Dans Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli qui sort le 19 janvier, l’historien Fabrice Riceputi reconstitue, documents, cartographie et témoignages à l’appui, un fait supposé avéré pour la mémoire collective, mais récemment remis en question par des journalistes de la radio publique : alors élu de la République et futur cofondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen a commis des actes de torture en Algérie. Dans la conclusion dont nous publions ici quelques extraits, le spécialiste de l’histoire coloniale analyse ce que ce déni dit aujourd’hui de l’hégémonie culturelle de l’extrême droite en France.
Qu’est-ce que le lepénisme, sinon un rejeton idéologique et politique du colonialisme, au moins autant que de la Collaboration ? L’ère coloniale incarne en effet aux yeux de l’extrême droite française l’âge d’or perdu du suprémacisme blanc. La guerre raciste à « l’immigration » et aux « immigrés », la diabolisation de l’islam et des musulmans, celle des migrants exilés, la théorie complotiste et raciste du « grand remplacement », thèmes qui triomphent aujourd’hui en France bien au-delà de l’extrême droite, sont l’héritage direct de ce passé. Un héritage dont Le Pen et le Front national furent les principaux passeurs dans les années 1970 et 1980.
Pourtant, quand on évoque les origines idéologiques de ce courant aujourd’hui aux portes du pouvoir en France, on pointe à juste titre le collaborationnisme ou le nazisme de certains de ses fondateurs, mais sa matrice colonialiste pourtant si déterminante est presque toujours ignorée. Du reste, certains criminels notoires de l’OAS, fondateurs du Front national, sont régulièrement honorés publiquement par des élus d’extrême droite. Pour exemple, fin 2022, Louis Aliot, maire RN de Perpignan, décide de créer une esplanade Pierre-Sergent, une figure majeure de l’OAS<a href="https://orientxxi.info/lu-vu-entend...olonisation-rachete-la-collaboration,7002#nb1" rel="appendix" title="Voir à ce sujet une tribune par un collectif d’historiens et de (…)">1</a>. Et l’Élysée lui-même ne craint pas de flatter ce courant lors de « gestes » mémoriels symboliques en direction des pieds-noirs, notamment en éludant les exactions sanglantes de l’OAS et sa lourde responsabilité dans le déroulement tragique de la fin de la guerre<a href="https://orientxxi.info/lu-vu-entend...olonisation-rachete-la-collaboration,7002#nb2" rel="appendix" title="Voir Gilles Manceron, Fabrice Riceputi, Alain Ruscio, « Macron s’est adressé (…)">2</a>.
En France, avoir trempé dans les guerres coloniales et leur cortège de crimes contre l’humanité n’est généralement pas jugé infamant. Car ce passé colonialiste est peu ou prou partagé avec le FN/RN par les autres courants politiques, à droite, mais aussi à gauche. C’est tout particulièrement le cas pour le courant socialiste, qui, au temps de la SFIO – celle des Guy Mollet, Robert Lacoste ou François Mitterrand –, fut un responsable majeur de la terreur coloniale et n’a jamais voulu faire l’inventaire de ce passé coupable.
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Qu’est-ce que le lepénisme, sinon un rejeton idéologique et politique du colonialisme, au moins autant que de la Collaboration ? L’ère coloniale incarne en effet aux yeux de l’extrême droite française l’âge d’or perdu du suprémacisme blanc. La guerre raciste à « l’immigration » et aux « immigrés », la diabolisation de l’islam et des musulmans, celle des migrants exilés, la théorie complotiste et raciste du « grand remplacement », thèmes qui triomphent aujourd’hui en France bien au-delà de l’extrême droite, sont l’héritage direct de ce passé. Un héritage dont Le Pen et le Front national furent les principaux passeurs dans les années 1970 et 1980.
Pourtant, quand on évoque les origines idéologiques de ce courant aujourd’hui aux portes du pouvoir en France, on pointe à juste titre le collaborationnisme ou le nazisme de certains de ses fondateurs, mais sa matrice colonialiste pourtant si déterminante est presque toujours ignorée. Du reste, certains criminels notoires de l’OAS, fondateurs du Front national, sont régulièrement honorés publiquement par des élus d’extrême droite. Pour exemple, fin 2022, Louis Aliot, maire RN de Perpignan, décide de créer une esplanade Pierre-Sergent, une figure majeure de l’OAS<a href="https://orientxxi.info/lu-vu-entend...olonisation-rachete-la-collaboration,7002#nb1" rel="appendix" title="Voir à ce sujet une tribune par un collectif d’historiens et de (…)">1</a>. Et l’Élysée lui-même ne craint pas de flatter ce courant lors de « gestes » mémoriels symboliques en direction des pieds-noirs, notamment en éludant les exactions sanglantes de l’OAS et sa lourde responsabilité dans le déroulement tragique de la fin de la guerre<a href="https://orientxxi.info/lu-vu-entend...olonisation-rachete-la-collaboration,7002#nb2" rel="appendix" title="Voir Gilles Manceron, Fabrice Riceputi, Alain Ruscio, « Macron s’est adressé (…)">2</a>.
En France, avoir trempé dans les guerres coloniales et leur cortège de crimes contre l’humanité n’est généralement pas jugé infamant. Car ce passé colonialiste est peu ou prou partagé avec le FN/RN par les autres courants politiques, à droite, mais aussi à gauche. C’est tout particulièrement le cas pour le courant socialiste, qui, au temps de la SFIO – celle des Guy Mollet, Robert Lacoste ou François Mitterrand –, fut un responsable majeur de la terreur coloniale et n’a jamais voulu faire l’inventaire de ce passé coupable.
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Extrême droite. Quand la colonisation rachète la collaboration
Dans Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli qui sort le 19 janvier, l’historien Fabrice Riceputi reconstitue, documents, cartographie (…)
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