernier, parce qu’il avait conservé le portable de la victime, a été rapidement arrêté avant de passer aux aveux. Selon les enquêteurs, l’homme avait déjà été condamné deux fois pour tentative de meurtre et vol. Des antécédents judiciaires qui ont attisé la colère des partisans de la peine de mort. Une dizaine d’entre eux s’est dirigée, samedi, vers le palais de Carthage, siège de la présidence de la République, pour interpeller chef de l’Etat, Kaïs Saïed.

Alors que l’enquête est toujours en cours, le président a réagi, rappelant qu’il était favorable à la peine capitale dans ce cas de figure. « Nous fournirons [à l’accusé] toutes les conditions de légitime défense, mais s’il est prouvé qu’il a tué une ou plusieurs personnes, je ne pense pas que la solution soit (…) de ne pas appliquer la peine de mort », a-t-il déclaré, ajoutant que « chaque société peut faire son choix et le texte est clair dans le cas tunisien », puisque le Code pénal et la loi antiterroriste prévoient des condamnations à mort.

Pas de grâce présidentielle
Si Kaïs Saïed n’a jamais fait mystère de sa position sur la question, sa déclaration a enflammé le débat dans un pays déjà tendu par la crise économique et sociale et la recrudescence des cas de coronavirus. La même semaine que la mort de Rahma Lahmar, des habitants de la ville de Haffouz, à quarante kilomètres de Kairouan, avaient déjà manifesté pour demander la peine de mort après le meurtre d’une femme de 24 ans, Haifa Dhaflaoui, par une de ses connaissances pour un différend financier.

« Le président n’a pas voulu intervenir dans le travail du juge, mais au niveau de sa propre prérogative, c’est-à-dire qu’il ne graciera pas le tueur (présumé) si celui-ci est condamné à mort », a tenu à préciser Rachida Ennaifer, chargée de communication auprès du chef de l’Etat, interrogée par Le Monde Afrique.

La famille de Rahma Lahmar réclame, elle, que le coupable soit exécuté, le père de la jeune femme menaçant de se tuer s’il n’obtenait pas gain de cause. Une position abondamment relayée dans des émissions télévisées très regardées et défendue par des chroniqueurs, des journalistes ou des syndicats de policiers. Une manifestation est prévue samedi à Tunis, en faveur de la peine capitale.

« Nous avons toujours voulu qu’il y ait un débat national sur la peine de mort, mais pas de cette façon, déplore Chokri Latif, président de la Coalition tunisienne contre la peine de mort. Actuellement, la discussion est instrumentalisée de façon politique, avec une campagne de désinformation et de diabolisation des militants démocrates. »

En 2012, une étude collective sur les couloirs de la mort avait donné lieu à un livre, Le Syndrome de Siliana, basé sur des entretiens avec 32 condamnés sur les 134 que comptaient les prisons tunisiennes à l’époque. L’ouvrage soulignait que la plupart des condamnés à la peine capitale venaient de régions défavorisées de la Tunisie et n’avaient souvent pas eu le droit à un procès équitable. En témoigne le cas emblématique de Maher Manai, victime d’une erreur judiciaire en 2004 et toujours incarcéré.

 
Retour
Haut