Brahim Bousmene : « comme si le fait de parler de la berbérité pouvait porter atteinte à lintégrité nationale »
Nous avons appris la libération de plusieurs personnes interpellées à Taghjijt. Pour bien comprendre les enjeux de cette répression contre ces étudiants berbérophones marocains nous mettons en ligne un entretien que nous avons eu avec Brahim Bousmene, lui-même originaire de Taghjijt et sympathisant de lorganisation Tamaynut France.
Cette interview a été réalisée lors du rassemblement du 31 janvier à Paris faveur des personnes arrêtées pour avoir été liées de près ou de loin à une manifestation étudiante le 1er décembre au sud du Maroc. Depuis cette date, quatre personnes ont été remises en libertés (les trois étudiants ainsi que le blogueur emprisonnés)
Rezki.net : Combien de personnes sont détenues actuellement ?
Brahim Bousmene : Il y a six personnes de Taghjijt, la sixième est le président de Tamaynut Taghjijt, qui est également membre de Tamaynut Maroc. Laffaire a démarré le 1er décembre, par une manifestation pacifique, toute la journée, devant la mairie de Taghjijt. Des étudiants étaient venus demander le remboursement de leur frais de transport. Il faut expliquer que nous à Taghjijt, nous dépendons de la province de Guelmim et que cette province fait elle-même partie du Sahara Occidental. Les étudiants du Sahara se font rembourser six aller-retour vers Agadir, où se trouve la fac la plus proche. Ceux de Taghjijt, cest différent, on leur rembourse uniquement leur trajet vers Guelmim, mais de Guelmim à Taghjijt, cest à leur charge. Donc, pourquoi payer de sa poche quand lEtat rembourse tout à dautres ? Cest ce qui a déclenché la manifestation. Ils demandent également des bourses pour les étudiants non boursiers, mais aussi quon les aide pour la rédaction de leur mémoire.
Est-ce quils demandent aussi des structures pour le désenclavement de leur ville ?
Non, car ce sont des étudiants, ils demandent uniquement des choses qui les concernent directement.
Que sest-il passé pendant cette manifestation ?
Au lieu de répondre à leurs revendications, le wali (léquivalent du préfet), à la demande du caïd (le représentant de lEtat dans le village) leur a envoyé les forces de lordre. Le jour même, cest à dire un mardi, ils ont interpellé trois jeunes, des étudiants. Le 15 décembre, ils ont été condamnés à six mois de prison ferme. Le lendemain de la manifestation, ils ont pris dautres personnes, dont Hazzam El Bachir : son seul tort, cest davoir publié le communiqué des étudiants sur son blog, il a pris quatre mois de prison ferme [1]. Le jeudi, donc le 3 décembre, ils ont pris le gérant dun cybercafé du village. Ils lont accusé du fait que les étudiants envoyaient leurs commentaires et leurs communiqués à partir de son établissement, ils ont aussi trouvé chez lui une clé USB dans laquelle se trouvaient les communiqués. Le problème, cest que ce dernier a pris un an de prison ferme. Parmi les chef daccusation figure l« incitation à la haine raciale », parce que les communiqués parlaient de lamazighité. Cest comme si le fait de parler des Berbères et de leurs droits pouvait porter atteinte à lintégrité nationale, à lordre public.
La sixième et dernière personne arrêtée est le président de la section locale de Tamaynut, il a été interpellé le 26 décembre devant le siège de son association alors quil se trouvait en compagnie dinvités venus des îles Canaries, il na pas encore été condamné, mais il est emprisonné.
Les jugements ont été rendu très vite...
Oui. Le jour de leur jugement il a été interdit aux gens de Taghjijt dentrer dans la ville de Guelmim, où se trouve le tribunal. Quand on arrive au premier barrage, on montre ses papiers, on voit écrit Taghjijt dessus et on se fait répondre « Circulez, interdit dentrer ».
Tout cela rappelle Boumal n Dadès.
Oui, cest presque pareil.
Que veulent exactement les autorités ?
Vous avez peut être remarqué un tournant dans la politique du nouveau roi. A son arrivée, il avait donné limpression dune ouverture, les gens commençaient à sexprimer ouvertement. Mais depuis deux ans, il y a un revirement. Cela a été confirmé par le dernier discours du souverain lorsquil explique que soit on est marocain, soit on ne lest pas. Après, les autorités interprètent ce discours comme elles veulent.
Quel place occupe la question amazighe dans laffaire de Taghjijt ?
Quand quelquun prend un an de prison ferme à cause de communiqués parlant de la berbérité, alors tout est dit. En fait, lEtat marocain à assimiler tous les militants : ceux qui acceptent de se mettre sous sa tutelle peuvent sexprimer, les autres doivent se taire.
source : rezki.net
Nous avons appris la libération de plusieurs personnes interpellées à Taghjijt. Pour bien comprendre les enjeux de cette répression contre ces étudiants berbérophones marocains nous mettons en ligne un entretien que nous avons eu avec Brahim Bousmene, lui-même originaire de Taghjijt et sympathisant de lorganisation Tamaynut France.
Cette interview a été réalisée lors du rassemblement du 31 janvier à Paris faveur des personnes arrêtées pour avoir été liées de près ou de loin à une manifestation étudiante le 1er décembre au sud du Maroc. Depuis cette date, quatre personnes ont été remises en libertés (les trois étudiants ainsi que le blogueur emprisonnés)
Rezki.net : Combien de personnes sont détenues actuellement ?
Brahim Bousmene : Il y a six personnes de Taghjijt, la sixième est le président de Tamaynut Taghjijt, qui est également membre de Tamaynut Maroc. Laffaire a démarré le 1er décembre, par une manifestation pacifique, toute la journée, devant la mairie de Taghjijt. Des étudiants étaient venus demander le remboursement de leur frais de transport. Il faut expliquer que nous à Taghjijt, nous dépendons de la province de Guelmim et que cette province fait elle-même partie du Sahara Occidental. Les étudiants du Sahara se font rembourser six aller-retour vers Agadir, où se trouve la fac la plus proche. Ceux de Taghjijt, cest différent, on leur rembourse uniquement leur trajet vers Guelmim, mais de Guelmim à Taghjijt, cest à leur charge. Donc, pourquoi payer de sa poche quand lEtat rembourse tout à dautres ? Cest ce qui a déclenché la manifestation. Ils demandent également des bourses pour les étudiants non boursiers, mais aussi quon les aide pour la rédaction de leur mémoire.
Est-ce quils demandent aussi des structures pour le désenclavement de leur ville ?
Non, car ce sont des étudiants, ils demandent uniquement des choses qui les concernent directement.
Que sest-il passé pendant cette manifestation ?
Au lieu de répondre à leurs revendications, le wali (léquivalent du préfet), à la demande du caïd (le représentant de lEtat dans le village) leur a envoyé les forces de lordre. Le jour même, cest à dire un mardi, ils ont interpellé trois jeunes, des étudiants. Le 15 décembre, ils ont été condamnés à six mois de prison ferme. Le lendemain de la manifestation, ils ont pris dautres personnes, dont Hazzam El Bachir : son seul tort, cest davoir publié le communiqué des étudiants sur son blog, il a pris quatre mois de prison ferme [1]. Le jeudi, donc le 3 décembre, ils ont pris le gérant dun cybercafé du village. Ils lont accusé du fait que les étudiants envoyaient leurs commentaires et leurs communiqués à partir de son établissement, ils ont aussi trouvé chez lui une clé USB dans laquelle se trouvaient les communiqués. Le problème, cest que ce dernier a pris un an de prison ferme. Parmi les chef daccusation figure l« incitation à la haine raciale », parce que les communiqués parlaient de lamazighité. Cest comme si le fait de parler des Berbères et de leurs droits pouvait porter atteinte à lintégrité nationale, à lordre public.
La sixième et dernière personne arrêtée est le président de la section locale de Tamaynut, il a été interpellé le 26 décembre devant le siège de son association alors quil se trouvait en compagnie dinvités venus des îles Canaries, il na pas encore été condamné, mais il est emprisonné.
Les jugements ont été rendu très vite...
Oui. Le jour de leur jugement il a été interdit aux gens de Taghjijt dentrer dans la ville de Guelmim, où se trouve le tribunal. Quand on arrive au premier barrage, on montre ses papiers, on voit écrit Taghjijt dessus et on se fait répondre « Circulez, interdit dentrer ».
Tout cela rappelle Boumal n Dadès.
Oui, cest presque pareil.
Que veulent exactement les autorités ?
Vous avez peut être remarqué un tournant dans la politique du nouveau roi. A son arrivée, il avait donné limpression dune ouverture, les gens commençaient à sexprimer ouvertement. Mais depuis deux ans, il y a un revirement. Cela a été confirmé par le dernier discours du souverain lorsquil explique que soit on est marocain, soit on ne lest pas. Après, les autorités interprètent ce discours comme elles veulent.
Quel place occupe la question amazighe dans laffaire de Taghjijt ?
Quand quelquun prend un an de prison ferme à cause de communiqués parlant de la berbérité, alors tout est dit. En fait, lEtat marocain à assimiler tous les militants : ceux qui acceptent de se mettre sous sa tutelle peuvent sexprimer, les autres doivent se taire.
source : rezki.net