En Tunisie, une jeunesse désœuvrée et de plus en plus radicalisée

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C'est une séquence d'une minute et treize secondes, qui aura convaincu la Tunisie d'ouvrir une enquête après l'attentat perpétré dans la basilique Notre-Dame-de-Nice, le 29 octobre, par un de ses ressortissants, Brahim A., âgé de 21 ans. Dans cette vidéo de mauvaise qualité, filmée au téléphone et que Le Parisien a pu consulter, un homme revendique, à visage découvert, l'attaque au couteau qui a fait trois morts, au nom du groupe « Al Mahdi dans le Sud tunisien », condamnant les « provocations de la France et d'Emmanuel Macron contre l'Islam ».

Alors que trois hommes sont actuellement en garde à vue en France, pour avoir été en contact avec le suspect, toujours hospitalisé à la suite de son interpellation sur le lieu des faits, les investigations visent à déterminer s'il a pu bénéficier de complicités. Ou même si l'opération a été planifiée, commanditée. D'après Mohsen Dali, porte-parole du Tribunal de première instance de Tunis, le suspect a fait la traversée clandestine vers Lampedusa le 17 septembre dernier, et ne serait arrivé sur le territoire français que fin octobre, avant de se diriger vers Nice. Une chronologie très serrée, qui laisse penser à une préméditation.

Interrogée par la télévision tunisienne, la mère du terroriste présumé, qui vit dans une banlieue populaire de Sfax, assure qu'il n'était pas radicalisé. Le jeune homme vivait de revente d'essence de contrebande, consommait de l'alcool et de la drogue. Pourtant, d'après une source proche du parquet à Tunis, il aurait fréquenté, avec des jeunes hommes de son entourage, des manifestations des islamistes Ansar El Charia, quand le groupe était légal et actif à Kairouan, entre 2012 et 2013, et que la famille y vivait.

« C'est le djihad du pauvre »
A l'instar de toute cette génération, les petits frères des révolutionnaires qui ont fait les barricades de 2011, il a donc baigné dans un discours radical, mêlant religion et revendications de droits pour la jeunesse tunisienne oubliée. Tandis que les conditions économiques ne connaissent guère d'amélioration pour une majorité de la population, les promesses non tenues de la révolution ont favorisé l'émergence d'un autre type de fondamentalisme, pour qui le parti islamiste Ennahdha est désormais trop modéré, mais avec de moins en moins de soubassements idéologiques.

« C'est le djihad du pauvre », commente une autre source proche du ministère de l'Intérieur tunisien, d'après laquelle Brahim A. a été capté par des caméras de surveillance, juste avant les faits dans un état d'agitation, peut-être sous l'emprise d'une substance. « On pense qu'il a pu être récupéré en Italie, à Lampedusa ou Bari, en échange d'une contrepartie, une promesse de prise en charge de sa famille, par exemple. »

Cette hypothèse confirmerait les soupçons de revendication opportuniste : le groupe Al Mahdi était, jusqu'alors, inconnu des services tunisiens ; Mohsen Dali a précisé que l'enquête devrait d'abord vérifier son existence même. Dans un contexte politique où le parti d'extrême droite Al Karama (possédant 18 députés sur 217 depuis les élections de 2019) semble prospérer sur le désarroi populaire, avec un discours violemment anti-France et d'inspiration salafiste, une telle diffusion sur les réseaux sociaux aurait d'abord pour fonction de tendre le débat en Tunisie. Et cela à quelques mois du 10e anniversaire de la révolution, que les démocrates espèrent bien prendre à leur compte.
 
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