Femmes : du danger, côté coeur

En adoptant les mêmes comportements à risque que les hommes, les femmes présentent les mêmes risques d'infarctus précoces.

La conjonction pilule et tabac multiplie par 20 le risque de développer une maladie cardio-vasculaire

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Par Anne Jeanblanc


Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les cancers, mais les maladies cardio-vasculaires qui sont la première cause de mortalité chez les femmes : ces pathologies sont à l'origine de 54 % des décès, dont 22 % sont de cause coronarienne (infarctus du myocarde) et 12 à 15 % des accidents vasculaires cérébraux. C'est pourquoi le thème "femmes et maladies cardio-vasculaires" sera l'un des fils rouges du congrès de l'European Society of Cardiology (ESC), à Villepinte (26-30 août). Et ce qui inquiète le plus les spécialistes, c'est la nette augmentation du nombre des infarctus survenant chez les femmes de moins de 50 ans.

Traditionnellement, les maladies coronariennes apparaissaient en moyenne chez la femme dix ans plus tard que chez l'homme. Ce décalage est lié à la protection conférée par les hormones (les oestrogènes) jusqu'au moment de la ménopause. Mais les choses sont en train de changer : en raison de l'augmentation très nette du nombre de femmes qui fument alors qu'elles prennent une pilule contraceptive, le risque de maladie cardio-vasculaire augmente très nettement chez les jeunes. Pour le professeur Bertrand, cardiologue au CHU de Lille et ancien président de l'ESC, "cette conjonction pilule et tabac est très cher payée, car elle multiplie par 20 le risque de développer une maladie cardio-vasculaire. La pilule seule n'est pas dangereuse, c'est l'association avec le tabac qui est inconsciente."

Temps précieux


Son cri d'alarme est relayé par le professeur Nicolas Danchin, cardiologue à l'hôpital européen Georges-Pompidou (Paris) et membre de l'ESC. "L'association tabac et pilule augmente le risque de thrombose et de phlébite", explique-t-il. Il faut ajouter les effets délétères pour la santé cardio-vasculaire du surpoids et du stress notamment professionnel, qui n'ont cessé d'augmenter au fil du temps. Les conséquences sont évidentes : la proportion de femmes victimes d'un infarctus avant l'âge de 50 ans est passée de 3,7 % en 1995 à 11,2 % en 2005. Et elle continue à progresser puisqu'elle serait aujourd'hui aux alentours de 11,6 %.

Un autre sujet préoccupe les spécialistes : la moins bonne prise en charge des accidents cardio-vasculaires chez les femmes que chez les hommes. "Nous devons nous interroger sur notre pratique au quotidien, insiste le professeur Danchin, et ce, d'autant plus que pour une même pathologie une femme a 20 % de chances en moins par rapport à un homme de se voir proposer un test d'effort et 40 % en moins de bénéficier d'une angiographie". Or, ce dernier examen, qui permet de visualiser les cavités cardiaques et les vaisseaux sanguins, apporte de précieux renseignements au cardiologue. Enfin, les spécialistes regrettent qu'en cas de douleurs faisant évoquer un infarctus, les femmes tardent toujours plus que les hommes à appeler un médecin. Elles perdent alors un temps précieux pendant lequel les lésions risquent de s'étendre.
 
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