kamomille
VIB
14 janvier 2009 - Commentaires? - En discuter sur les forums? -
La communauté des tenancières marocaines de restaurants, bars et autres brasseries a acquis en France une notoriété et une visibilité exponentielles. Voyage dans une galaxie où la Marocaine saffirme puissamment hors de nos frontières.
Cest en 1974 que Rkia, coiffeuse de son état, a émigré à Paris où elle ne tarda point à prendre en gérance un café. Au début de la décennie 80, elle sinstalla juste en face du Consulat marocain à Paris, situé alors à la rue Saulnier, dans le IXème arrondissement. « Certes, il existait, en ces temps-là, quelques rares compatriotes qui officiaient au sein détablissements en tant que barmaids ou serveuses, mais il ny avait pratiquement aucune patronne de bar ou restaurant à Paris intra muros. Je suis peut-être la pionnière dans ce domaine », dit-elle fièrement.
En ces temps, en effet, deux facteurs empêchaient linvestissement de ce secteur par la gente féminine marocaine : cela relevait du « hchouma » et du « âyb » et puis, contrairement aux Algériens, les Marocains nétaient pas éligibles aux licences II et IV avec leur seule carte de séjour. Ajoutez à cela le fait que nos concitoyens colportent une représentation tronquée de la femme derrière le comptoir. « En région parisienne, on estime à pas moins dune centaine le nombre de tenancières de bars, de brasseries et autres restaurants », affirme Thierry Lecomte, lun des trois grands brasseurs dÎle-de-France.
Ces femmes tiennent un rythme de travail digne des « aubergistes » les plus costauds. Certaines peuvent faire des journées de 18 heures par jour. Khadija est mariée à Alain, un mécanicien installé à Pantoise. « Mon mari fait louverture à 6h30 du matin. Je prends le relais à 10h. Jenchaîne aussitôt jusquà 2h du matin. Le gros de mon chiffre, je le réalise entre 22h et 2h du matin », raconte Khadija. Ce rythme infernal est soutenu durant onze mois par an. « Le mois de vacances que nous nous accordons en août au Maroc est notre récompense », affirme-t-elle. Le couple a acquis une villa cossue à Sidi Bouzid, dans la banlieue dEl Jadida. Cest là que la grande famille est rassemblée autour de repas gargantuesques. La nuit venant, les enfants -un gaillard de 20 ans et sa sur de 19 ans- vont se tortiller allègrement dans les boîtes casablancaises en compagnie de leurs amis jusquà laube.
Considérées comme des femmes de mauvaises moeurs
Malgré ce semblant de bonheur bon enfant, nos patronnes peinent à comprendre les comportements de leurs concitoyens autochtones. Le regard porté sur elles par ces derniers nest pas toujours amène. « Par jalousie, on est mal vu. Nous sommes considérées comme des femmes de mauvaises murs. Mes consoeurs marocaines qui exercent en Europe souffrent des mêmes clichés. Mes enfants ont dû se battre avec des gens qui mont traité de prostituée », témoigne Fatiha, patronne du restaurant « Le Souss ». Le fait quelle soit mariée à un Algérien narrange pas les choses. De plus, cette « mère-courage » en a bavé avec sa fille frappée de mongolisme.
Lors de son congé annuel, Feu Brahim Alami était un assidu des soirées organisées par Fati, la patronne de « Riad Salam », un restaurant situé dans le IXème arrondissement de Paris, à quelques enjambées du métro Barbès. Epouse de lancien catcheur et ex-député Layachi, décédé il y a quatre ans, Fati en a vu de toutes les couleurs. « Haj (layachi) étant occupé dans ses affaires au Maroc, jai dû faire face toute seule à toutes sortes de problèmes. Jusquau fisc qui a fini par me désespérer de ce métier ».
Rbatie pure souche, Raja Benmessaoud ne tarit pas déloges sur les réalisations du Royaume depuis lavènement du Roi Mohammed VI. « Je suis de près lavancement du grand projet Bouregreg. Chaque fois que je vais à Rabat, je montre à mon mari et à mes enfants ce qui a été réalisé. QuAllah glorifie Sidna ! », claironne-t-elle. Claude Teillet, le mari, a littéralement adopté sa belle famille qui a fait de même. « La famille de Raja est devenue la mienne propre. Je suis gâté de toutes parts : Un accueil royal, une cuisine superbe, des moments de bonheur que je nai vécus nulle part. Cela dure depuis laube des années 70. En fait, je suis devenu plus Marocain que les Marocains ».
Les patronnes marocaines des cafés et restaurants méritent, à coup sûr, une écoute particulière de la part des autorités et des institutions en charge de limmigration marocaine à létranger. Elles sont au fait de la psychologie des MRE, bien mieux que nombre de responsables.
Trois questions à Raja Benmessaoud : « Jai un rapport fusionnel avec le Maroc »
Comment lidée de sinstaller en patronne de bar-restaurant vous est-elle venue ?
Mon mari était chauffeur de taxi. Je devais travailler pour contribuer à léquilibre financier du couple. Jai dû apprendre ce métier en travaillant dans des établissements respectables. Jai vite compris quil fallait des qualités particulières pour réussir dans ce domaine : le sourire à toute épreuve, lécoute des clients et le service impeccable. Sans compter la concentration, la dextérité et la tenue vigilante de la caisse. Lidée de minstaller à mon compte a mûri peu à peu. Mon mari ma encouragée et nous avons franchi le pas tous les deux.
Quelles ont été les difficultés principales ?
Au-delà des difficultés financières du début, il fallait prendre le pli en sadaptant à la diversité de la clientèle. Un Européen nest pas reçu de la même manière quun Maghrébin. Je devais madapter aux habitudes de chacun. Mais la principale difficulté était celle dassurer simultanément la bonne gestion de létablissement et les contraintes du foyer. Il ne fallait pas négliger léducation de nos enfants en sinvestissant dans les charges quotidiennes de lenseigne. Nos enfants ont grandi aujourdhui, et mon mari et moi ne pouvons que nous féliciter de la bonne éducation que nous leur avons prodiguée.
Quel rapport avez-vous avec le Maroc ?
Un rapport si je puis dire fusionnel. Je téléphone chaque jour à maman et à ma famille. De plus, il nous arrive dy aller deux fois par an. Par ailleurs, nous avons acquis une maison à Rabat où il nous arrive parfois de séjourner deux mois par an. Mon mari est heureux dy aller et dy rencontrer la famille et les amis. Je suis fière autant de ma marocanité que de mon appartenance à la nation française. Cela ma procuré une richesse culturelle que je crois avoir réussi à transmettre à mes enfants.
Source : Gazette du Maroc - Abdessamad Mouhieddine
La communauté des tenancières marocaines de restaurants, bars et autres brasseries a acquis en France une notoriété et une visibilité exponentielles. Voyage dans une galaxie où la Marocaine saffirme puissamment hors de nos frontières.
Cest en 1974 que Rkia, coiffeuse de son état, a émigré à Paris où elle ne tarda point à prendre en gérance un café. Au début de la décennie 80, elle sinstalla juste en face du Consulat marocain à Paris, situé alors à la rue Saulnier, dans le IXème arrondissement. « Certes, il existait, en ces temps-là, quelques rares compatriotes qui officiaient au sein détablissements en tant que barmaids ou serveuses, mais il ny avait pratiquement aucune patronne de bar ou restaurant à Paris intra muros. Je suis peut-être la pionnière dans ce domaine », dit-elle fièrement.
En ces temps, en effet, deux facteurs empêchaient linvestissement de ce secteur par la gente féminine marocaine : cela relevait du « hchouma » et du « âyb » et puis, contrairement aux Algériens, les Marocains nétaient pas éligibles aux licences II et IV avec leur seule carte de séjour. Ajoutez à cela le fait que nos concitoyens colportent une représentation tronquée de la femme derrière le comptoir. « En région parisienne, on estime à pas moins dune centaine le nombre de tenancières de bars, de brasseries et autres restaurants », affirme Thierry Lecomte, lun des trois grands brasseurs dÎle-de-France.
Ces femmes tiennent un rythme de travail digne des « aubergistes » les plus costauds. Certaines peuvent faire des journées de 18 heures par jour. Khadija est mariée à Alain, un mécanicien installé à Pantoise. « Mon mari fait louverture à 6h30 du matin. Je prends le relais à 10h. Jenchaîne aussitôt jusquà 2h du matin. Le gros de mon chiffre, je le réalise entre 22h et 2h du matin », raconte Khadija. Ce rythme infernal est soutenu durant onze mois par an. « Le mois de vacances que nous nous accordons en août au Maroc est notre récompense », affirme-t-elle. Le couple a acquis une villa cossue à Sidi Bouzid, dans la banlieue dEl Jadida. Cest là que la grande famille est rassemblée autour de repas gargantuesques. La nuit venant, les enfants -un gaillard de 20 ans et sa sur de 19 ans- vont se tortiller allègrement dans les boîtes casablancaises en compagnie de leurs amis jusquà laube.
Considérées comme des femmes de mauvaises moeurs
Malgré ce semblant de bonheur bon enfant, nos patronnes peinent à comprendre les comportements de leurs concitoyens autochtones. Le regard porté sur elles par ces derniers nest pas toujours amène. « Par jalousie, on est mal vu. Nous sommes considérées comme des femmes de mauvaises murs. Mes consoeurs marocaines qui exercent en Europe souffrent des mêmes clichés. Mes enfants ont dû se battre avec des gens qui mont traité de prostituée », témoigne Fatiha, patronne du restaurant « Le Souss ». Le fait quelle soit mariée à un Algérien narrange pas les choses. De plus, cette « mère-courage » en a bavé avec sa fille frappée de mongolisme.
Lors de son congé annuel, Feu Brahim Alami était un assidu des soirées organisées par Fati, la patronne de « Riad Salam », un restaurant situé dans le IXème arrondissement de Paris, à quelques enjambées du métro Barbès. Epouse de lancien catcheur et ex-député Layachi, décédé il y a quatre ans, Fati en a vu de toutes les couleurs. « Haj (layachi) étant occupé dans ses affaires au Maroc, jai dû faire face toute seule à toutes sortes de problèmes. Jusquau fisc qui a fini par me désespérer de ce métier ».
Rbatie pure souche, Raja Benmessaoud ne tarit pas déloges sur les réalisations du Royaume depuis lavènement du Roi Mohammed VI. « Je suis de près lavancement du grand projet Bouregreg. Chaque fois que je vais à Rabat, je montre à mon mari et à mes enfants ce qui a été réalisé. QuAllah glorifie Sidna ! », claironne-t-elle. Claude Teillet, le mari, a littéralement adopté sa belle famille qui a fait de même. « La famille de Raja est devenue la mienne propre. Je suis gâté de toutes parts : Un accueil royal, une cuisine superbe, des moments de bonheur que je nai vécus nulle part. Cela dure depuis laube des années 70. En fait, je suis devenu plus Marocain que les Marocains ».
Les patronnes marocaines des cafés et restaurants méritent, à coup sûr, une écoute particulière de la part des autorités et des institutions en charge de limmigration marocaine à létranger. Elles sont au fait de la psychologie des MRE, bien mieux que nombre de responsables.
Trois questions à Raja Benmessaoud : « Jai un rapport fusionnel avec le Maroc »
Comment lidée de sinstaller en patronne de bar-restaurant vous est-elle venue ?
Mon mari était chauffeur de taxi. Je devais travailler pour contribuer à léquilibre financier du couple. Jai dû apprendre ce métier en travaillant dans des établissements respectables. Jai vite compris quil fallait des qualités particulières pour réussir dans ce domaine : le sourire à toute épreuve, lécoute des clients et le service impeccable. Sans compter la concentration, la dextérité et la tenue vigilante de la caisse. Lidée de minstaller à mon compte a mûri peu à peu. Mon mari ma encouragée et nous avons franchi le pas tous les deux.
Quelles ont été les difficultés principales ?
Au-delà des difficultés financières du début, il fallait prendre le pli en sadaptant à la diversité de la clientèle. Un Européen nest pas reçu de la même manière quun Maghrébin. Je devais madapter aux habitudes de chacun. Mais la principale difficulté était celle dassurer simultanément la bonne gestion de létablissement et les contraintes du foyer. Il ne fallait pas négliger léducation de nos enfants en sinvestissant dans les charges quotidiennes de lenseigne. Nos enfants ont grandi aujourdhui, et mon mari et moi ne pouvons que nous féliciter de la bonne éducation que nous leur avons prodiguée.
Quel rapport avez-vous avec le Maroc ?
Un rapport si je puis dire fusionnel. Je téléphone chaque jour à maman et à ma famille. De plus, il nous arrive dy aller deux fois par an. Par ailleurs, nous avons acquis une maison à Rabat où il nous arrive parfois de séjourner deux mois par an. Mon mari est heureux dy aller et dy rencontrer la famille et les amis. Je suis fière autant de ma marocanité que de mon appartenance à la nation française. Cela ma procuré une richesse culturelle que je crois avoir réussi à transmettre à mes enfants.
Source : Gazette du Maroc - Abdessamad Mouhieddine