Alors que la France et l’Algérie n’en finissent plus d’entretenir des relations belliqueuses, plusieurs millions de citoyens, des deux côtés de la Méditerranée, sont pris en otage par des dirigeants qui semblent plus animés par des enjeux de politique intérieure que de politique étrangère.
Les enfants de la République d’origine algérienne, bien que directement concernés, sombrent dans l’oubli face aux tensions diplomatiques des deux pays. Parmi eux, les descendants d’immigrés algériens, plus de 1,2 millions, vivent en France. Benjamin Stora, historien français né en Algérie, estimait que plus de cinq millions de personnes vivant en France ont un lien direct avec l’Algérie. Entre questionnement identitaire et craintes des conséquences des frictions diplomatiques, loin d’un récit figé et déconnecté, les Franco-Algériens expriment un ressenti profond sur l’état des deux pays.
Cette fracture ravive un sentiment d’implication intime, bien au-delà du champ diplomatique. « Les enfants de deux parents divorcés » : c’est l’image que beaucoup de bi-nationaux utilisent pour décrire ce qu’ils ressentent. C’est ce qu’explique Rayane, artiste réalisateur de 31 ans, peu importe de quel côté de la méditerranée on vit, l’implication reste la même : « Je me sens très concerné à partir du moment où ça attaque les Algériens, ça attaque aussi les Algériens d’origine ».
Si elle ne vit pas en Algérie, Inès, étudiante, âgée de 23 ans, entretient un lien fort avec ses racines et confie ressentir « une forte tristesse ». « Ce que j’entends me donne envie de réagir, de défendre, de corriger l’image que l’on renvoie », explique l’étudiante. Un traitement médiatique qu’elle juge « froid et partial », contribuant à « invisibiliser les histoires familiales ». À l’instar d’Ines, Rayane déplore même que ce traitement médiatique l’a douloureusement éloigné de son « côté français » même s’il « refuse catégoriquement de s’imposer un choix ». Il évoque notamment les polémiques du ministre de l’intérieur ou encore la suspension de Michel Apathie sur RTL.
Une réalité médiatique qui, au-delà de la peine, inquiète. Wassila, 56 ans, est mère de quatre enfants binationaux. Elle est arrivée en France à l’âge de sept ans. Pour elle, cette situation est inquiétante à plusieurs niveaux : « J’ai peur qu’il y ait des représailles. Que mes fils soient stigmatisés pour travailler ou voyager. » Ce ressenti est également exprimé par Lilia, 32 ans, chercheuse et mère de trois garçons pour qui les démarches administratives relèvent désormais de la protection face à un avenir incertain : « Avant on faisait nos papiers et ceux de nos enfants parce que c’était important mais aujourd’hui on en est à penser que c’est aussi une sécurité de leurs faire. »