Gaza : « un sentiment croissant d’injustice »

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Casablanca d'antan
VIB
mercredi 26 novembre 2008 - 06h:39

Rory McCarthy - The Guardian

La population de Gaza a été réduite à une « sous-existence » où les besoins humanitaires de base ne sont pas satisfaits, menant à une détérioration rapide des conditions de vie, selon un haut responsable de l’ONU. Le blocus économique israélien contre la Bande de Gaza, habitée par 1,5 million de Palestiniens, a produit des pénuries de carburant et de fournitures de base et a entraîné la fermeture de la plupart des entreprises privées et la hausse du taux de pauvreté.

John Ging, directeur opérationnel de l’UNWRA (United Nation’s Refugees and Works Agency), qui vient en aide aux réfugiés palestiniens, déclare que la crise et le tribut continuel en mort de civils alimentent, parmi la population de Gaza, « un sentiment croissant d’injustice ».

« C’est une catastrophe pour tout le monde parce que c’est atteindre chacun dans tous les aspects de sa vie, à partir du moment où vous vous levez le matin jusqu’à ce que vous alliez au lit la nuit », dit-il. « Avec la façon dont les choses ont été réduites ici, il se développe une véritable sous-existence humaine pour l’ensemble de la population. » Israël a considérablement réduit la quantité de carburant qu’il vend à Gaza et maintenant la pénurie de diesel et d’essence est telle que de nombreuses voitures roulent au gaz de cuisine ou à l’huile végétale et que de nombreuses écoles peuvent désormais plus recevoir leurs élèves en classe.

Par semaine, Israël autorise seulement 2,2 milliers de litres de diesel industriel à la Bande pour l’unique centrale électrique de Gaza, ce qui signifie qu’elle ne peut produire que 45-55mW d’électricité, en comparaison des 80mW qu’elle produirait si elle était pleinement approvisionnée, et en comparaison des plus de 100mW qu’elle était en mesure de produire avant le bombardement de l’usine de transformateurs par l’aviation israélienne d’il ya deux ans. Le samedi, la centrale réduit sa production encore plus, laissant la plupart de la ville de Gaza dans l’obscurité pendant plusieurs heures, parce que le carburant a été insuffisamment fourni.

Les pénuries de carburant ont affecté le système de distibution d’eau, laissant dans un approvisionnement précaire les 70.000 personnes qui comptent sur l’eau puisée par des moto-pompes, ce qui implique que chaque jour 60 milliers de litres d’eau, dont des eaux usées, partiellement traitées, sont pompés directement dans la mer. Plus des deux-tiers des 4000 puits agricoles de la Bande de Gaza dépendent de pompes et du carburant, et la pénurie cause la mort des cultures. La Banque Mondiale a déclaré le mois dernier que le taux de pauvreté dans la Bande de Gaza est maintenant à près de 67% et que la croissance économique était de zéro l’an dernier.

Les responsables israéliens affirment qu’ils continueront à autoriser la livraison de suffisamment de carburant, de nourriture et d’aide pour éviter une crise humanitaire et prétend que le Hamas manipule la situation, notamment par la rétention de carburant. « Israël est en train de faciliter l’entrée de l’aide humanitaire dans la Bande de Gaza, alors que dans le même temps, il est attaqué à partir de ce territoire », a dit le gouvernement dans une déclaration la semaine dernière. « Israël tient le Hamas pleinement responsable de ces attaques et de leurs conséquences. »

Les responsables israéliens ont également critiqué la poursuite des tirs de roquettes et de mortiers par des militants sur le sud d’Israël. Un Israélien a été tué vendredi dernier lorsqu’un mortier a frappé sa maison à la ferme collective de Kfar Aza, près de la frontière de Gaza, et quelques heures plus tard, l’armée israélienne a tué cinq policiers du Hamas avec une frappe aerienne. Les attaques perpétrées par les militants armés de la Bande de Gaza ont tué cinq civils israéliens et cinq soldats de cette année. Pour l’année en cours, les attaques militaires israéliennes sur Gaza ont tué au moins 312 Palestiniens, dont 197 étaient des civils non armés, dont au moins 44 enfants, selon le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme.

Ging affirme que l’acheminement de l’aide « est insuffisant pour les besoins fondamentaux de la population. »

« Les définitions d’une crise humanitaire sont plutôt obscènes si on les compare simplement avec la façon dont les gens doivent se battre pour survivre ici en ce moment », dit-il.

« Ici, pour chaque individu , c’est une crise quotidienne dans leur vie de survie et cette crise est créée par une politique qui retranche la Bande de Gaza du monde extérieur. »

Il admet qu’ il y a eu « de graves problèmes de sécurité » dans le fonctionnment des points de passages avec la Bande de Gaza, qui ont été attaqués par des militants palestiniens. « Le défi, c’est de surmonter cela », dit-il.

« L’équation ne peut pas être réduite à des actions sur la base des actions illégales des autres. Les attaques à la roquette sont illégales et doivent être condamnées », déclare-t-il. « Mais cela ne justifie pas des représailles qui sont également illégalles. »

Plusieurs hauts fonctionnaires internationaux, y compris Ban Ki-Moon, Secrétaire Général de l’ONU, et Benita Ferrero-Waldner, la commissaire chargée des relations extérieures de la Commission Européenne, ont décrit la politique d’Israël envers la Bande de Gaza comme « une punition collective ».

Ging souligne que les points de passage ont été en mesure de fonctionner pour la livraison de combustible à la centrale électrique et à l’ONU - bien que les distributions de vivres, par l’ONU, auprès de 800 000 personnes, ont dû être brièvement interrompues le mois dernier en raison d’un manque de carburant - et devraient donc être en mesure de permettre la livraison de carburant pour la population civile.

La crise de Gaza pourrait être atténuée si les points de passage étaient ouverts aux importations et aux exportations, en application d’un accord sur l’accès à la Bande de Gaza, négocié à la fin de 2005 par la Secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice. « La solution est simple : ouvrir les passages », dit Ging.

L’Agence des Nations Unies assure de loin la plus grande partie de l’aide dans la Bande de Gaza, fournisant une aide alimentaire à environ 80% de la population et l’éducation de 200.000 enfants, et faisant fonctionner des services sociaux de santé et des projets de microfinancement.

« La population civile n’est pas perdue pour la civilisation. Elle n’a pas cédé à la violence comme unique méthode », dit Ging.

« Les civils ont en réalité du mal à se protéger de cette violence et ils ne reçoivent pas de soutien. Si cette situation était comprise - le fait que Gaza ne soit pas perdue dans la violence, que Gaza n’est pas sans espoir mais plutôt que la majorité de la population de la Bande de Gaza est civilisée - alors l’ensemble de l’équation changerait », explique-t-il.

« Les gens répondent beaucoup plus positivement à l’aide qu’ils ne le font à la force, la contrainte ou la violence. »
 
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