Gaza : la France annule une mission humanitaire

Le cri de révolte d’un médecin blogueur

mardi 27 janvier 2009, par Olivier Bonnet



Notre ami Farid Taha, chirurgien maxillo-facial, chercheur associé au CNRS et auteur de Blogspleen, idéal et petites révoltes, pousse un véritable cri d’indignation dans son billet titré À quoi joue la diplomatie française ? Volontaire pour une mission humanitaire à Gaza, il devait partir avec d’autres collègues médecins et infirmières, à la demande du CHU d’Amiens qui l’emploie, assurer la relève d’une équipe sur place à partir du 27 janvier. "J’avais réussi en peu de temps à me libérer et à motiver, en plus d’une IBODE et du médecin anesthésiste qui m’accompagnaient, pas mal d’autres médecins ou infirmières qui ont immédiatement accepté de partir sans condition pour les prochaines missions, raconte-t-il. Les derniers préparatifs administratifs étant satisfaits, j’attendais juste un coup de fil pour partir. Quand le téléphone a sonné, je pensais sincèrement que le coordinateur, qui m’avait pourtant demandé le matin même de lui faxer des papiers administratifs du conseil de l’ordre, allait me signaler un départ précipité avant la date prévue. Mais non vu, que "la situation s’étant nettement améliorée à Gaza, la France a décidé d’ "alléger le dispositif sanitaire sur place", nous restons sur place... Quand j’ai entendu cette phrase les bras m’en sont tombés... Je n’ai pu m’empêcher de signaler à mon interlocuteur (visiblement très gêné) que j’ai eu au téléphone une responsable au siège de MSF qui m’a affirmé que la situation était encore plus dramatique que ce qu’ils pensaient et qu’ils avaient encore besoin de médecins. Les équipes sont en plus très embêtées avec des lésions de brûlures très particulières occasionnés par ce qui semble être du phosphore blanc (car il continue de se consumer même après l’arrêt de l’exposition) et demandent à Israël et en particulier à l’armée israélienne de leur fournir la composition exacte des produits utilisés pour mieux soigner les blessés." Comment expliquer l’annulation de cette mission humanitaire ? Farid Taha accuse Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères : "Il était clair que cet établissement dépendant du ministère de la Santé, avec lequel j’étais en contact depuis quelques jours, attendait le feu vert du Quai d’Orsay pour nous envoyer, mais j’étais à mille lieux de soupçonner ou même d’imaginer une réponse pareille. (...) un chirurgien infantile du CHU qui attendait lui aussi de partir depuis quelques jours m’a clairement évoqué les tergiversations du Quai d’Orsay et l’ambiguïté de Bernard Kouchner dans ce dossier. D’autant qu’il voulait absolument partir plus tôt à Gaza avant une autre mission ailleurs, car l"urgence infantile y était la bas, "prioritaire". (...) Mais bon, quand on apprend, que la France a d’autres priorités... Nicolas Sarkozy n’a pas tardé à demander à Bernard Kouchner, dès le retrait de l’armée Israélienne "d’engager des actions immédiates contre la contrebande des armes", plutôt que de consolider le dispositif humanitaire. L’urgence, précise le communiqué de l’Elysée, "est de consolider l’actuel cessez-le-feu, ce qui passe par l’action humanitaire, l’arrêt total du trafic d’armes vers Gaza, la réouverture durable des points de passage, la reconstruction et la réconciliation inter-palestinienne". Sur l’ensemble des points cités et qui me semblent tous très importants aussi bien les uns que les autres, je note que l’argument sécuritaire israélien prend le dessus. Vous lisez bien, le fondateur de Médecins sans Frontières puis de Médecins du Monde va se charger non pas d’engager enfin une aide humanitaire digne de ce nom ou de s’assurer que les denrées alimentaires peuvent enfin être acheminées sans problèmes, mais juste "d’engager des actions immédiates contre la contrebande des armes"... alors que la situation sanitaire sur place, de plus en plus dégradée, est des plus alarmantes." Conclusion de Farid Taha : "Avec la tragédie de gaza, la diplomatie Française ne trouve rien de mieux que de se fourvoyer publiquement et sans honte".

Rappelons que, dans une autre vie, avant de trahir pour s’engager aux côtés de l’ultra droite sarkoziste au pouvoir, Bernard Kouchner fut le promoteur du concept de droit d’ingérence humanitaire. Et voilà qu’aujourd’hui la France, au lieu de venir en aide à une population lourdement frappée par des crimes de guerre - quelque 300 ONG ont officiellement porté plainte -, donne encore raison à Israël en faisant sienne la priorité de l’Etat hébreu. Inqualifiable.

Mais comment s’étonner de l’attitude française quand on mesure à quel point Sarkozy s’est toujours proclamé "ami d’Israël", ce qui lui a du reste permis de rafler le vote communautaire juif à la présidentielle (illustration : 90,5 % des voix des Français vivant en Israël), et quand on voit Kouchner embrasser Tipi Livni comme du bon pain ?
 
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