Je partage avec vous un ancien article pour la journée de la femme qui est passé la semaine dernière.
Femme et amazighité : un combat similaire
Depuis une dizaine d'années, Le Maroc essaie d'instaurer une certaine démocratie, de mettre en pratique les différents accords internationaux qu'il a signés et qui concernent les droits de l'homme, les droits de l'enfant, de la femme, les droits culturels et linguistiques. Ainsi, bien des décisions ont été prises et une dynamique est mise en place pour uvre dans ce sens, instaurer une démarche à même d'aboutir aux changements souhaités. Outils et institutions chargées de la concrétisation des différents projets ont vu le jour : le Conseil consultatif des droits de l'homme, l'instance Équité et réconciliation, l'Institut royal de la culture amazighe, la liste nationale lors des dernières élections, le nouveau Code de la famille et, récemment, le Conseil royal des affaires sahraouis sont autant de mesures concrètes adoptées pour asseoir les bases d'une démocratie tant attendue. Le but est on ne peut plus clair : justice, égalité et réconciliation. Ces réalisations dont on ne peut que se féliciter sont d'un côté, le fruit de nombreuses années de lutte aussi bien nationales qu'internationales et d'un autre côté, la conséquence logique de la mondialisation qui oblige les états à adhérer aux valeurs universelles de l'humanité.
Le Maroc s'est engagé à respecter les droits de l'homme, à garantir les droits de l'enfant, à assurer à la femme sa dignité. Si des chantiers ont été inaugurés pour instaurer l'égalité au sein de la société et bannir l'injustice, il n'en demeure pas moins vrai que les résultats palpables et encourageants tardent à venir. Ceci est surtout vrai pour deux dossiers importants : celui de la femme et celui de l'amazighité. Certes actuellement, au niveau du discours officiel, on peut dire que les deux dossiers évoluent dans le bon sens et acquièrent une adhésion de plus en plus grande des politiques et des milieux intellectuels. Mais au niveau des mentalités et sur le plan pratique, la déception est de mise : la situation reste figée. Et concernant les représentations de l'opinion publique, aucun changement notoire n'est à enregistrer. Aussi bien l'amazighité que la femme marocaine ont du mal à s'imposer et à retrouver la place qui leur revient de droit. Pour essayer de comprendre les causes ou tout simplement les manifestations d'un tel échec, on pourrait faire un rapprochement entre les deux dossiers car, me semble-t-il, ils se sont heurtés aux mêmes problèmes : Ils ont subi les mêmes affronts et ont eu les mêmes interprétations. Ce qui pourrait expliquer en partie les déboires des deux causes est de trois ordres.
Dans les deux cas la religion est invoquée pour justifier le rejet et le mépris dont sont victimes la femme et l'amazighité. En effet bien des versets coraniques et hadiths, tronqués, écontextualisés, mal compris ou sciemment déformés ont été invoqués pour justifier leur infériorité. La première est taxée de faible, de côte tordue, d'idiotie, d'incapacité. Donc elle ne peut être que subordonnée à l'homme. Les citations religieuses, mal interprétées qui corroboreraient ces dires sont nombreuses. Je n'en citerais que celles-ci parce qu'elles sont souvent citées comme arguments d'autorité par les partisans de la discrimination : « arrijalu quowamuna aala annisaa » que le commun des mortels traduit par : « les hommes sont prioritaires sur les femmes », et « annisaou naqisatu aqlin wa dinin » qu'un néophyte traduirait par « l'infériorité des femmes sur le plan intellectuel et religieux. »
Quant à la langue amazighe, elle est jugée inutile aussi bien dans ce monde que dans l'au-delà par les défenseurs de l'arabisation. Aussi est-elle méprisée, marginalisée, et l'incitation à l'arabisation des foyers après celle de l'école se poursuit en sacralisant l'arabe qui est la langue du Coran, et en citant par exemple un hadith selon lequel le prophète aurait incité les musulmans à faire apprendre l'arabe à leurs enfants car elle est la langue du Coran et celle dans laquelle ils rendront les comptes le jour du jugement dernier. En décontextualisant ces propos à des fins politiques, on a fait du Dieu un monolingue arabe. Ainsi, tout bon musulman doit se laisser arabiser. D'ailleurs les expressions qui élèvent l'arabe et les Arabes au dessus des autres sont légion dans le discours religieux. Je n'en citerais que deux : « kuntum khairaoummatin ukhrijat l'innas » (vous êtes la meilleure nation pour l'humanité ) « al aimmatu min qoraich » (la imamat est réservée aux gens de Qoraich, c'est-à-dire aux proches et descendants du prophète). Ces citations dont une grande partie est tronquée ou déformée ont contribué à former un imaginaire populaire réticent et discriminatoire à l'égard de la femme et de l'amazighité. L'anecdote suivante illustre bien cette idée. Notre héros amazigh Tarik ibnu Ziad qui a organisé une expédition victorieuse contre l'Espagne wisigothique a subi les pires humiliations de la part de son chef arabe, Moussa Ibnou Noçair qui, avisé des grandes capacités militaires du Berbère et de ses brillants succès sur le terrain et voulant s'attribuer la victoire finale, lui ordonna (de Kairouan où il se trouvait) par courrier rapide de stopper son avance et de ne pas dépasser Cordoue. N'ayant pas obtempéré, il avait subi la peine du fouet en plein public.
Depuis quelques années, et après les signaux forts de Mohammed VI, on note une complaisance au niveau du discours politique qui flatte et courtise la femme. Mais on constate toujours que sur le plan pratique, la femme est toujours écartée, marginalisée, pire encore, instrumentalisée. Celles qui défient les obstacles et luttent contre vents et marées pour se tailler une place dans la politique parmi les hommes sont, à quelques exceptions près, vite écartées. Même quand on fait semblant de les accepter, on ne leur laisse aucune chance de réussir. Par exemple sur les listes du scrutin proportionnel pour les dernières législatives, à une ou deux exceptions près, les têtes de listes sont toutes masculines : dans la battue électorale des partis politiques, la femme militante n'est que rabatteur de voix. Les postes de responsabilité, même dans les secteurs où les femmes sont légion comme l'enseignement et la santé sont réservés aux hommes. L'égalité entre les sexes n'est pas pour demain : la femme est encore éloignée de la décision politique, exclue de la responsabilité administrative, conditionnée par la culture et les mass média.
À l'instar de la femme, l'amazighité bien que l'on s'enorgueillie de la diversité culturelle du Maroc et de l'importance de la composante amazighe qui a forgé son identité, elle est à la fois méprisée, courtisée et instrumentalisée. Si pendant de longues années elle a été niée, rejetée par ceux qui se réclamaient du nationalisme arabe, en revanche, elle a constitué le cheval de bataille de certains partis qui prétendaient être ses défenseurs. En réalité, c'est elle la vache à lait qui assurait et assure encore leur survie. Car aucune mesure concrète susceptible de réhabiliter la langue et la culture amazighes n'est enregistrée à leur actif. Ainsi, méprisée, malmenée, elle a du mal à se faire accepter à l'école et à se faire une place dans les médias. L'avenir qu'on lui promettait, depuis quelques années, à l'école et dans l'audiovisuel, n'est pas facile à conquérir et sa réhabilitation tarde à venir.
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Femme et amazighité : un combat similaire
Depuis une dizaine d'années, Le Maroc essaie d'instaurer une certaine démocratie, de mettre en pratique les différents accords internationaux qu'il a signés et qui concernent les droits de l'homme, les droits de l'enfant, de la femme, les droits culturels et linguistiques. Ainsi, bien des décisions ont été prises et une dynamique est mise en place pour uvre dans ce sens, instaurer une démarche à même d'aboutir aux changements souhaités. Outils et institutions chargées de la concrétisation des différents projets ont vu le jour : le Conseil consultatif des droits de l'homme, l'instance Équité et réconciliation, l'Institut royal de la culture amazighe, la liste nationale lors des dernières élections, le nouveau Code de la famille et, récemment, le Conseil royal des affaires sahraouis sont autant de mesures concrètes adoptées pour asseoir les bases d'une démocratie tant attendue. Le but est on ne peut plus clair : justice, égalité et réconciliation. Ces réalisations dont on ne peut que se féliciter sont d'un côté, le fruit de nombreuses années de lutte aussi bien nationales qu'internationales et d'un autre côté, la conséquence logique de la mondialisation qui oblige les états à adhérer aux valeurs universelles de l'humanité.
Le Maroc s'est engagé à respecter les droits de l'homme, à garantir les droits de l'enfant, à assurer à la femme sa dignité. Si des chantiers ont été inaugurés pour instaurer l'égalité au sein de la société et bannir l'injustice, il n'en demeure pas moins vrai que les résultats palpables et encourageants tardent à venir. Ceci est surtout vrai pour deux dossiers importants : celui de la femme et celui de l'amazighité. Certes actuellement, au niveau du discours officiel, on peut dire que les deux dossiers évoluent dans le bon sens et acquièrent une adhésion de plus en plus grande des politiques et des milieux intellectuels. Mais au niveau des mentalités et sur le plan pratique, la déception est de mise : la situation reste figée. Et concernant les représentations de l'opinion publique, aucun changement notoire n'est à enregistrer. Aussi bien l'amazighité que la femme marocaine ont du mal à s'imposer et à retrouver la place qui leur revient de droit. Pour essayer de comprendre les causes ou tout simplement les manifestations d'un tel échec, on pourrait faire un rapprochement entre les deux dossiers car, me semble-t-il, ils se sont heurtés aux mêmes problèmes : Ils ont subi les mêmes affronts et ont eu les mêmes interprétations. Ce qui pourrait expliquer en partie les déboires des deux causes est de trois ordres.
Dans les deux cas la religion est invoquée pour justifier le rejet et le mépris dont sont victimes la femme et l'amazighité. En effet bien des versets coraniques et hadiths, tronqués, écontextualisés, mal compris ou sciemment déformés ont été invoqués pour justifier leur infériorité. La première est taxée de faible, de côte tordue, d'idiotie, d'incapacité. Donc elle ne peut être que subordonnée à l'homme. Les citations religieuses, mal interprétées qui corroboreraient ces dires sont nombreuses. Je n'en citerais que celles-ci parce qu'elles sont souvent citées comme arguments d'autorité par les partisans de la discrimination : « arrijalu quowamuna aala annisaa » que le commun des mortels traduit par : « les hommes sont prioritaires sur les femmes », et « annisaou naqisatu aqlin wa dinin » qu'un néophyte traduirait par « l'infériorité des femmes sur le plan intellectuel et religieux. »
Quant à la langue amazighe, elle est jugée inutile aussi bien dans ce monde que dans l'au-delà par les défenseurs de l'arabisation. Aussi est-elle méprisée, marginalisée, et l'incitation à l'arabisation des foyers après celle de l'école se poursuit en sacralisant l'arabe qui est la langue du Coran, et en citant par exemple un hadith selon lequel le prophète aurait incité les musulmans à faire apprendre l'arabe à leurs enfants car elle est la langue du Coran et celle dans laquelle ils rendront les comptes le jour du jugement dernier. En décontextualisant ces propos à des fins politiques, on a fait du Dieu un monolingue arabe. Ainsi, tout bon musulman doit se laisser arabiser. D'ailleurs les expressions qui élèvent l'arabe et les Arabes au dessus des autres sont légion dans le discours religieux. Je n'en citerais que deux : « kuntum khairaoummatin ukhrijat l'innas » (vous êtes la meilleure nation pour l'humanité ) « al aimmatu min qoraich » (la imamat est réservée aux gens de Qoraich, c'est-à-dire aux proches et descendants du prophète). Ces citations dont une grande partie est tronquée ou déformée ont contribué à former un imaginaire populaire réticent et discriminatoire à l'égard de la femme et de l'amazighité. L'anecdote suivante illustre bien cette idée. Notre héros amazigh Tarik ibnu Ziad qui a organisé une expédition victorieuse contre l'Espagne wisigothique a subi les pires humiliations de la part de son chef arabe, Moussa Ibnou Noçair qui, avisé des grandes capacités militaires du Berbère et de ses brillants succès sur le terrain et voulant s'attribuer la victoire finale, lui ordonna (de Kairouan où il se trouvait) par courrier rapide de stopper son avance et de ne pas dépasser Cordoue. N'ayant pas obtempéré, il avait subi la peine du fouet en plein public.
Depuis quelques années, et après les signaux forts de Mohammed VI, on note une complaisance au niveau du discours politique qui flatte et courtise la femme. Mais on constate toujours que sur le plan pratique, la femme est toujours écartée, marginalisée, pire encore, instrumentalisée. Celles qui défient les obstacles et luttent contre vents et marées pour se tailler une place dans la politique parmi les hommes sont, à quelques exceptions près, vite écartées. Même quand on fait semblant de les accepter, on ne leur laisse aucune chance de réussir. Par exemple sur les listes du scrutin proportionnel pour les dernières législatives, à une ou deux exceptions près, les têtes de listes sont toutes masculines : dans la battue électorale des partis politiques, la femme militante n'est que rabatteur de voix. Les postes de responsabilité, même dans les secteurs où les femmes sont légion comme l'enseignement et la santé sont réservés aux hommes. L'égalité entre les sexes n'est pas pour demain : la femme est encore éloignée de la décision politique, exclue de la responsabilité administrative, conditionnée par la culture et les mass média.
À l'instar de la femme, l'amazighité bien que l'on s'enorgueillie de la diversité culturelle du Maroc et de l'importance de la composante amazighe qui a forgé son identité, elle est à la fois méprisée, courtisée et instrumentalisée. Si pendant de longues années elle a été niée, rejetée par ceux qui se réclamaient du nationalisme arabe, en revanche, elle a constitué le cheval de bataille de certains partis qui prétendaient être ses défenseurs. En réalité, c'est elle la vache à lait qui assurait et assure encore leur survie. Car aucune mesure concrète susceptible de réhabiliter la langue et la culture amazighes n'est enregistrée à leur actif. Ainsi, méprisée, malmenée, elle a du mal à se faire accepter à l'école et à se faire une place dans les médias. L'avenir qu'on lui promettait, depuis quelques années, à l'école et dans l'audiovisuel, n'est pas facile à conquérir et sa réhabilitation tarde à venir.
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