Enquête sur le pillage des objets d’art

harissagirl

Quidquid latine dictum sit, altum sonatur
VIB
Dès la prise de Bagdad par les forces américaines, le 9 avril 2003, pillages et incendies ont succédé aux bombardements. Le 10 avril, le Musée archéologique de Bagdad, témoin de la culture millénaire de l’Irak, était mis à sac, peu avant les incendies de la bibliothèque et des archives nationales. Sur les 170 000 pièces répertoriées avant la guerre, 14 000 auraient été volées ; 4 000 auraient été récupérées ou restituées. Le 16 avril 2003, M. Jacques Chirac qualifiait ce pillage et celui du Musée de Mossoul de « crime contre l’humanité (1) ».Il mettait ainsi de son côté les pays spoliés de leur patrimoine culturel. Gardait-il en mémoire deux autres affaires de pillage d’objets d’art, certes minimes comparées à la mise à sac des musées irakiens, mais dans lesquelles il avait été mis en cause ?

Le rôle trouble des grands collectionneurs
Partout, les pilleurs locaux fouillent puis vendent les objets à des antiquaires du pays, qui se chargent de les exporter. Au gré des marchands d’art et des collectionneurs, ces objets changent de pays, participent à des expositions, acquièrent ainsi un « pedigree » avant que l’Icom et l’Unesco puissent réagir. Les prix sont multipliés par dix, cent ou mille.

En Irak, dès 1991, plus de 4 000 objets archéologiques ont été volés dans les musées. En 2001, John Russel, archéologue du Massachusetts College of Art de Boston, parlait du « sac définitif de Ninive » après le démantèlement de nombreux bas-reliefs du palais de Sennachéribi (6). Mais le pire était à venir, comme le pressentait début 2003 l’archéologue irakien Donny Georges : « En cas d’offensive américaine, le pillage des sites sera infiniment plus puissant qu’en 1991. (...) Les pilleurs ont eu le temps d’organiser leur trafic et de se créer une clientèle internationale. Ils sont puissants et armés (7). »

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En juillet 2003, l’archéologue et journaliste Joanne Farchakh constatait : « Jokha, la prestigieuse cité sumérienne d’Oumma, déterrée il y a juste quatre ans, ressemble à un champ de bataille (8). » Selon l’archéologue américain McGuire Gibson, la plupart des sites du sud de l’Irak continuent de connaître de tels pillages. Au nord, les soldats américains protègent désormais officiellement les lieux, mais après que les pilleurs se furent servis sur les bas-reliefs d’Hatra et de Nimroud et eurent fini de détruire ceux de Ninive.
 
L’American Council for Cultural Policy (ACCP), constitué par les plus grands collectionneurs américains, aurait-il joué un rôle dans la passivité des troupes américaines ? Certains de ses membres, qui ont rencontré de hauts responsables du Pentagone et du département d’Etat le 24 janvier 2003, quelques jours avant le début de l’invasion, auraient-ils négocié un assouplissement des lois protégeant l’exportation des antiquités irakiennes ? Fort heureusement, le 22 mai suivant, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté une résolution exceptionnelle qui impose à tous les Etats de restituer les objets volés en Irak depuis 1990 et d’en interdire le commerce. Jusque-là, la communauté internationale n’avait jamais réussi à s’unir pour lutter contre ces pratiques.

Depuis 1954, l’Unesco propose la convention de La Haye, applicable en cas de conflit armé. Un protocole supplémentaire interdit l’exportation des biens culturels d’un territoire occupé et exige leur restitution. A ce jour, cent cinq Etats ont ratifié ces textes (9). Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ne les ont toujours pas rejoints.

l article en entier
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/01/BAQUE/11810
 
La bibliothèque de Bagdad renaît, mais des pans de l'Histoire manquent

La Bibliothèque et les Archives nationales de l'Irak renaissent après les pillages massifs de 2003, mais des pans entiers de l'Histoire, de la période ottomane au régime de Saddam Hussein, ont disparu ou sont conservés aux Etats-Unis, regrette le directeur de l'institution.

Après l'invasion américaine de 2003, "nous avons perdu 60% de nos collections, la quasi-totalité de nos cartes et photos... et 90% de nos livres rares. Mais maintenant, les choses se replacent, nous sommes dans une bien meilleure situation que nous ne l'étions sous Saddam Hussein", explique Saad Eskander, lors d'un entretien avec l'AFP à Montréal.

Le directeur de la Bibliothèque et des archives irakiennes se trouvait cette semaine dans la métropole québécoise pour le congrès annuel de l'Association des études sur le Moyen-Orient (MESA), qui accueille un millier de chercheurs cette année.

En avril 2003, à la suite de la chute du régime de Saddam Hussein, les bâtiments de la bibliothèque et des archives irakiennes avaient été pris d'assaut par des pilleurs et un autre lieu de stockage des archives avait été inondé.

Les archives de la plupart des ministères de l'époque ottomane irakienne (1638-1918), du mandat britannique (1920-32), de la monarchie hachémite (1932-1958), et de la République arabe (1958 à 2003) étaient conservées dans ces bâtiments.

L'équipe de M. Eskander a depuis rénové l'immeuble de la Bibliothèque nationale, mis sur pied un service de conservation des documents restants, et commencé - avec l'aide de spécialistes en République Tchèque et en Italie - à restaurer des documents endommagés.

Mais si le centre des archives de Bagdad renaît progressivement sous l'impulsion de M. Eskander, le reste des archives irakiennes demeure dans un piteux état, estiment des spécialistes.

"La situation aujourd'hui est pire qu'avant 2003 en raison de la vague de vols, mais aussi parce que la plupart des institutions responsables des archives ont été détruites, à l'exception de la Bibliothèque et des Archives sous la direction de M. Eskander", estime Nabil al-Tikriti.

Ce jeune professeur à l'Université Mary Washington avait recensé des collections perdues peu après la chute de Saddam Hussein en avril 2003.

"Plusieurs documents étaient dans un bon état avant 2003, mais soyons honnêtes, ils n'étaient pas disponibles", dit-il, en référence à la censure et au contrôle de l'information sous Saddam Hussein.
 
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont aussi pioché dans les 1.001 trésors d'information dont regorgeaient la Bibliothèque et les Archives irakiennes, notamment les documents sur la communauté juive de Bagdad - importante avant la création de l'État d'Israël en 1948, souligne M. al-Tikriti.

"Les Américains et les Britanniques ont (aussi) la plus grande partie des archives de l'ancien régime et c'est pourquoi je tente de faire pression sur les autorités américaines pour rapatrier ces documents. Nous réclamons leur retour à Bagdad", dit M. Eskander.

"Ces documents vont nous permettre de comprendre comment Saddam Hussein et ses fiers-à-bras ont dominé, contrôlé la société, comment les Irakiens eux-mêmes ont changé - dans leurs comportements, leurs relations sociales - sous ce régime totalitaire", soutient-il.

Mais même si les Irakiens avaient accès à ces documents, peu de chercheurs locaux seraient en mesure de les décortiquer puisque la recherche universitaire a été handicapée sous Saddam Hussein.

"Il y a très peu de vrais chercheurs en sciences sociales en Irak... La recherche c'est quelque chose de nouveau. Ça prendra peut-être une génération", pense l'anthropologue irakien Hisham Dawod.

"Nous planifions pour la jeune génération", dit M. Eskander qui souhaite mettre en ligne les archives lorsque celles-ci seront disponibles et restaurées.
http://afp.google.com/article/ALeqM5gS6mYksoxk_VqJv6RlVcYv6hQVqQ
 
Ce qu'ils avaient vu de l'invasion, de ces incendies, de ces pillages, de ces meurtres, les avait profondément écoeurés ...

Citations de Jules Verne

Kama toudino toudan
 
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